Les avocats de l’association Anticor, qui avaient déposé plainte, estime que cette décision est « totalement incompréhensible ».
Le parquet de Paris a classé sans suite la plainte d’Anticor qui accusait l’Etat d’avoir renoncé à un gain de 350 millions d’euros lors de la fusion du groupe français Alstom avec l’allemand Siemens, a-t-on appris lundi de source proche du dossier. Cette plainte, qui visait des faits présumés de détournement de biens par la négligence d’une personne dépositaire de l’autorité publique, a été classée fin février pour absence d’infraction, selon cette source. Une décision « incompréhensible », ont dénoncé les avocats d’Anticor.
L’association reprochait à l’Etat, et notamment à Bercy, d’avoir renoncé à son droit d’acheter 20% d’actions Alstom, détenues par Bouygues, au moment de la fusion des activités ferroviaires d’Alstom et Siemens. Conséquence? Un possible gain pour Bouygues d’au moins 350 millions d’euros. « Le refus de l’Etat de lever une option lui assurant ce profit est totalement incompréhensible et en contradiction avec l’esprit des accords qu’il a lui-même négociés pour le compte des Français. Ce choix est d’autant plus condamnable que l’Etat se prive d’un levier pour garantir le maintien de nombreux emplois au coeur d’un secteur stratégique », ont réagi les avocats d’Anticor Léa Forestier et Vincent Brengarth.
Dans sa décision, le parquet a estimé que les faits dénoncés ne pouvaient s’analyser comme « une négligence » d’un acteur public mais comme « la conséquence de l’exercice d’une option offerte » à l’Etat, a rapporté une source proche du dossier. A ses yeux, « les conséquences financières éventuellement désavantageuses » d’un choix fait par un agent public ne suffisent pas à elles seules « à caractériser une négligence pénalement répréhensible ».
« L’absence d’argument du parquet ne nous convainc pas et nous saisissons le procureur général de Paris pour contester ce classement », a déclaré Jean-Christophe Picard, président d’Anticor. Jusqu’en octobre dernier, l’Etat contrôlait provisoirement 20% d’Alstom à travers ces actions que lui prêtait Bouygues depuis 2014.
A cette époque, le groupe français avait décidé de céder son pôle énergie au géant américain General Electric. Le gouvernement socialiste avait donné son accord mais en posant notamment comme condition une nationalisation partielle du fleuron français, avec l’intention affichée de faire obstacle à son démantèlement progressif. Pour se hisser comme actionnaire majoritaire, l’Etat avait obtenu que Bouygues lui rétrocède 20% de sa participation dans Alstom, sous la forme d’un prêt d’actions. L’accord prévoyait une option d’achat de ces quelque 43 millions d’actions valable jusqu’au 17 octobre dernier. A la fusion effective d’Alstom et Siemens, les actionnaires – dont l’Etat – pouvaient s’attendre à percevoir 8 euros de dividendes par actions détenues.
Mais en septembre, au moment de l’annonce de cette fusion, le gouvernement, sans attendre l’échéance, avait confirmé qu’il n’avait pas l’intention d’acheter ces actions, ce qui avait suscité de vives critiques, notamment de l’ancien ministre de l’Economie Arnaud Montebourg, fer de lance du « patriotisme économique ». L’actuel locataire de Bercy Bruno Le Maire s’était défendu de « faire de la spéculation sur le dos du contribuable ». Il avait expliqué que la sortie de l’Etat était une condition sine qua non pour que Siemens accepte le rapprochement.
(AFP)