Jonathan Daval, le « gendre idéal » qui cachait depuis trois mois son crime sous les pleurs, a avoué mardi avoir tué son épouse Alexia, retrouvée morte dans un bois en Haute-Saône : « sidérés », ses beaux-parents veulent comprendre sans accabler.
« Ils n’ont rien vu venir, maintenant ils voudraient comprendre », a déclaré Me Jean-Marc Florand, lors d’une conférence de presse à Vesoul (Haute-Saône), au lendemain du « coup très dur à encaisser » qu’ont été les aveux de l’informaticien de 34 ans. « C’est une dispute violente qui a très mal tourné (…) Quand vous étranglez quelqu’un à mains nues et que vous voyez ses yeux, on ne peut pas dire que c’est un accident », a expliqué le conseil, contredisant les propos tenus la veille par les avocats de Jonathann Daval.
Me Ornella Spatafora et Me Randall Schwerdorffer ont affirmé que leur client avait tué l’employée de banque de 29 ans « par accident », qu’il « ne voulait pas » et qu’il était la cible de « violences verbales » de la part de sa femme qui, « en période de crise, pouvait avoir des accès de violence extrêmement importants ». La secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a jugé mercredi « proprement scandaleux » de mettre en avant la « personnalité écrasante » d’Alexia Daval, demandant « d’arrêter de trouver des excuses » aux féminicides. Selon Me Florand, les parents d’Alexia n’avaient pas connaissance de violences. « Dans ce couple, il y avait une personnalité plus effacée et Alexia plus dominante, énergique, sportive, battante », a-t-il dit.
Zones d'ombre
À la disparition de sa femme, Jonathann Daval était apparu sans cesse effondré, en pleurs, soutenu par ses beaux-parents qu’il a continué à voir quasiment quotidiennement depuis la mort d’Alexia. « La comédie qu’il a jouée lui coûtera très cher dans l’esprit des jurés », a estimé l’avocat des parents, qui table sur un procès au mieux dans le courant de 2019. Mis en examen et écroué pour « meurtre sur conjoint », il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. L’enquête, démarrée il y a trois mois et menée par la Section de recherches (SR) de la gendarmerie de Besançon, épaulée par les gendarmes des groupements de Haute-Saône et du Doubs, se poursuit pour éclaircir les zones d’ombre restant autour de la mort d’Alexia Daval. Le corps de la jeune femme, retrouvé le 30 octobre dissimulé sous des branchages dans le bois d’Esmoulins, près de Gray, non loin du domicile du couple, a été en partie calciné. Son mari affirme ne pas l’avoir brulé.
Mardi, confronté à « plusieurs éléments accablants » – un traceur sur son véhicule professionnel attestant que le véhicule avait bougé le soir de la disparition d’Alexia, des traces de pneus correspondant à ce véhicule et un drap du couple retrouvé près du corps – Jonathann Daval a avoué avoir étranglé son épouse, « sans intention de donner la mort », ont expliqué ses conseils. L’homme n’a avoué le crime qu’à la fin de sa garde à vue, acculé par les éléments scientifiques rassemblés par les gendarmes de la SR de Besançon. Il avait jusque-là toujours maintenu qu’Alexia était partie courir et n’était jamais revenue. C’est lui qui avait alerté les gendarmes.
Des questions restent en suspens: « Où l’a-t-il tuée ? Quand ? Pourquoi était-elle en tenue de joggeuse alors qu’elle n’est pas partie ? Est-ce qu’elle a souffert ? Qui l’a brulée ? » a dit l’avocat des parents d’Alexia. À Gray-la-ville (Haute-Saône), les quelque deux mille habitants étaient sous le choc et « abasourdis » mercredi matin. Les femmes restent les premières victimes des violences au sein des couples : 123 femmes ont été tuées par leur compagnon, ex-compagnon ou amant en France en 2016, soit une tous les trois jours.
(AFP – Angela Schnaebele)
La commune de Gray entre stupeur et colère
« Retournés », « révoltés », « trahis » : les habitants de la petite ville de Gray (Haute-Saône), où les parents d’Alexia tiennent un bar PMU, sont abasourdis mercredi, au lendemain de la mise en examen pour meurtre sur conjoint de Jonathann Daval. Le visage fermé derrière son comptoir, Jean-Pierre Fouillot, le père d’Alexia, a servi le café à ses clients du bar PMU de Gray mercredi au lendemain des aveux de son gendre. À l’intérieur, une affiche datant de plusieurs mois déjà résume son état d’esprit : « Votre silence est le plus beau des hommages, merci de respecter notre sérénité. » Après la disparition d’Alexia, employée de banque de 29 ans, il y a 3 mois, les habitants de Gray, Gray-la-ville – où le couple habitait – et Velet – où Jonathann a passé son enfance –, ont fait corps. D’abord pour retrouver la jeune femme en participant à plusieurs battues citoyennes. Puis pour soutenir la famille confrontée à la découverte du corps sans vie d’Alexia dans le bois d’Esmoulins, à quelques kilomètres de Gray, en participant à une marche blanche rassemblant entre 8 000 et 10 000 personnes. Mercredi, c’est la stupeur et le sentiment de trahison qui dominent. « C’est un désaveux total pour toute la population qui a marché dans la plaine » pour retrouver Alexia, « sous les averses dans les bois », a expliqué Denis Bari, deuxième adjoint au maire de Gray, mercredi. « Tout le graylois est retourné, surpris, c’est un retournement de situation que personnes n’imaginait », a-t-il ajouté. À Gray, où « tout le monde se connait », Isabelle Fouillot est dans l’équipe municipale depuis 2 mandats. Elle et son mari ont fait preuve d’un « soutien paternel et maternel » sans faille envers Jonathann pendant l’enquête, désormais écroué en attente de son procès, a expliqué l’élu. « On est complètement catastrophé. Les parents le soutenaient toujours. La marche blanche, tout ce qui s’est fait, il n’a jamais craqué. Comment on peut avoir un comportement comme ça après un meurtre », s’est interrogé un restaurateur en ville. Même constat d’incrédulité chez les habitants qui ont côtoyé Alexia et Jonathann. « Je ne peux pas le croire, c’était un si gentil petit couple », a confié une voisine. Agnès, 57 ans, qui a participé à la marche blanche, est « choquée » du dénouement de l’affaire, mais continue de soutenir la famille d’Alexia : « Je plains beaucoup les parents, des gens gentils, accueillants. »