Le dispositif de sécurité, dès 17 h, ce samedi 16 mars au conservatoire du pays de Montbéliard, était impressionnant. Fouille des sacs, barrage de rues, coups de coudes en cascade pour avoir la meilleure prise de vue, prise de bec des différents acteurs pour être bien placés… À 18 h, le Premier ministre arrive, serre quelques mains avant de s’installer dans l’auditorium du conservatoire, qu’il est venu inaugurer.
« Il s’agit de mon premier déplacement lié à la culture en tant que Premier ministre. Je tenais à ce que ce premier déplacement ait lieu en dehors de la capitale », déclare Gabriel Attal. Il encourage tout au long de son discours une démocratisation de la culture dans les territoires ruraux. Et plaide pour « rendre la culture plus festive et accessible ».
Le timing est très serré. Il est 19 h quand il remonte en voiture pour se rendre à la cérémonie d’ouverture de la “Capitale française de la culture”, organisée à l’Axone. Escorté par une parade déjantée du Théâtre de l’unité qui se roule par terre pour balayer le sol avant son passage, il s’offre un bain de foule avec les spectateurs.
Huées et chant d’anniversaire
Sur scène, Hervée De Lafond, l’une des trois commissaires artistiques de cette année culturelle, organisatrice à part entière de cette cérémonie, n’a pas eu la langue dans sa poche. Elle a offert un spectacle quelque peu particulier. « Dégagez, dégagez tous de devant la scène », vocifère-t-elle, prenant aussi à partie les « gardes du corps » de Gabriel Attal, alors que celui-ci fait son arrivée au niveau de l’estrade où il est attendu. Elle n’hésite pas à tutoyer le Premier ministre, l’appelant « le gosse ». Jurant à coups de « merde », « Cassez-vous », et autres joyeux noms d’oiseaux.
Pas le temps de s’installer: le Premier ministre en prend pour son grade. Elle l’invective ; le ton impertinent en étonne plus d’un. “Tu es venu en avion alors qu’il y a un TGV? Tu te prends pour qui? Pour le Premier ministre ? » Elle rappelle devant tous que le thème de “Capitale française de la culture” est « la sobriété ». Dans la foule, le ministre se fait huer. Et elle ne s’arrête pas là, en reprochant l’absence « choquante » de Rachida Dati, ministre de la Culture, ou encore les 200 millions d’euros d’annulation de crédits pour le ministère de la Culture en 2024. Nouvelle huée pour le Premier ministre.
Gabriel Attal, qui fête ses 35 ans, se permet de lui renvoyer la balle, en exposant : « Je me souviendrai toute ma vie de cet accueil. On m’avait dit, Hervée, que tu étais extraordinaire; je confirme. On m’avait dit que c’était un joyeux bazar, je confirme aussi. » Et de prononcer ensuite, sans sourciller, son discours.
« Ce qui permet de partager et d’être ensemble, c’est la culture, ce sont nos artistes, nos professeurs, les régisseurs, les techniciens, les bénévoles. On a besoin de rassemblement, d’unité, et c’est la culture qui le permet », poursuit-il devant 3 000 personnes environ, qui lui entonnent en chœur un “joyeux anniversaire”.
« Gênant, mais marrant. »
« Tout est en retard, on rate tout. » Hervée Delafond, dans sa grandeur, a continué sur sa lancée en annonçant l’arrivée des vélos à plusieurs reprises, alors qu’ils n’étaient pas encore là. En annonçant la déambulation des oies dans l’allée centrale, sans qu’elles soient là. Le Joyeux Bazar, lui, est là. Mais cela fait sourire la plupart des participants. Tandis que d’autres ont déjà fait demi-tour. Les troupes du Théâtre de l’unité comblent les trous laissés par les lenteurs du défilé, improvisent. Faute de réussir à maintenir les séquences dans l’ordre, elles sont interverties. Des breakdanseurs sur de la danse classique effectuent tout de même une belle prestation. Tout autant que celle de Yoanna Dallier, quintuple championne de France et double championne d’Europe de football freestyle, accompagnée par Johan Trambouze.
Le public, qui devait rester derrière des barrières le temps de la parade, se retrouve dans l’allée centrale, alors que défilent des chevaux comtois et des vaches montbéliardes. Dans le fond, où se trouvent les spectateurs, les oies manquent de percuter la troupe du Théâtre de l’unité qui court dans le public munie d’une saucisse géante. Le public rit. La bonne humeur est là, malgré la désorganisation, assumée – ou non – de cette grande fête populaire organisée par Hervée De Lafond.
Vite, les lumières s’éteignent pour lancer dans les airs une vouivre, créature légendaire. Le feu d’artifice, conçu par le groupe F, très renommé, est envoyé dans la foulée, avec en fond l’hymne de “Capitale française de la culture”.
Alors que le Premier ministre devait repartir sur les coups de 20 h 10, il est finalement resté jusqu’au bout du spectacle. Animé, peut-être, par ce « joyeux foutoir », comme l’appelait Hervée De Lafond, il y a quelques jours à peine. À la sortie, le public rigole encore. « On a rit tout du long », exposent les familles qui se dirigent vers les food-trucks. Les commentaires sont plutôt unanimes : « Gênant, mais marrant. » Les festivités sont lancées.