Des dispositifs de formation bousculent les approches du retour à l’emploi. L’objectif, accompagner la construction d’un projet professionnel, puis préparer le parcours amenant à une formation qualifiante.
Des dispositifs de formation bousculent les approches du retour à l’emploi. L’objectif: accompagner la construction d’un projet professionnel, puis préparer le parcours amenant à une formation qualifiante. Des formations qui s’adressent à des personnes peu ou pas qualifiées ou à des individus contraints de faire une reconversion. Rencontre avec Fouad, Aurélie et Christophe, qui ont suivi ces parcours.
« Je ne sais pas ce que je fais là. » Voici ce qu’a déclaré Fouad Yalaoui en poussant les portes d’Onlineformapro, au Techn’Hom, à Belfort. À 53 ans, il ne pensait pas qu’il devait retourner sur les bancs de l’école. Ni suivre une formation, alors qu’il est à quelques encablures de la retraite. Il a travaillé dans le bâtiment, dans l’industrie et il a été plusieurs années ambulancier. Mais la vie a décidé de bousculer son quotidien. Il se blesse gravement au genou. Dorénavant, il n’a plus le droit de porter des charges supérieures à 10 kg… L’activité d’ambulancier n’est plus possible. Mais que faire ?
Sur prescription de Pôle Emploi, il intègre le dispositif « Une formation pour moi, c’est possible », qui vise à construire un nouveau projet. Un dispositif de la région Bourgogne-Franche-Comté, porté dans l’Aire urbaine par Onlineformapro. De fil en aiguille, il comprend qu’il peut encore façonner la fin de sa carrière professionnelle. Et quand on l’écoute évoquer son futur métier, animateur tout public, cela sonne comme une évidence. Il a les yeux qui pétillent. Il a plein de choses à raconter. Et d’idées à mettre en place.
Quand il a débuté sa formation, on a fait le tour de ses expériences, de ses passions et de ses activités. C’est là que l’on voit son investissement dans un club de foot, comme dirigeant. « J’ai amené des jeunes à l’école de Sochaux, glisse-t-il avec fierté. Mais je ne pensais pas que c’était de l’expérience. » C’est de ce point que va se construire son futur.
Remobiliser
« Ce dispositif est un parcours individualisé qui permet d’élaborer un projet professionnel », détaille Karine Maegerlin, de la société Onlineformapro. Elle coordonne dans l’Aire urbaine le dispositif, « Une formation pour moi, c’est possible », ainsi que le « Dispositif en amont de la qualification » (DAQ), financés par la Région Bourgogne – Franche-Comté. Le premier est à temps partiel, trois jours par semaine. Il est ouvert à tous, même s’il s’adresse particulièrement aux personnes peu ou pas qualifiées. L’accompagnement est mené sur deux mois environ. Il suffit d’être demandeur d’emploi. « C’est une première marche », explique Karine Maegerlin. On cible des métiers. On regarde les compétences. On repère les problématiques liées à la mobilité, à la garde d’enfant, à la formation ou à la santé, pour lever les freins au suivi d’une formation à temps plein. Et on prépare le futur de manière modulaire, en fonction de chacun.
Aurélie Labing, 36 ans, vient justement de débuter « Une formation pour moi, c’est possible ». Elle envisage de préparer un brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS). Elle aurait aimé travailler dans un pôle gérontologique, mais l’animation y est souvent assurée par des bénévoles. « Le marché du travail y est fermé », observe-t-elle. Elle voit donc plus large. Certes, elle aurait aimé travailler dans le soin, mais un accident de la vie la handicape fortement. Elle ne peut pas porter.
Il y a quelques années, elle s’est brisée des vertèbres. Cet accident est intervenu alors qu’elle venait de signer une rupture conventionnelle. Elle n’avait plus d’emploi. Aurélie a ensuite traversé une longue période de doutes. Ce dispositif lui a redonné du peps, alors qu’il lui fallait trouver une nouvelle voie professionnelle, elle qui avait multiplié les expériences dans l’industrie. « Quand vous n’avez pas travaillé pendant deux ans, cela redonne un cadre de vie, constate Aurélie. Avant, j’avais le sentiment que toutes les portes étaient fermées et que je n’avais pas d’avenir. » Le dispositif lui a permis de se remobiliser. De reprendre confiance. Et de rouvrir des portes. « Tout au long de ces dispositifs, on découvre des histoires de vie, apprécie de son côté Christophe Myon, qui termine son DAQ. On échange. Et cela fait avancer tout le monde. »
Modules
À 45 ans, Christophe est un ancien paysagiste. En 2016, il souffre d’importants problèmes de dos. Les séquelles d’un accident de moto survenu en 2002. Pendant près de quinze ans, il a tout donné, puis le corps a lâché. Il débute alors une longue période de calvaire. Pendant deux ans et demi, il enchaîne les soins et les rééducations. Il subit trois interventions chirurgicales. À 45 ans, il est conscient qu’il ne pourra plus être paysagiste. Il doit faire une reconversion, alors que la MSA reconnaît son invalidité. Aujourd’hui, il envisage de devenir formateur. Il a été orienté sur le DAQ par Cap-Emploi. Bientôt, il intégrera une formation pour devenir formateur. Au cours de son parcours, il a même validé un BTS au lycée agricole de Valdoie pour avoir plus de qualification.
L’objectif du DAQ, après avoir entériné un projet, est de sécuriser l’entrée dans une formation qualifiante et donc, in fine, de « favoriser l’employabilité », explique Salima Inezarene, conseillère régionale déléguée aux formations du numérique. Il est ouvert à l’ensemble des personnes recherchant un emploi. Les modules proposés concernent des remises à niveau en langue ou en mathématique, la validation de prérequis à l’entrée en formation, la réalisation de stages en entreprises pour « conforter le projet professionnel », note Salima Inezarene. « Il y a un parcours fléché, mais il n’y a pas d’ordre pour le réaliser », schématise de son côté Karine Maegerlin. Ce dispositif permet d’activer les besoins en fonction des profils. Certains débuteront par une remise à niveau. D’autres par des ateliers ou des immersions. D’autres valideront des compétences complémentaires. Chacun choisit sa voie. À son rythme.
Facilitateur
Les parcours de ces deux dispositifs sont individualisés, mais ils sont surtout flexibles. « On peut suspendre le parcours pour un retour à l’emploi, puis réintégrer ensuite le dispositif », apprécie Karine Maegerlin. Si la personne doit opérer une mission, elle ne perd pas le bénéfice de son travail. Cela permet de s’adapter aux parcours singuliers et de ne pas casser une dynamique professionnelle à cause de contraintes extérieures. Il y a donc un système continu d’entrées et de sorties de formation. « Il n’y a pas non plus de salles de cours classiques, complète Karine Maegerlin. Le formateur n’apporte plus forcément un savoir. » L’apprenant doit être acteur et on favorise l’auto-formation. Les formateurs se placent comme des facilitateurs, comme des coaches.
« Quand on va chercher les informations soi-même, on retient plus facilement », approuve Fouad, qui s’est surpris, par exemple, à apprécier les outils informatiques, qu’il rejetait auparavant. « J’ai compris que je pouvais encore apprendre », confie-t-il finalement, satisfait du chemin parcouru. Ces deux dispositifs l’ont ouvert à un nouveau futur. Qu’il s’est construit.
Renseignements.- Une formation pour moi c’est possible ou Dispositif en amont de la qualification. Tél. : 03 84 21 54 28 – https://www.onlineformapro.com/
Plus de 22 millions d’euros investis
En 2018, 3 775 personnes ont intégré le dispositif en amont de la qualification (DAQ) indique la Région Bourgogne – Franche-Comté. Les femmes représentent 60 % des stagiaires. Un tiers de l’effectif régional a moins de 26 ans note également la Région. 19,28 % (728 personnes) du public bénéficient d’une reconnaissance de travailleur handicapé, contre seulement 10 % lorsque l’on regarde les demandeurs d’emploi en fin de mois, à Pôle emploi. Le projet professionnel de ces publics en reconversion est principalement orienté vers les métiers du secteur tertiaire. 800 personnes sont bénéficiaires du RSA, ce qui représente 21 % de l’effectif régional. « La reprise économique, a fait évoluer les personnes orientées sur le dispositif, les personnes directement employables retournant rapidement à l’emploi », analyse également Salima Inezarene. La Région a conventionné 4 000 parcours économiques soit potentiellement plus de 5 000 stagiaires, pour un montant prévisionnel de 22,7 millions d’euros.