La position de la CGT a interpellé ces dernières semaines. Ses actions et ses positions ont pu brouiller la compréhension. La CFE-CGC et Sud Industrie ont signé des accords-cadres avec la direction dans le cadre des négociations du nouveau plan, lundi. Pas la CGT.
La position de la CGT a interpellé ces dernières semaines. Ses actions et ses positions ont pu brouiller la compréhension du combat syndical. La CFE-CGC et Sud Industrie ont signé des accords-cadres avec la direction dans le cadre des négociations du nouveau plan, lundi. Pas la CGT. Cyril Caritey et Karim Matoug expliquent cette position et détaillent comment l’organisation syndicale compte peser dans les prochaines semaines. Entretien croisé.
Quelle analyse porte la CGT au lendemain du levé des piquets de grève et de la signature, par deux organisations syndicales (CFE-CGC et Sud Industrie), d’accords-cadres sur les négociations relatives à la restructuration des turbines à gaz à General Electric Belfort ?
Karim Matoug – Hier (lundi, NDLR), il y avait une séance de signatures pour les organisations syndicales, qui concernait un accord-cadre. Nous confirmons que la CGT n’a pas apposé sa signature, mais nous participerons aux discussions qui seront organisées dans les six prochaines semaines. Même si nous n’avons pas signé cet accord-cadre, c’est une obligation pour la direction de convoquer toutes les organisations syndicales dans ces réunions. Nous ne balayons pas le nouveau projet, nous disons qu’il n’est pas suffisant par rapport aux enjeux et à l’avenir de la turbine à gaz à Belfort. Nous avons une position ferme, autour de trois points, qui sont encore à bagarrer. Et c’est pour cela que nous n’avons pas voulu nous enfermer dans un accord-cadre. Ces points sont la délocalisation en Hongrie de la ligne stator-combustion, l’augmentation du temps de travail et les 5 % de productivité que la direction veut mettre en place. Nous parler de 5 % de hausse de productivité avec 173 personnes qui quitteront l’entreprise, cela nous paraît insensé. L’augmentation du temps de travail, contrairement à ce qui est dit dans la presse, ne concerne que les salariés qui travaillent d’équipe, et à 98 % des ouvriers. Sur cet état, nous avons fait des propositions à la direction. Et nous les referons quand nous serons dans les discussions. Notre proposition repose sur le volontariat. C’est au gens de dire s’ils préfèrent travailler 2 heures supplémentaires par semaine ou conserver leurs RTT. Mais qu’on laisse le choix aux salariés.
#GeneralElectric #Belfort. Les piquets de grève sont levés. Nettoyage en cours. pic.twitter.com/EwmHDOBa15
— Le Trois (@letrois_info) October 22, 2019
Comment percevez-vous dans les accords-cadres que la CGT n’a pas signés, que pour la première fois depuis plusieurs années, on évoque une cohérence industrielle sur Belfort ? Même si rien n’est encore garanti…
Karim Matoug – Je peux faire un historique des promesses de General Electric : l’usine d’impression 3D à Bourogne ; les fabrications 60 Hz ; Les 1 000 emplois… Je peux vous parler de beaucoup de choses que GE a mis sur la table et qui ne sont jamais arrivées. Nous ne donnons pas de chèque en blanc à la direction. Et sur le projet industriel, nous avons des choses à amener. Nous voulons donner un avenir aux turbines à gaz. Aujourd’hui, nous n’avons pas les données suffisantes pour savoir s’il y a un avenir à la turbine à gaz à Belfort. Nous le verrons en fonction de la cartographie des effectifs de l’entreprise. Car si nous n’avons plus de commerciaux, cela sera difficile d’aller chercher des contrats.
La CGT ne signe pas les accords-cadres, à la différence de Sud Industrie et de la CFE-CGC. Pourtant, vous insistez sur l’intérêt de l’intersyndicale ?
Cyril Caritey – Cela fait 4 mois qu’il y a des discussions, des échanges avec les représentants des différents secteurs d’activité, des différentes catégories salariales. Nous avons tous compris qu’il y avait un point commun : préserver l’emploi. Cela passait par l’unité. Elle a été réfléchie, travaillée dans les modes d’action. Il y a eu des actions juridiques. Puis les modes d’action se sont durcis quand on s’est approché de la ligne de crête. Chacun a pris ses responsabilités. La CFE-CGC et Sud sont allés dans des réunions avec le gouvernement pour essayer de faire évoluer les choses ; la CGT y a été associée mercredi dernier. Puis, elle a durci le ton avec les salariés, car elle savait que si elle ne durcissait pas le ton, il n’y aurait aucun moyen pour faire évoluer les choses. Il y a encore du travail devant nous. Le projet est toujours là, avec l’idée de faire vivre la turbine à gaz à Belfort. Patrick Mafféïs s’est engagé à être là (il est responsable Europe des opérations industrielles, NDLR). Nous on dit qu’il va falloir faire vivre Belfort. Mais ce ne sera pas sans des commerciaux. Ce ne sera pas sans le sourcing. Il faut une nomenclature et une architecture à l’entreprise pour avancer.
Hier, vous avez organisé une assemblée générale dans les ateliers. Qu’en est-il ressorti ?
Cyril Caritey – Elle a eu le mérite de rassembler le personnel. Il y a eu beaucoup de débats. Je prends un exemple. Ce matin (mardi, NDLR), des gens du bâtiment 38, des ingénieurs, des cadres, des techniciens, nous disaient : « Bravo pour ce que vous faites la CGT. Bravo les organisations syndicales. » Maintenant, la direction fait face à deux fronts. Pour conserver l’outil de travail, il va falloir remonter au créneau pour lui dire : « Tenez vos engagements. »
Vous avez levé les piquets de grève. Quelles contreparties avez-vous obtenu ?
Cyril Caritey – On a demandé de participer aux discussions, ce qu’envisageait déjà la direction. Elle paiera, sous certaines modalités, le défraiement de nos heures de grève.
Vous continuez de véhiculer l’idée d’une unité de l’intersyndicale. On a pourtant entendu beaucoup de velléité à l’égard de vos collègues de la CFE-CGC ou de Sud Industrie la semaine dernière. La CGT joue-t-elle sa propre partition et vise-t-elle déjà les prochaines élections syndicales ?
Cyril Caritey – Non. Déjà, les élections ne sont que dans deux ans. Ensuite, on ne va pas commencer à faire des calculs d’apothicaires. Très sincèrement, ce qui a guidé nos interventions, c’est l’intérêt général. Tout le monde s’aperçoit, aussi bien Philippe Petitcolin (CFE-CGC), Francis Fontana (Sud Industrie) que la CGT, que ce n’est pas la même bagarre que quand on négocie une augmentation salariale. Tout le monde à mesurer les enjeux. Tout le monde à mesurer qu’il fallait prendre ses responsabilités. On diverge sur la forme, mais si le fond est partagé, il n’y a aucun souci pour la CGT.