« Pour une adolescente ou une jeune femme, être traitée de salope n’est pas forcément considéré comme de la violence », alarme Catherine Bernard, association sociale de l’association belfortaine Solidarité femmes. Elle remarque depuis quelques années une hausse des témoignages de jeunes femmes qui se rendent à la permanence de l’association. Une hausse du nombre de parents cherchant de l’aide pour aider leurs enfants, également. « Nous avons de plus en plus de jeunes de 20 ans, et moins, qui se trouvent dans des situations de violence dans leurs relations avec les hommes : que ce soit dans la phase du flirt ou du couple. » Des jeunes femmes qui sont dans les mêmes schémas de relation que des adultes mais pour qui se superposent une recherche d’identité, de la vulnérabilité.
Sihame Djemah, juriste du centre d’information sur les droits des femmes et des familles du Territoire de Belfort (CDIFF) l’affirme : « Parce qu’elles ne s’identifient pas comme victimes de violences conjugales, les jeunes repoussent les frontières de l’acceptable en termes de violences. » Au niveau national, la dynamique d’intensification des violences est la même, affirment les professionnelles. Trois jeunes femmes de moins de 25 ans ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon depuis le 1er janvier 2023. « Cela nous demande d’agir, et vite », expose Catherine Bernard.
Un dispositif inédit
Les deux associations, ensemble, ont décidé de prendre contact avec La Passerelle, une maison d’aide et d’hébergement des femmes victime de violences conjugales au Québec. La créatrice de cette maison, Isabelle Harvey, est à l’origine d’un outil pédagogique pour alerte les jeunes appelé « Les couloirs de la violence amoureuse ». L’outil ? Une structure de 6 mètres sur 11 installée dans une salle où les jeunes sont plongés dans un univers multimédia dans lesquels ils évoluent, circulant d’une pièce à l’autre, découvrant l’évolution d’une vie amoureuse dans laquelle s’installe insidieusement une relation de violence.
« Ce sera une première », se réjouissent les deux associations. La structure est partie du Québec par bateau il y a deux mois déjà pour rejoindre Belfort, le premier lieu en France où elle sera expérimentée auprès du jeune public à la maison de quartier Gilbert-Marin-Moskovitz du 9 au 12 octobre. En tout, on retrouvera « huit couloirs, pour les huit étapes de la violence amoureuse », décrit Théo Coutant, animateur du pôle prévention de Solidarité Femmes. Différentes personnes des deux associations seront formées sur une demi-journée pour guider et questionner les ressentis des jeunes pendant le parcours. Une dizaine d’établissements scolaire du Territoire de Belfort sont attendus, avec des classes allant de la troisième à la terminale. Ainsi que d’autres structures accueillant des jeunes qui ne sont pas scolarisés.
« Les vidéos ne sont pas dans le « trash ». Elles doivent permettre à ceux qui rentrent dans ce type de schéma de s’identifier », relate-t-il. Le but : donner des clefs, des outils, pour se diriger vers des structures en cas de besoin et pour encourager les victimes et agresseurs à consulter des groupes d’aide.
Réfléchir à l’accompagnement
En parallèle, une journée d’étude est organisée le 6 octobre au centre culturel des Résidences à Belfort à destination des professionnels. « Aujourd’hui, nous ne pouvons pas encore vous dire ce qui cause cette augmentation. Mais cette évolution nous questionne sur les violences dans les relations de couple des jeunes, et surtout sur la prise en charge. » Pour travailler sur cette question, les deux associations invitent des professionnels de tout milieu (enseignants, juristes, accompagnants sociaux) à participer à la journée d’études animée par des psychologues cliniciennes, des expertes judiciaires, la directrice des programmes de l’association En avant toutes, ou encore la directrice générale de La Passerelle, Isabelle Harvey, à l’origine du dispositif des couloirs de la violence amoureuse.
« On ne veut pas se formaliser en amont sur une représentation », explique Catherine Bernard. La journée doit permettre de discuter sur les modèles, les facteurs extérieurs qui peuvent pousser à cette dégradation. Des questions posées en amont vont être explorées par des professionnelles tout au long de cette journée. Environ 50 places sont encore disponibles.