L’appel du large. Suzanne Kandel, 22 ans, est originaire d’Offemont. De la maternelle à la classe préparatoire, la jeune femme est toujours restée à Belfort. Jusqu’à l’école d’ingénieurs, depuis deux ans à Marseille. Cette année, Suzanne est en année de césure. Et elle a décidé qu’elle n’en ferait pas n’importe quoi. « Je veux donner du sens à cette pause », narre-t-elle par téléphone. Pour cela, en novembre, elle partira pour un tour de l’Atlantique de huit mois à la voile. Elle le fera avec des amis, deux colocataires, Elie et Alexis. Ainsi qu’avec un marin bénévole, Paulin.
Au départ de Marseille, les jeunes partiront direction la côte espagnole pour rejoindre le détroit de Gibraltar. Après avoir atteint le Cap-Vert, ils navigueront pendant vingt jours pour atteindre l’arc antillais où se déroulera la majorité de leur travail. Sur la boucle retour, ils passeront par les Bahamas, puis par l’archipel des Açores. Cet itinéraire n’a pas été fait au hasard. Plusieurs points de passage ont été sélectionnés pour s’arrêter dans les écoles et sensibiliser les jeunes sur la protection du vivant, plus particulièrement la protection des espèces marines.
Poseadonie, c’est le nom de ce projet qui les occupera toute l’année. « Tous les quatre, nous sommes sensibles à la dégradation flagrante de l’environnement. Nous remettons en question nos modes de vie, nos manières de consommer et de nous déplacer. » Pour eux, aller voir les plus jeunes est essentiel pour les sensibiliser. « Leur transmettre un savoir est une ressource clef et personne ne peut rester inactif face aux constats des scientifiques. » Le public : les élèves en école maternelle, pour travailler avec eux avec une dimension artistique.
« Nous avions ce contact privilégié avec ce public car ma maman est institutrice pour des élèves en grande section. Elle est d’un grand appui pour guider nos sensibilisations. » Sept interventions sont déjà prévues en France avant le départ, en Bretagne, mais aussi à Offemont et Belfort. Des contacts ont aussi été tissés avec des écoles aux Canaries et au Cap-Vert.
Le but de chaque intervention est de raccrocher une espèce à un danger auquel il est confronté à cause de l’homme, que ce soit à cause de la surpêche, du tourisme ou encore de la pollution. « Mais nous mettrons aussi en valeur des clefs, des solutions pour diminuer notre impact sur les espèces pour que cela reste pédagogique. L’objectif est d’entamer une discussion avec eux et d’éveiller leur curiosité. » En expliquant le milieu de vie des espèces, leur rôle dans l’écosystème, les menaces qui pèsent sur elles et les effets de l’humain sur leur population.
Des prélèvements en mer pour Oceaneyes
Avec chaque classe, deux pages d’illustrations présentant le voilier et une espèce marine seront réalisées pour créer un album « en randonnée ». Un album qui deviendra le fil rouge de l’aventure, en plus de vidéos Youtube que l’équipage tournera tout au long des huit mois et qui permettront de suivre le voyage au fil de l’eau. Une aventure qui ne sera pas de tout repos, car à part Paulin, les jeunes ne sont pas des pros de la navigation. « Nous sommes inscrits dans un club de navigation depuis deux ans, mais nous sommes loin de tout savoir. Heureusement, Paulin nous apprend énormément. »
L’investissement est très important de la part de ces jeunes, notamment financier. Le voilier, racheté à d’anciens adeptes du tour de l’Atlantique, a coûté à Suzanne, Elie et Alexis 30 000 euros. Ils en prévoient autant, 33 000 euros, pour le budget des huit mois à parcourir la mer et l’océan. « On sait qu’on pourra revendre le voilier, qui se transmet de projet en projet. Mais pour le moment, nous avons contracté des emprunts. »
Une campagne de soutien a été lancée. Sur le budget prévisionnel de 33 000 euros, 15 780 euros ont déjà été récoltés, soit presque la moitié de l’objectif final.
Parmi les objets à acheter : un filet, capable de filtrer les microplastiques. Le but est de les échantillonner puis de les envoyer à l’association Oceaneye, une association qui met en lien des laboratoires et des voiliers volontaires afin d’effectuer des relevés de microplastiques en pleine mer.
Ces mesures permettront de contribuer à une cartographie de la pollution plastique, suivie depuis 2010. Des données ensuite réutilisées par des scientifiques du monde marin. « Nous allons conservés les échantillons d’Oceaneye pendant le voyage, puis ils seront tous envoyés à notre retour en métropole », précise la jeune femme.
Le départ est proche. Et Suzanne ne craint ni la navigation, ni la difficulté d’accéder dans des classes, ni la promiscuité avec ses compères pendant huit mois. Elle n’a qu’une hâte : que ça commence, enfin.