Au premier étage du collège Simone-Signoret à Belfort, des ouvriers miniatures munis de casques et de gilets s’activent devant une maison en maquette qu’ils sont en train de construire. « Passe moi le tournevis ! » Des leaders se dessinent déjà parmi la troupe de jeunes élèves de 5ème présents ce mardi 24 avril. Carrelage, peinture, plomberie, toiture, tuyauterie, les élèves présents ont tous une tâche distincte à effectuer pour réussir à monter dans les temps une maison digne de ce nom. Derrière eux, quatre hommes les conseillent, les guident dans les tâches à accomplir.
« Nous sommes tous les quatre retraités. Anciens du bâtiment, nous sommes devenus bénévoles de la Capeb (Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment) et venons dans les collèges pour parler de nos anciens métiers aux jeunes », explique Jean Labouray, ancien conducteur de travaux dans le bâtiment et travaux publics (BTP). Au sein des collèges, ils passent une journée à expliquer en quoi consiste les tâches de chaque job du bâtiment. Avec une partie théorique le matin pour parler des qualifications, des parcours, de tous les métiers. Puis une partie atelier l’après-midi. « Ils préfèrent, généralement. Et je les comprends », explique dans un sourire Jean Labouray.
Seydou a 12 ans. Il s’arrête quelques instants et expose : « J’ai bien aimé. On a construit, on a tous fait quelque chose.» Le retraité lui propose de resserrer son casque tombant.
« En tout, nous sommes sept bénévoles à accompagner des jeunes dans les collèges. C’est peu, nous essayons de trouver d’autres personnes. On s’essouffle parfois. Mais nous avons à cœur de transmettre notre passion jusqu’au bout.» Pour convaincre, les interventions dans les classes sont essentielles, pour déconstruire des préjugés « qui sont encore énormes » et « créer des déclics ».
Orienter les jeunes
« Non, les métiers du BTP ne sont pas toujours un plan B. Non, ce n’est pas que pour les garçons », restitue l’un des bénévoles de la Capeb. Aïcha, Lila et Nilay, trois jeunes filles en 5ème racontent : « Je n’avais jamais envisagé que les femmes pouvaient être bienvenues dans ces métiers. Là, on a appris que si et qu’elles étaient de plus en plus nombreux.» Elles poursuivent : « On ne savait pas non plus que dans le bâtiment, il y avait autant de métiers différents.»
Le principal de l’établissement, Xavier Baudiquez, détaille : « Les jeunes ont beaucoup de représentation. Certains métiers ne leur parlaient pas du tout. Comme couvreur par exemple. Et quand ils connaissent, ils n’ont souvent pas d’idées sur le parcours à emprunter.» Pour le principal, l’opération s’inscrit dans un programme global, « de la maternelle à la troisième » qui doit permettre de faire découvrir un maximum de métiers aux jeunes avant de faire un choix d’orientation en classe de 3ème. « 5ème, c’est encore un bon niveau pour faire découvrir des choses avec le côté ludique et la curiosité encore enfantine. Après, c’est souvent un peu tard pour qu’ils se détachent de leurs idées », analyse le principal.
Pour les artisans messagers et plus généralement pour la Capeb, le but de l’opération est d’essayer d’orienter des jeunes vers ce secteur en tension. « Aujourd’hui, la recherche de maçons est continue dans la profession », explique Georges Brand, retraité et bénévole pour l’opération. « 20 ans en arrière, nous avions déjà la même volonté d’aller dans les écoles et les tensions commençaient à peine, mais nous avons dû abandonner. Rentrer dans les collèges était trop difficile.» La donne a changé il y a 2,3 ans. « La préfecture nous a apporté un gros soutien qui a permis de mettre un pied dans les écoles.» Un coup de pouce nécessaire car l’intérêt a encore périclité pour la profession depuis. « Au CFA (centre de formation des apprentis) de Besançon, nous sommes passés de plus de 2 000 jeunes formés dans le bâtiment à même pas 500 en quelques années.»
À la fin de la journée, tous les jeunes reposent casques et équipements, après une photo souvenir avec leur outil préféré. Ils sont félicités. « Vous avez été très bons. Nous y sommes arrivés en peu de temps.» L’opération sera encore renouvelée avec d’autres collégiens d’ici peu, mais aussi avec des professeurs, pour qu’ils puissent avoir assez de connaissances pour ensuite aiguiller leurs élèves s’ils souhaitent se diriger vers ces voies.