Par Damien Stroka de l’AFP
Deux avocates commises d’office, Emmanuelle Huot et Catherine Bresson, ont été désignées par le président de la cour d’assises d’appel pour assurer la défense de Nicolas Zepeda, condamné l’an dernier en première instance à 28 ans de prison pour assassinat. L’audience a ensuite été suspendue afin que l’accusé, polaire noire et chemise vert sombre, s’entretienne avec les deux conseils.
Finalement, “La Cour a ordonné le renvoi” jeudi “à 09H00”, a annoncé le président de la Cour, François Arnaud. M. Zepeda, qui s’est vu attribuer à l’audience mardi deux autres conseils, a finalement indiqué en avoir désigné un autre, Renaud Portejoie, et solliciter ce report d’audience. Cet avocat clermontois est connu pour avoir défendu Cécile Bourgeon, condamnée à 20 ans de réclusion criminelle pour avoir donné la mort à sa fille Fiona en 2013. Interrogées par l’AFP, les deux avocates ont indiqué que le report de l’audience à jeudi devait permettre à Me Portejoie de préparer la défense de l’accusé.
L’accusé n’a pas expliqué sa décision de se passer des services d’Antoine Vey, ex associé d’Eric Dupond-Moretti, actuel ministre de la Justice, mais selon une lettre du conseil adressée au président de la cour d’assises, François Arnaud, et lue par ce dernier à l’audience, Me Vey a été récusé le 18 février par le Chilien. Lundi soir, le quotidien régional L’Est Républicain avait déjà évoqué l’éventualité que Nicolas Zepeda se présente sans son avocat à l’ouverture de son procès.
“Ca fait un an que l’appel est prévu, ça fait un an qu’il a le choix d’un nouvel avocat”, s’est agacé lors de la suspension Me Randall Schwerdorffer, avocat du petit ami de Narumi lors de sa disparition, Arthur del Piccolo. La mère et deux soeurs de Narumi ont également fait le déplacement depuis le Japon. “On est presque dans une volonté de ne pas assumer le procès aujourd’hui mais de toute façon, que Monsieur (Zepeda) soit d’accord ou pas, ce procès en appel aura lieu à un moment ou un autre”, a ajouté Me Schwerdorffer.
"Inquiets"
“On est très inquiets, on pense que la justice française aujourd’hui décidera que ce procès doit être reporté ou qu’il doit se faire à une date différente, afin que Nicolas puisse avoir la défense que toute personne mérite”, a estimé avant l’audience le père de l’accusé, Humberto Zepeda.
Pas moins de 31 médias, dont des chiliens et des japonais, sont accrédités pour suivre ce procès hors norme devant la cour d’assises d’appel de la Haute-Saône, qui doit en principe durer deux semaines. Le verdict est attendu au plus tard le 8 mars. Jugé pour l’assassinat en décembre 2016 de son ancienne petite amie, l’étudiante japonaise Narumi Kurosaki, Nicolas Zepeda, 32 ans, encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
En avril dernier, les assises du Doubs l’avaient condamné à 28 ans de réclusion. M. Zepeda a fait appel de ce verdict et est donc présumé innocent. La position qu’il compte adopter lors de ce second procès demeure à ce stade la principale inconnue. Se dira-t-il toujours innocent? Ou livrera-t-il une autre version des faits? Ses premières déclarations, prévues avant le report en fin de matinée, étaient très attendues. Me Vey devait succéder à une autre avocate chevronnée, Jacqueline Laffont, qui avait selon ses propres termes terminé le premier procès “très éprouvée”.
Arrivée à Besançon à l’été 2016 pour y apprendre le français, Narumi Kurosaki avait rompu avec Nicolas Zepeda après l’avoir rencontré lorsqu’ils étudiaient au Japon. Sans la prévenir, l’amoureux éconduit était venu la retrouver à Besançon et avait passé avec elle la nuit du 4 au 5 décembre 2016. Cette nuit-là, dans la résidence universitaire, des témoins disent avoir entendu des “hurlements de terreur” et un bruit sourd “comme si on frappait”. Depuis, plus personne n’a revu Narumi. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Dans ses réquisitions de première instance, l’avocat général Etienne Manteaux, de nouveau en charge de l’accusation à Vesoul, avait pointé un faisceau de preuves “rarissime” (témoignages, téléphonie, géolocalisation de la voiture louée par l’accusé…). Pour le magistrat, le Chilien n’a pas supporté la rupture imposée par Narumi, il l’a étouffée ou étranglée avant d’immerger son corps dans le Doubs, près de Dole (Jura). Un crime prémédité selon M. Manteaux, qui avait requis la perpétuité.