À midi pile, une partie du personnel des Galeries Lafayette se tenait devant l’immense bâtiment vitré, faubourg de France à Belfort. Un rassemblement qui fait suite à l’appel de la CFDT, qui appelait à débrayer entre 12 h et 14 h ce mardi 14 février. De nombreuses enseignes reprises par la Financière immobilière bordelaise (FIB) de Michel Ohayon (qui possède les Galeries Lafayette depuis 2018) sont en train de péricliter ou ont déjà été liquidées (Gap, Go Sport, Camaieu). Aux Galeries Lafayette de Belfort, le premier signe de l’abandon se distingue sur la façade. « Nous sommes sûrement l’un des seuls Galeries Lafayette de France à ne jamais avoir eu d’enseignes », pointe une salariée. Des investissements ? « Il n’y en a jamais eu et pourtant, on nous l’avait promis », explique-t-elle, avant de poursuivre, railleuse : « Peut-être qu’on pourra nous reconvertir en piscine municipale: il pleut déjà à l’intérieur ! »
Cela fait trois semaines que le magasin belfortain n’a pas été livré, affirme la CFDT. Les 35 salariés ont « très peur », expliquent les délégués syndicaux, malgré les récentes déclarations du porte-parole d’Hermione Retail, société regroupant Les Galeries Lafayette, qui affirme qu’il n’y a pas, sur les magasins affiliés Galerie Lafayette relevant d’Hermione Retail « de projet de fermeture de magasin, ni acté, ni en réflexion.»
L’émotion est présente et l’une des salariées, présente depuis vingt-trois ans dans l’entreprise, est très émue. « Les entreprises du groupe ne sont plus payées, quand on voit tout ce qu’il se passe, ça fout la trouille.» Sa collègue la console : « On va se battre ! On va y arriver.» Rien ne l’apaise, alors qu’elle voit les mauvais signes s’accumuler. « Même dans le milieu des hôtels, il coule ». Faisant référence aux trois hôtels possédés par Michel Ohayon, placés en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Bordeaux la semaine dernière (lire ici).
Certains regrettent le manque de mobilisation d’autres commerçants dans la rue piétonne pour soutenir le mouvement. D’autres salariées regrettent aussi que tous les collègues ne se joignent pas au mouvement. « Il y a beaucoup de pression et les plus jeunes n’osent pas se mobiliser par peur de la direction », explique Véronique Nardin, élue du comité social et économique de la CFDT.
Franchiser les Galeries Lafayette
Damien Meslot, maire de Belfort (Les Républicains) et président du Grand Belfort, s’est rendu sur place, accompagné de son adjointe Florence Besancenot, adjointe au maire en charge de l’attractivité commerciale.
« Si besoin, nous sommes prêts à racheter les murs », a-t-il réaffirmé comme il l’avait fait une première fois dans L’Est Républicain. Ce à quoi les salariés ont rétorqué que ce ne sont pas les murs qui les inquiètent. « S’il faut qu’on soit déplacé au fin fond de la ville, on le fera. Ce qu’on veut, c’est préserver les emplois », explique Véronique Nardin, élue du comité social et économique de la CFDT.
« Evidemment, nous voulons que vous restiez. En franchisant par exemple, comme à Béziers, où l’opération a été un succès », expose le maire de Belfort. Après des années difficiles, les Galeries Lafayette de Béziers ont été franchisées en 2016. Mais ce n’est pas exactement le passage en franchise de ce magasin en 2016 qui a sauvé les Galeries Lafayette. C’est l’apport d’un immense soutien financier de la mairie de Béziers, qui a racheté le bâtiment et l’a loué à un tarif préférentiel de 40 000 euros par an, ce qui couvrait à peine les intérêts du prêt qu’elle a contracté. Ce, avec des travaux de l’ordre de 2,5 millions d’euros (lire ici). La Ville de Belfort peut-elle se permettre cela ?
Le maire affirme « qu’il en a les moyens », notamment grâce à Semaville ; une société d’économie mixte détenue aux deux tiers par la Ville de Belfort, créée il y a quelques années pour redynamiser le cœur de ville. Lorsqu’un local est disponible, la ville peut le racheter et le revendre à Semaville, qui s’occupera de louer le bâtiment à un potentiel intéressé.
35 emplois à préserver
« Je sais à quel point les Galeries Lafayette sont l’une des locomotives de Belfort, avec la Fnac », explique le maire de Belfort. « Je ne veux pas que ça parte n’importe où ». Véronique Nardin, élue du CSE et Laurence Rulofs, déléguée syndicale régionale CFDT restent perplexes concernant ces promesses. « C’est très bien. Mais nous, nous nous battrons coûte que coûte pour que les 35 emplois restent.» L’évocation simple du « rachat des murs » sans évoquer les salariés, quelques jours plus tard, leur reste en travers de la gorge.
De son côté, le maire de Belfort se projette déjà. En marge du rassemblement, il explique aux journalistes que des travaux seraient à prévoir, sur un à deux ans, avec un exploitant pour mener cela. Il n’oublie pas de noter qu’au sein des Nouvelles Galeries, un étage est vide. « Cela ne vous a pas échappé », glisse-t-il, avec un petit sourire. Il rétropédale quand on lui pose d’autres questions. « Pour le moment, nous n’avons pas d’éléments précis, mais nous avons des idées et les moyens d’intervenir », poursuit-il avant de conclure que « nous n’hésiterons pas à faire une augmentation de capital [de Semaville]. »