Le message s’adresse aux victimes des violences conjugales, mais pas seulement. Il s’adresse aussi à leur famille, collègues, témoins. « Appelez le 39 19 », a insisté la préfète du Territoire de Belfort, ce mardi 3 septembre 2019, relayant ainsi la campagne de communication qui lance le Grenelle des violences.
« Non ! Ce n’est pas normal ! Non, elles ne l’ont pas cherché ! » Sophie Elizéon, préfète du Territoire de Belfort, s’est efforcée lors d’une conférence de presse en ce mardi 3 septembre 2019 (3-9-19, comme le numéro de téléphone dédié aux victimes de violences conjugales) de mettre à mal les freins qui empêchent les femmes battues d’appeler au secours. Des freins qui relèvent de la psychologie, mais aussi des idées reçues, de fausses représentations de la femme, de stéréotypes, mais aussi de la peur, nœud de la persistance de la violence dans le couple.
À l’échelon national, le Grenelle des violences doit déboucher sur la mise en place d’un plan quinquennal, à compter du 25 novembre. À l’échelon départemental, la préfète a organisé le 10 juillet dernier une réunion du comité départemental contre les violences, qui a mis en place trois commissions de travail. Leurs conclusions permettront d’élaborer un protocole départemental, qui sera en quelque sorte une prolongation de la démarche nationale déclinée en fonction des réalités locales.
Sophie Elizéon évoque comme pistes de travail la formation, ou encore la sensibilisation de la sphère professionnelle. « Les violences peuvent être constatées par des collègues. Un conjoint qui conduit sa femme au travail et revient la chercher systématiquement, qui lui interdit de déjeuner avec ses collègues : ce sont des indices qui doivent alerter. Mais dans ces cas-là, il faut savoir quoi dire aux femmes, comment les aider à s’engager vers une solution. »
"On ne peut pas s'arrêter au temps immédiat"
Constat partagé par le colonel Villalonga et le commissaire Kieffer, qui estiment que les violences conjugales sont prises en compte depuis environ deux décennies par la gendarmerie comme par la police. Avec cependant des compétences à développer, comme pour l’accueil des victimes, la gestion d’une agression ou encore la prise en charge de la victime. « Il nous faut progresser dans l’accueil de la victime et l’accueil de l’auteur. L’auteur et la victime se retrouvent à un moment ou à un autre ; les mesures d’éloignement ne sont pas si fréquentes. On ne peut pas s’arrêter au temps immédiat. »
Ainsi, police et gendarmerie s’efforcent d’analyser ce que peuvent cacher les mains courantes : souvent, les femmes battues n’osent pas porter plainte et se contentent d’un signalement.
Lutter contre le déni des auteurs
Ainsi, face à un policier ou un gendarme, l’auteur peut paradoxalement avoir l’impression d’être en situation de victime, dans la mesure où il ne perçoit pas la portée de ses actes. Toute une démarche doit être mise en place, à plus ou moins long terme, pour qu’il sorte du déni. Par exemple, des stages de responsabilisation des auteurs de violence et de lutte contre les stéréotypes peuvent être imposés par le procureur.
Quant aux victimes, il existe aujourd’hui 31 places d’hébergement d’urgence réservées dans le Territoire de Belfort. Des lieux anonymisés pour éviter que l’auteur ne retrouve la victime et ses enfants, eux aussi potentielles victimes de violences.
Mais il reste encore beaucoup à faire. Une femme sur cinq victime de violences intra-familiales dépose plainte ; et seulement une sur dix pour les victimes de violences sexuelles.
« Appelez le 39 19 ! »
Un numéro d'accueil, pas un numéro d'urgence
Depuis 1992, le 39 19 est le numéro national d’écoute téléphonique et d’orientation destiné aux femmes victimes de violences sexistes, à leur entourage et aux professionnels concernés. L’appel est anonyme et gratuit 7 jours sur 7, de 9 h à 22 h du lundi au vendredi et de 9h à 18h les samedis, dimanches et jours fériés, en métropole comme dans les départements d’outre-mer. Le 3919 n’est pas un numéro d’urgence : en cas de danger immédiat, il faut appeler la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17, le 112 ou le 18.
Le 39 19 assure un premier accueil pour les femmes victimes de violences (violences conjugales, violences sexuelles, mariages forcés, mutilations sexuelles, violences au travail). Il garantit une écoute, une information et, en fonction des demandes, une orientation adaptée vers les associations nationales ou locales partenaires les mieux à même d’apporter une aide. Une équipe de professionnelles assure une écoute bienveillante en instaurant un climat de confiance qui permet à la personne (femmes, victimes, tiers) de parler de la situation et de clarifier l’analyse qu’elle en fait. L’objectif de cette écoute est de permettre à la personne d’agir, grâce à une information appropriée sur les démarches à suivre et sur le rôle des intervenants sociaux.
Le fonctionnement de ce numéro est géré par la fédération nationale solidarité femmes et soutenu par le secrétariat chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Il s’appuie sur un partenariat avec les principales associations nationales agissant pour l’égalité femmes/hommes, pour les droits des femmes et luttant contre les violences sexistes et sexuelles qui leur sont faites : l’association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail, l’association Femmes solidaires, l’association Voix de Femmes, la fédération nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles, le collectif féministe contre le viol, la fédération nationale GAMS et le Mouvement français pour le Planning Familial.