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Un journaliste Belfortain embarque en Ukraine avec le convoi Partir Offrir et lance un podcast

Nicolas Joly (à droite), lors d'un trajet avec le convoi, accompagné d'autres bénévoles. | ©Eloïse Pinto
Entretien
Nicolas Joly, journaliste à France Bleu Belfort-Montbéliard, a récemment vécu une expérience marquante. Du 18 au 24 février, il est parti avec le convoi humanitaire Partir Offrir direction l'Ukraine. Après une semaine intense, il en a tiré un podcast, témoin d'une expérience à la fois difficile et profondément humaine. Rencontre.

Installé autour d’une table d’un restaurant, souriant, Nicolas Joly, journaliste à France Bleu Belfort-Montbéliard, se prête au jeu du question-réponse alors que son podcast est désormais en ligne sur toutes les plateformes d’écoute, nommé « Partir Offrir : sur la route de l’Ukraine ». Au mois de février, il a réalisé son premier long reportage sur un terrain en guerre, celui de l’Ukraine. Un exercice pour raconter l’histoire de plusieurs personnes rencontrées dans ce pays, mais aussi raconter les bribes de générosité du convoi humanitaire Partir Offrir, né en 1995 à Champagney puis domicilié en 2006 à Montbéliard.

Armé de son enregistreur, il part le 18 février avec une équipe d’une trentaine de bénévoles. Ils se dirigent vers l’Ukraine à plus d’une dizaine de camionnettes. Sur le trajet, il faut aider. Se relayer pour conduire. Pour décharger. « Les journalistes sont très bien accueillis par l’association et par son président, Pascal Graber. Mais il faut faire sa place, aider, être là », explique Nicolas. Dans la camionnette où il est, il se relaie avec « Philou », « un bénévole retraité baroudeur, un mec qui a toujours un truc à raconter ». 

Avec celui-ci, ils enchaînent la route. Avec parfois quelques frustrations. Celle de ne pas pouvoir s’arrêter, de ne pas passer beaucoup de temps avec les gens, de devoir faire des interviews très rapidement, de rencontrer des personnes sur une aire d’autoroute qui ont envie de discuter, mais qu’il faut savoir laisser. « On a parfois croisé des personnes qui ont retenu l’attention, même si les échanges étaient très vifs. Comme une ancienne comptable à Bakhmout, qui s’est retrouvé en employée d’une station-service et qui nous demandait de la nourriture. » 

« On a aussi passé beaucoup de zones de rase campagne », zone où ils n’ont croisé personne. Parfois, il peut enregistrer une bribe. Trois, quatre minutes. Sans comprendre, parfois, ce que l’autre dit. En s’aidant d’un téléphone et d’un traducteur. « Rentrer, vite, dans le dur par souci d’efficacité. »

Dans l’association, Gallina, ukrainienne, a beaucoup aidé pour la traduction. Elle s’est engagée dans l’association et vient sur chaque convoi pour revoir sa famille en Ukraine. C’est d’ailleurs sa maman qui a accueilli l’équipe le premier soir dans une église afin de partager un repas tous ensemble. Elle a permis à Nicolas de mieux comprendre les habitants. 

« Ils ont besoin que le reste du monde les entendent »

Sur le chemin, Nicolas rencontre peu de personnes qui parlent anglais. Un soldat ukrainien, une fois. Puis un soldat géorgien, qui lui a notamment évoqué la situation de « de jeunes européens qui s’engagent et viennent aider sur le terrain alors qu’ils ne sont pas militaires de carrière ». 

Il s’étonne, aussi, sur la route, du nombre de soldats qui souhaitent discuter. « Ils avaient besoin de s’exprimer sur qui ils étaient, sur leurs besoins. Ils avaient besoin que le reste du monde les entendent. » Il se remémore un moment fort, où l’un d’eux vient leur parler, à lui et Eloïse Pinto, une autre journaliste et bénévole présente sur le convoi. Il tend le micro. Gallina n’est pas là. Il enregistre sans comprendre. Plus tard, grâce à une traductrice, il apprend que le soldat, sniper, tireur d’élite, lui décrit l’horreur qu’il a pu vivre en rentrant dans certaines villes. Son rôle était d’entrer le premier pour voir l’ampleur des dégâts. Il raconte des séquences d’horreur, ou il découvre, par exemple, des enfants au fond d’un puits. « Je n’ai compris qu’après que c’était l’un des témoignages les plus puissants du podcast. » Il a 35 ans, s’appelle Roman. « C’est l’une des rencontres qui m’a le plus marqué. »

Au total, il réussit à mener une douzaine d’interview, en à peu près quatre jours. « Tout ce qui m’a fait réagir, j’avais envie de le raconter. Et de dire : il ne faut pas oublier cette guerre. Et ne pas oublier que des gens se battent pour ne pas mourir et pour le reste de l’Europe. Ils se battent pour le droit d’un pays à exister. Ce sont des gens avec des histoires, une vie qui a de la valeur et c’est cela que je voulais remettre au centre du podcast : l’humain. » 

Il ne considère pas avoir vu la guerre. « J’en ai vu les stigmates. Les traces. On a pu la voir dans les yeux des gens, dans le tremblement de leur main et dans les checkpoints, désertés, qu’on a pu traverser. » Il remarque, aussi, que les sirènes ne font plus réagir les Ukrainiens. « Ils vivent malgré tout. Ils ne veulent plus se cacher. » 

Partir Offrir au centre de tout

En tout, Nicolas Joly rapporte un podcast décomposé en six épisodes durant entre 8 à 10 minutes. Trois épisodes immersifs, deux sur les témoignages sur place et la résistance du peuple, le dernier sur le convoi. « Je m’y suis mis directement en rentrant. Ça me démangeait, j’avais besoin d’être utile. »

Tout au long de cet entretien, l’admiration qu’il a pour l’association qu’il accompagne se ressent. Sur Partir Offrir, il raconte. « Ce sont des gens humbles, qui ont conscience que ce qu’ils font est une goutte d’eau. Mais chacun à sa boussole.» Ils sont une trentaine de bénévoles, beaucoup retraités. Des Alsaciens. Des gens du nord Franche-Comté, des Gersois. Il pense notamment au président.

« Beaucoup de choses tournent autour de Pascal, le président. Ces convois, il en organise tout le temps. Pour lui, c’est complètement normal. Il le fait comme s’il prenait un bus de Belfort à Giromagny. Mais sans jamais prendre de risques pour les autres. C’était sécurisant et dédramatisant. »  Au cours de ce voyage, le neuvième de l’association, 20 tonnes de produits d’hygiène et de denrées alimentaires ont été remises à la population, à Kiev, Hannivka et Zaporijia.

Le prochain convoi, direction l’Ukraine repart d’ailleurs bientôt, du 14 au 20 mai. En attendant de repartir avec celui ci, il a déjà mis en ligne tous les épisodes, avec comme boussole, l’idée que les auditeurs puissent mieux comprendre l’histoire singulière du convoi et des personnes rencontrées sur place. C’est sa goutte d’eau à lui aussi. « Tant que leurs voix résonneront en nous, elles ne s’éteindront pas », conclut Nicolas, dans la dernière minute de son podcast. 

  • Une exposition photo sur l’Ukraine est visible en ce moment au bar Bad Habits à Belfort. Elle retrace le dernier convoi humanitaire de l’association montbéliardaise Partir Offrir sous l’oeil de Gabrielle Gillot, Nicolas Joly et Eloïse Pinto. Une soirée de vernissage est également prévue ce samedi 27 avril à 19h.

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