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Sochaux : opération « collège mort » après le placement en garde à vue d’un enseignant

Collège Jouffroy-d’Abbans à Sochaux. | ©Google street View
Décryptage

Un enseignant du collège Jouffroy-d’Abbans à Sochaux a été placé en garde à vue jeudi 5 décembre. Cela a suscité l’émoi des professeurs de l’établissement, qui organisent une opération « collège mort » jeudi 12 décembre. Le procureur de la République de Montbéliard fait le point sur le dossier.

Selon un groupe d’enseignants, aucun cours ne sera donné ce jeudi 12 décembre au collège Jouffroy-d’Abbans de Sochaux. Ils lancent une opération « collège mort », après le placement en garde à vue d’un enseignant de l’établissement. « C’est notre manière de dire que cela suffit, notre métier est de plus en plus compliqué. Nous sommes en colère », préviennent-ils. 

Ils dénoncent un dépôt de plainte « diffamatoire et calomnieux » à l’égard d’un professeur, jeudi 5 décembre, qui a conduit à cette mesure de privation de liberté de l’enseignant. « C’est une atteinte à son intégrité », commentent encore les enseignants, ce mercredi midi, qui veulent donner de la visibilité.

Le procureur de la République de Montbéliard, Paul-Edouard Lallois, a organisé une conférence de presse, ce mercredi 11 décembre en fin de journée, afin de replacer les éléments du dossier. « Nous avons deux visions qui s’opposent tout à fait. » 

Un enseignant en garde à vue

Celle du jeune, âgé de 13 ans, d’abord. Celui-ci, lors de son dépôt de plainte accompagné de sa mère, mercredi 4 décembre, relate que son professeur et lui, ont eu une altercation verbale en cours d’éducation physique et sportive le même jour. Il n’avait pas ses chaussures de sport et le professeur lui a demandé d’effectuer une punition. Il aurait demandé des précisions sur celle-ci, puis le ton serait monté. Le professeur l’aurait tutoyé, puis l’aurait emmené de force dans le vestiaire pour lui asséner plusieurs coups de poings. Il raconte enfin  avoir crié et s’être isolé dans les toilettes jusqu’à la fin du cour avant de se réfugier chez la conseillère principale d’éducation.

« Sa mère, lorsqu’il est rentré à la maison, a eu le réflexe de l’emmener chez le dentiste et le médecin traitant. Ils ont établi qu’il y avait une lésion avec une marque des bagues (de son appareil dentaire) dans la joue. On constate aussi une légère rougeur sur la joue. » À la suite de la plainte, une procédure en flagrance pour suspicion de violences sur un mineur de moins de 15 ans par personne ayant autorité est ouverte. 

Le Parquet aurait pu entendre le professeur lors d’une audition libre. Mais le procureur explique : « Dans l’arrondissement de Montbéliard, lorsqu’une violence conjugale, intrafamiliale, ou sur un enfant est commise, on place en garde à vue. C’est aussi une mesure, un cadre juridique qui permet à la personne d’avoir le maximum de droit. Le droit à un avocat, à un médecin. Il n’est pas question d’être infamant. Ou d’engager forcément des poursuites. Mais de pouvoir crever l’abcès rapidement et ne pas laisser les choses traîner et dégénérer. »

Le professeur, pris par ses obligations la journée, se présente au commissariat en fin d’après-midi, jeudi 6. « Le temps de faire toutes les procédures, relevé d’identité, et autres tâches administratives, et alors que l’on est en fin de journée, il est entendu dans la nuit et donc passe la nuit en garde à vue. Cela a marqué l’enseignant qui est en arrêt-maladie depuis », complète encore le procureur de la République.

Deux versions très différentes

Lors de cette garde à vue, le professeur livre une tout autre histoire. Deux élèves n’avaient pas leurs baskets pour le cours de sport. En guise de punition, il leur demande alors de recopier le règlement intérieur sur une feuille. L’un d’eux se serait montré insolent. Le ton est monté et l’enseignant, face aux questions répétitives du jeune face à sa punition, l’aurait pris à part dans le couloir en l’attrapant par le tee-shirt. « Il lui touche le visage avec son doigt en lui disant : « Mais qu’est ce que tu n’as pas compris ? » » raconte le procureur.  L’enseignant a alors appelé la mère de l’élève pour lui demander de venir le chercher, ce qu’elle n’a pas pu faire en raison de ses obligations professionnelles. Un élément qu’elle confirme lors du dépôt de plainte. 

« Tout, à ce stade, concorde avec les déclarations de l’enseignant », détaille le procureur. L’élève est « défavorablement connu de l’établissement », décrit comme « faisant partie d’un groupe d’élèves perturbateurs » avec à son actif un jour d’exclusion et plusieurs punitions recensées depuis la rentrée de septembre 2024. Quant au professeur, les premiers éléments de l’enquête exposent un professeur « particulièrement investi avec ses élèves et notamment celui-ci », précise-t-il encore. Selon les premiers éléments, aucun élève n’a vu de violences physiques ou entendu des cris. Relatant une altercation verbale pour la plupart. « Le professeur reconnaît avoir eu un geste d’agacement. Mais il conteste avoir porté le moindre coup à cet élève. » 

Le procureur a demandé une expertise par un médecin de l’institut médico-légal pour définir si la version du jeune colle avec ses blessures. Elle n’a pas encore été réalisée. « À 24 heures des faits, aucune trace n’a été recensée sur les mains du professeur », relève le procureur. « Il n’y a pas de qualification définitive à ce stade. » 

« Soutien total à l’enseignant »

L’opération de collège mort, engagée par les professeurs, ne le surprend pas. Il comprend l’émoi qu’a pu susciter cette garde à vue. « J’ai bien conscience des conditions particulièrement difficiles des enseignants. Il ne faut pas qu’ils se sentent lâchés. Mon souhait est qu’on revienne vers un apaisement. Je veux dire aux professeurs que toute atteinte aux enseignants aura une réponse systématique de mon Parquet. Mais à l’inverse, s’il n’y avait pas eu de garde à vue, on aurait pu dire que les professeurs sont protégés. Ici, nous avons garanti les droits de l’enfant et de l’enseignant.»

Quant au rectorat, celui-ci indique que « côté établissement, aujourd’hui, le jeune est placé en mesure conservatoire dans l’attente d’un conseil de discipline dont le motif est une atteinte à l’intégrité d’un enseignant. » Selon le rectorat, “la version donnée par le jeune” ne se “recoupe” pas. On évoque un cadre “diffamatoire”. Des éléments seront portés à la connaissance du conseil de discipline, “qui statuera”, indique le rectorat. “On ne présage pas de la décision du conseil de discipline, ni de l’enquête”, ajoute-t-on du côté du rectorat.

“Le mouvement des professeurs, on le comprend”, indique encore le rectorat. “Selon les éléments en notre possession, c’est un soutien total à l’enseignant”, souligne encore le rectorat, en début de soirée.

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