AFP par Damien Stroka
La personnalité du Chilien Nicolas Zepeda, rejugé pour l’assassinat en France de son ex petite amie japonaise Narumi Kurosaki, a été passée au crible jeudi devant la cour d’assises, les experts s’opposant sur son profil manipulateur tandis que sa défense l’a dépeint en « homme ordinaire ».
L’impression première du Dr Jean Canterino, qui a expertisé l’accusé le 16 octobre 2020, quelques mois après son extradition du Chili, était d’être en présence « d’une personne qui a tendance à manipuler autrui ». « C’est ce qui m’a frappé au contact de cette personne », explique le psychiatre à la cour, concédant « la dimension subjective » de cette appréciation. Durant l’expertise, systématiquement, « il fait des réponses compliquées, on ne comprend pas, c’est très alambiqué. On se demande d’ailleurs ce qu’on distille dans l’alambic », ironise l’expert devant les assises de la Haute-Saône, dans l’est de la France.
Vertige
« Cela donne une sensation de bizarrerie, presque de vertige », ajoute le psychiatre, selon lequel le Chilien de 33 ans, accusé d’avoir assassiné Narumi Kurosaki en 2016 à Besançon, ne présente aucune pathologie mentale ni abolition du discernement. Le président François Arnaud évoque la réaction de Nicolas Zepeda qui, lorsqu’il a été extradé et qu’il est arrivé à Roissy, a dit aux policiers qu’il était là « de (son) plein gré ». « A-t-il un problème de relation à la réalité ? », questionne le magistrat. « On est à la limite de la mythomanie. M. Zepeda est intelligent, il n’est pas psychotique, il sait bien que ce n’est pas vrai et il sait que cette personne le sait », explique l’expert.
« C’est typique du manipulateur » pour qui « il n’est pas supportable d’avoir quelque chose qui n’est pas contrôlable ». Le manipulateur doit toujours « garder le contrôle » et à « un moment donné, la seule solution, c’est de raconter n’importe quoi ». « L’autre doit être un esclave, l’autre n’a pas droit à une existence » et s’il se retrouve face à quelqu’un qui se dérobe à lui, « le grand risque, c’est le passage à l’acte hétéro-agressif ou auto-agressif », analyse le praticien.
Un vif échange a ensuite opposé l’expert à l’un des avocats de la défense, Renaud Portejoie. « Vous avez expertisé pendant une heure mon client en période Covid, derrière une paroi vitrée, avec un interprète, tous masqués », attaque le conseil, accusant le psychiatre d’avoir été « influencé » par les conclusions des enquêteurs soulignant le côté manipulateur de M. Zepeda.
« Mathématiquement, compte tenu du temps de traduction, M. Zepeda vous a parlé 10 minutes », poursuit l’avocat dont le client n’a cessé de montrer des signes d’énervement dans le box à l’écoute de l’expert. « Faux », rétorque, agacé, le Dr Canterino, qui ironise : « Quand on ne peut pas attaquer le raisonnement, on attaque le raisonneur. »
Le deuxième expert, le Dr Roland Coutanceau, n’a pas non plus décelé de pathologie chez l’accusé. Il est en revanche plus nuancé sur sa dimension manipulatrice: « Je pense plus pertinent de dire qu’il ment peut-être de façon stratégique que de dire +c’est un grand manipulateur+ », déclare en visioconférence le psychiatre, qui a expertisé l’accusé en septembre après une demande de la défense. Nicolas Zepeda contestait notamment le qualificatif « manipulateur » de la précédente expertise.
Contexte
Si les faits sont avérés, s’expliquent-ils plus par un « contexte » que par des traits de personnalité, avance Me Portejoie ? « Oui », répond l’expert, vertement attaqué par l’un des avocats des parties civiles, Me Randall Schwerdorffer, notamment en raison de « plaintes » ordinales le visant. Mais « dans l’hypothèse où il a commis les faits qui lui sont reprochés, les « reconnaître (…) serait important pour lui et pour les autres ».
Quid de la relation à ses parents, présents à l’audience et qui le soutiennent dans sa déclaration d’innocence ? « Quand l’entourage est lucide, cela crée une dynamique (…) psychique chez le mis en cause, propice aux aveux », poursuit le Dr Coutanceau. « Quand un acte a un côté monstrueux, la plupart des gens pensent qu’il doit être forcément monstrueux. Or non », analyse-t-il. « Les parents raisonnent de la même manière : si c’est vrai, mon fils est monstrueux » et on comprend qu’ils aient du mal à l’accepter. Pas de pathologie psychiatrique, pas manipulateur : en somme, « un homme ordinaire accusé d’un acte extraordinaire », résume Me Portejoie. Nicolas Zepeda était entendu sur sa personnalité ce jeudi après-midi