Michael Sanchez est arrivé en mars 2021 à la direction de la prison de Montbéliard. En ce mois de décembre 2025, il prépare son départ de ce poste, son départ de l’administration pénitentiaire, son départ en retraite, mais pas son départ de la vie active. A 54 ans, il fait valoir ses droits à la retraite pour se lancer comme indépendant dans le conseil et la formation, dans le prolongement du doctorat en droit public qu’il a décroché voici quelques mois.
Lors de sa prise de poste, la maison d’arrêt de Montbéliard atteignait un taux de conformité aux normes attendues du code pénitentiaire de 28 %. Six mois après, l’établissement atteignait un taux de 44 %, un an après de 74 % et aujourd’hui de 95 %. Autant dire que le chef d’établissement s’apprête à quitter ses fonctions avec le sentiment du devoir accompli. Ces normes de qualité sont constituées de 400 points de contrôle qui portent sur le management, la prise en charge des détenus et le fonctions support. La maison d’arrêt emploie 40 agents (surveillants, administration, personnels techniques). Elle dispose de 32 places, plus neuf places de semi-liberté. Comme de nombreuses prisons en France, elle est frappée par la surpopulation carcérale. Elle atteint un taux d’occupation de presque 172 %, avec 57 détenus. En juin 2024, ce taux a atteint 230 %. Le taux moyen d’occupation des maisons d’arrêt en France est de de 175 %. Le personnel de la maison d’arrêt de Montbéliard accomplit 350 missions par an : extractions judiciaires, extractions médicales, sorties sous escorte (par exemple pour un deuil).
750 saisies de portables en quatre ans
Sa méthode pour atteindre presque 100 % de taux de conformité aux normes ? Classer les priorités au regard de l’urgence ; déléguer et contrôler ; fixer des objectifs avec des échéances ; fournir des éléments de preuve de ce qui est réalisé (comptes-rendus, photos, etc.). La maison d’arrêt de Montbéliard est aussi en cours de labellisation « surveillant – acteur » : « Le surveillant n’est pas qu’on porte-clés, explique Michal Sanchez. Il doit savoir évaluer la dangerosité et la vulnérabilité des détenus ».
Parmi les événements marquants que cite Michael Sanchez durant son parcours à la maison d’arrêt de Montbéliard, arrive en premier le suicide d’un détenu en 2023, le précédant remontant à six ans. Viennent ensuite les opérations de fouille multiples, qui ont permis de saisir 750 téléphones portables en quatre ans (et certains remis à des associations d’insertion pour être remis en état et revendus) et 15 kg de résine de cannabis, détruits. Certaines de ces opérations de saisie ont été menées à l’extérieur de la prison, dans sa proximité immédiate, avec le concours de la police.
La thèse de doctorat de Michael Sanchez s’intitulait : « La policiarisation de l’administration pénitentiaire et le bon ordre en détention ». Une des idées qu’il y défend est l’introduction de la fonction de police judiciaire dans le statut de la pénitentiaire, afin de répondre plus rapidement et efficacement à certaines circonstances. Pour autant, Michael Sanchez n’est pas un adepte du tout répressif et ne s’inscrit pas dans ce qu’il appelle le « populisme pénal », qui consiste à « incarcérer sans avoir conscience que le détenu va ressortir » à l’issue de sa peine. L’emprisonnement, la privation de liberté, est la suppression de la liberté d’aller et de venir, mais pas celle de travailler, de se former, d’avoir des liens familiaux, qui restent des droits. Une peine doit être « utile », explique-t-il, autrement dit, elle doit permettre d’éviter la récidive. Et pour cela, il faut essayer de rechercher pour le détenu des « éléments de désistance », qui peuvent donc être le travail, la formation, une une rencontre, l’arrivée d’un enfant. Bref, quelque chose qui pourra déclencher un déclic psychologique.
Favoriser l’accompagnement psy et la gestion des émotions
Il estime aussi que l’accompagnement psychologique des détenus est important et se réjouit que depuis plusieurs années (cela a été mis en place avant son arrivée) des psychologues de l’hôpital nord Franche-Comté interviennent à la prison de Montbéliard. « 30% des détenus souffrent de troubles psychologiques », relève-t-il. Il estime que l’apprentissage de la gestion des émotions est important pour les détenus, afin de canaliser sa colère ou sa révolte pour ne pas passer à l’acte. Par exemple, il souhaiterait que le programme « RESPIRE » (qui vise à proposer à des personnes impulsives ou agressives, sur un temps donné, une intervention collective animée par des professionnels de l’administration pénitentiaire) devrait faire partie des obligations prononçables par les juges, au même titre, qu’un programme de récupération de points de permis de conduire ou de soins.
Toutes ces convictions (et bien d’autres, car il est intarissable sur le sujet), Michal Sanchez va les défendre au sein du Centre de Recherche Juridique de l’université de Grenoble-Alpes au sein duquel il a préparé sa thèse, et dans sa future activité de formation à la préparation de crise, la gestion de crise, de management.
