Devant l’imposant bâtiment de l’institut de formation aux métiers de la santé (IFMS), le Dr. Catherine Gay traîne à deux mains un sac de sport noir. Elle entre. Dans une salle de classe, elle dévoile ce qui pesait si lourd : un imposant buste de femme en silicone, qui lui servira de modèle. De modèle, pour apprendre aux étudiants et étudiantes à auto-palper une poitrine pour détecter un possible cancer du sein.
C’est la première fois qu’elle organise un atelier du type à l’IMFS. Mais elle vadrouille déjà entre les lycées, l’Adapei, les maisons de retraite ou encore les stands associatifs. « Une femme sur huit a un cancer du sein dans sa vie », explique-t-elle. C’est le cancer le plus fréquent. Mais c’est aussi celui qui se soigne le mieux, à condition de le faire soigner tôt.
Oui, mais pour le soigner tôt : faut-il le détecter. C’est là toute l’ambition d’Octobre Rose, faire parler du cancer, mais surtout sensibiliser. Pour faire sa mammographie tous les deux ans à partir de 50 ans, même si cela fait mal. Pour que celles ayant des facteurs génétiques le fassent tous les ans. Mais aussi pour apprendre l’auto-palpation, pour que les plus jeunes sachent aussi repérer les bons indicateurs. « Il faut le faire une fois par mois. Surtout pas pendant les règles ou juste avant. Vous allez vous trouver des boules de partout sinon », rit la gynécologue-obstétricienne, qui est à la fois responsable de l’institut du sein et cheffe de pôle à l’hôpital Nord Franche-Comté.
Les étudiantes, toutes des filles, sont une petite quinzaine à s’être déplacées pour l’atelier. L’une d’elles porte le buste sur son dos. Le Dr. Gay explique : plusieurs choses sont à prendre en compte lors d’une auto-palpation. Et la première, tout simplement, est de regarder sa poitrine. Vérifier qu’une asymétrie ne s’est pas créée. « Il n’est pas anormal d’avoir une asymétrie. Mais ce qui l’est, c’est quand elle se crée d’un coup.» Vérifier aussi, la couleur des mamelons et leur forme : s’ils changent d’aspect, si de la peau d’orange se crée, il ne faut jamais hésiter à consulter. Tout comme l’aspect du téton : s’il change, il faut s’en préoccuper. En clair, se regarder est la première clef pour distinguer un possible changement, une rougeur, une déformation.
Concernant l’auto-palpation, Le Dr. Gay recommande de le faire après une douche chaude, avec toute la paume de la main. Et pas seulement avec trois doigts, comme il est souvent recommandé. « Il faut y aller franchement », expose-t-elle. Pour les fortes poitrines, l’une des astuces est de bien lever les bras pour venir contrôler le dessous et les côtés des deux seins. Mais aussi de se tenir buste en avant, tête penchée vers le sol pour vérifier sur les côtés de la poitrine qu’aucune déformation ne se crée, ou qu’aucune boule ne soit cachée.
Trop peu de dépistages
Si le Dr. Gay se déplace un peu partout pour ce genre d’ateliers, c’est aussi pour trouver une autre alternative puisque le taux de femmes venant faire leur mammographie est « catastrophique ». Entre 2020 et 2021, 46,6 % des femmes qui ont reçu une invitation ont été dépistées lors d’une mammographie. Pour faire chuter la mortalité, il faudrait que 70% d’entre elles se rendent à leur examen.
« Au stade précoce, les cancers peuvent être guéris dans plus de 40% des cas. Plus le dépistage est précoce, moins le cancer est agressif », rappelle la spécialiste qui sait que beaucoup de femmes ne viennent pas faire l’examen par peur du diagnostic. Elle rappelle, aussi, qu’avec l’invitation tous les deux ans, la mammographie est prise en charge à 100%. Si besoin d’un examen complémentaire par la suite, aussi. Lors de ces examens, « il y a une double lecture des mammographies », avec un envoi à Besançon pour un contrôle qualité double. Elle relève d’ailleurs, « que nous avons d’excellents radiologues dans le nord Franche-Comté ». Car les chiffres montrent que les cancers sont quasi toujours détectés dès la première lecture des examens. Sur la période 2020-2021, en 1ère lecture dans le Doubs, 387 cancers ont été détectés et 80 dans le Territoire de Belfort. En 2ème lecture, 11 cancers ont été trouvés dans le Doubs et 5 dans le Territoire de Belfort.
Mais puisque pour le moment, les chiffres ne sont pas assez importants en termes de dépistage, la gynécologue innove. En ce moment, elle teste un soutien-gorge connecté, composé d’une brassière classique et de capteurs thermiques. Car « la température du sein est plus élevée quand il y a un cancer ». Elle pense, aussi, en rigolant, à louer ou acheter un combi rose, et circuler dans les villages pour montrer l’art de l’auto-palpation. Le Dr. Gay ne manque pas d’imagination, pour motiver les troupes au dépistage. Mais elle le rappelle, la « politique de l’autruche » n’est jamais la bonne. Même si elle le comprend. « Il ne faut pas avoir peur. Si vous avez un cancer, on sera là », rassure-t-elle.