Plus de 17 000 morts en 2018, selon Santé publique France. Plus de 43 000 nouveaux cas détectés la même année. Le cancer colorectal est le 3e cancer le plus fréquent en France et la 2e cause de décès par cancer, derrière le cancer du poumon.
Souvent, ce cancer est précédé d’une lésion, dans le colon, de type polype, qui peut dégénérer. « Il est donc très important de faire, le plus tôt possible, le diagnostic de ces lésions bénignes », indique l’hôpital Nord Franche-Comté. Ce dépistage est aujourd’hui réalisé grâce à une coloscopie, fortement recommandée tous les deux ans à partir de 50 ans. Mais cet examen ne permet pas, actuellement, de détecter 100 % des polypes, notamment lorsqu’ils ne mesurent que quelques millimètres. Ou qu’ils sont placés dans des recoins peu visibles.
C’est là que l’intelligence artificielle (IA) entre en action, « comme le 3e œil du médecin », explique le Dr Alain Monnier, président du comité de Montbéliard de la Ligue contre le cancer. Et le résultat est bluffant. Pendant l’examen, les carrés verts s’illuminent à l’écran lorsque l’outil détecte des polypes, alors que l’œil aurait pu passer totalement à côté. « L’IA fait la différence et repère ces polypes subtiles, du genre de ceux que l’on ne pourrait pas voir », valide le Dr Serge Fratté, l’enthousiaste chef du service d’hépato-gastro-entérologie à l’hôpital Nord Franche-Comté.
Le comité local de l’association vient de financer, pour 58 000 euros, deux modules ressemblant à s’y méprendre à une box Internet et utilisant cette intelligence artificielle ; ils complètent les équipements de coloscopies de l’hôpital, récemment renouvelés, pour obtenir « une efficacité optimale », souligne l’hôpital. Les images de ces nouveaux matériels sont d’une qualité supérieure (4K), élément essentiel à l’efficacité de l’intelligence artificielle qui s’appuie sur des banques d’images colossales pour détecter les polypes.
"Bénéfice global"
Avec cet appui, l’examen peut-être plus court, donc permettre de sonder plus de patients. Il implique aussi, selon le Dr Alain Monnier, moins de fatigue pour le praticien. Car la détection « humaine » des polypes est variable en fonction de l’équipement, de la fatigue, de l’expérience convient le Dr Serge Fratté, qui a présenté ce nouvel équipement, en service depuis l’automne 2022. Et cela « conditionne l’efficacité de la coloscopie », admet-il. Ne pas repérer tous les polypes, c’est mécaniquement ne pas permettre de les retirer pour prévenir la transformation en cancer de cette lésion. Alors accroître leur détection est un vrai plus. Les études scientifique estime à 50 % la réduction des polypes non retrouvés lors d’une coloscopie ayant recours à l’intelligence artificielle. « Il y a un bénéfice global », salue le Dr Serge Fratté. Pour le patient. Et pour le praticien.
Avoir cette technologie dans le nord Franche-Comté est une réelle chance pour les patients souligne le président du comité de Montbéliard de la ligue contre le cancer. « Ça permet de diminuer les kilomètres [pour avoir accès à cette technique] », insiste-t-il également. « Lorsque l’on peut avoir une aide, il ne faut pas passer à côté », insiste Pascal Mathis, directeur général de l’hôpital, conscient, par ailleurs, des tensions qui existent sur les effectifs dans le secteur hospitalier (lire notre article). Il n’oublie pas non plus de rappeler que l’utilisation de l’intelligence artificielle implique de disposer de tous les verrous de sécurité, notamment sur la confidentialité des données personnelles de santé. Et que surtout, ces outils « n’enlèvent rien à l’intelligence humaine, dont nous avons besoin ».
3 000 coloscopies sont réalisées chaque année à l’hôpital Nord Franche-Comté. Et 1 800 d’entre elles impliquent la détection d’un ou plusieurs polypes. Le recours à cet outil d’intelligence artificielle va augmenter de 60 % la détection de polypes, permettant de dépister encore plus tôt de potentiels cancers.