AFP par Damien Stroka
“Tout, j’insiste, tout conduit vers Nicolas Zepeda dans la mort de Narumi Kurosaki”, a martelé l’avocat général Etienne Manteaux devant les assises de la Haute-Saône. En dépit de l’absence du corps de l’étudiante, jamais retrouvé, M. Manteaux a souligné la “solidité des charges” à l’encontre de l’accusé, qui a de nouveau clamé mardi son innocence alors que son procès en appel touche à sa fin.
Le procureur a aussi requis une interdiction définitive de territoire une fois la peine purgée. L’an passé, en première instance, M. Manteaux avait requis la réclusion à perpétuité mais n’avait pas été totalement suivi par les jurés qui avaient condamné M. Zepeda à 28 ans de réclusion. Le Chilien, désormais âgé de 33 ans, avait interjeté appel.
Selon l’accusation, Nicolas Zepeda est venu exprès du Chili en France fin 2016 et a tué Narumi, sans doute en l’étouffant ou en l’étranglant. Il s’est ensuite débarrassé du corps dans une zone boisée près de la commune de Dole (Jura). Mardi, le procureur avait confronté l’accusé à ses messages autoritaires envoyés à Narumi pour lui ordonner de supprimer de son compte Facebook des amis masculins; l’achat d’un bidon d’essence et d’allumettes, potentiellement pour brûler un corps; ou encore les passages en voiture de location du Chilien près de Dole.
Il avait aussi épinglé la “fierté de mâle blessé” et la “jalousie maladive” du Chilien qui n’a, selon M. Manteaux, pas supporté que Narumi le quitte et le raye de sa vie en nouant une nouvelle relation avec Arthur Del Piccolo, un étudiant de Besançon un temps suspecté, mais rapidement mis hors de cause. Partie civile au procès, il fut le dernier petit ami de Narumi.
Âme errante
L’audience matinale a été marquée par un nouveau moment d’intense émotion lorsque la mère et les deux soeurs de Narumi ont fondu en larmes pendant la plaidoirie de leur avocate, Sylvie Galley. Elles ont dû sortir de la salle d’assises bondée, entraînant une suspension d’audience. Dans son box, Nicolas Zepeda est resté de marbre. La famille de Narumi, dont le corps ne sera sans doute “jamais retrouvé”, est prise dans un “deuil impossible” et “une douleur perpétuelle”, avait déclaré Me Galley. Elle a lu “Demain, dès l’aube”, le poème de Victor Hugo dédié à sa fille Léopoldine, morte noyée.
La mère de Narumi, Taeko Kurosaki, “imagine l’âme de sa fille errante dans la forêt” où les enquêteurs pensent que Nicolas Zepeda a déposé le corps, a-t-elle expliqué. Narumi s’est retrouvée dans une “relation toxique”, a insisté l’avocate, qui a longuement rassemblé les éléments montrant selon elle la responsabilité de l’accusé dans la disparition de l’étudiante. Elle a été “victime d’un féminicide”, a-t-elle lancé aux jurés. “Victime de l’emprise, d’une jalousie maladive, d’un désir de possession, de contrôle et d’être trop libre, trop indépendante” pour être partie étudier en France et avoir quitté Nicolas Zepeda, ce qu’il n’aurait pas supporté.
Il “a été son premier amour”, a rappelé l’avocate. Il est aussi “la dernière personne à avoir vue Narumi vivante” et “la première et la seule à l’avoir vue morte puisque c’est lui qui l’a assassinée”. La défense plaidera après les réquisitions de l’avocat général. Nicolas Zepeda aura la parole en dernier. Il encourt la réclusion à perpétuité.
Le verdict devrait intervenir jeudi. Durant leur délibéré, les jurés devront répondre à deux questions : Nicolas Zepeda a-t-il tué Narumi Kurosaki? Si oui, a-t-il prémédité son acte? S’ils écartent la préméditation, le président de la cour, François Arnaud, a souligné mardi que les jurés devront alors répondre à une question spéciale : le couple était-il en concubinage lorsque M. Zepeda vivait au Japon, comme les débats l’ont effectivement montré? S’ils répondent oui, il s’agirait alors d’un meurtre par un ex-conjoint, passible également de la perpétuité.