Le Trois –

Harcèlement scolaire à Héricourt : « Je n’ai qu’une envie, oublier cette année »

Les faits se sont déroulés au collège Pierre et Marie Curie à Héricourt. | ©Google street View
Enquête
Hugo, 15 ans, est victime de harcèlement dans son collège à Héricourt. Son père dénonce l’inaction de l’établissement scolaire, après plusieurs mois d’alertes. De son côté, l’inspection académique explique que l’enquête est en cours.

« Je n’ai qu’une envie, partir de ce collège, oublier cette année. » Ces mots, ce sont ceux d’Hugo (prénom d’emprunt), 15 ans, scolarisé au collège Pierre-et-Marie-Curie à Héricourt depuis la rentrée 2022. Avant, il était scolarisé à Belfort, dans un autre établissement. « Je n’avais jamais eu de problème, j’avais mes amis, tout allait bien.» À quelques jours du brevet, le jeune homme, en classe de troisième, ne se rend plus en classe. Il a arrêté d’y aller depuis trois semaines, à cause du harcèlement scolaire qu’il y subit. Son père, Nicolas, se bat pour que sa situation ne reste pas muette.

« J’ai vu mon fils changer de comportement au fil des mois », raconte-t-il. Il y a eu les premiers signes. Hugo demande à ne plus manger à la cantine. Il se plaint des moqueries, de la solitude. Dans la cour, mais surtout dans le réfectoire. Il demande à poursuivre sa scolarité future, au lycée, à Belfort, et non à Héricourt. « Il pleure, régulièrement, chez sa maman comme chez moi qui sommes séparés, sans nous dire pourquoi. » Les parents contactent l’établissement une première fois. Ils y sont reçus le 2 mars 2023 et demandent au conseiller principal d’éducation et à la directrice adjointe, présente, de faire attention et que s’instaurent une vigilance accrue des professeurs.

Mais « rien n’a changé », regrette le jeune de 15 ans. « On m’avait expliqué que les personnes qui me dérangeaient ne seraient plus assises à côté de moi. Mais à part un professeur qui y a porté attention, personne n’a rien fait. » Il poursuit : « Les professeurs me demandaient pourquoi mon comportement se dégradait en cours et j’avais envie de lui dire de mieux regarder. »

Moquerie, insulte, humiliation, rejet, Hugo raconte : « Quand je passais dans les couloirs, on me traitait de « sans-amis », de « bouche-trou ». J’ai essayé d’en faire abstraction. Mais ensuite, mon groupe d’amis que j’avais encore à ce moment-là m’a rejeté. J’ai été très déçu et je ne comprenais pas pourquoi ils agissaient comme ça.»

Gage et idées noires

« Et puis, il y a eu la goutte d’eau », raconte Nicolas, le père d’Hugo. « Lors de son week-end d’anniversaire, tout allait bien, un copain à lui était à la maison. Quand tout le monde est parti, la veille de retourner en cours, ça a été la descente aux enfers. Il n’était pas dans son état normal. » Nicolas appelle la maman d’Hugo, qui lui revèle que le jeune homme lui a parlé de ses envies de suicide à cause de ce qu’il subissait à l’école. 

C’en est trop. « Il y avait déjà eu un autre événement quelques jours plus tôt qui m’avait mis la puce à l’oreille. » Nicolas fait référence à une insulte que son fils a proférée à l’encontre d’un autre élève, par voix interposée. Convoqué, Hugo a finalement écrit un message d’excuses à l’autre jeune. « Il lui a répondu en retour qu’il s’excusait aussi pour avoir suivi un gage des autres jeunes qui était de le draguer. À ce moment-là, j’ai compris que quelque chose ne tournait vraiment pas rond. »

D’après des mails que Le Trois a pu consulter, les parents sollicitent alors de nouveau l’établissement à la suite de ces épisodes, très inquiets pour leur fils et les conséquences de ce harcèlement sur sa santé mentale. Nous sommes fin mai. Et en attendant d’avoir une réponse, Hugo reste à la maison. « En arrivant au travail, le premier lundi, j’ai eu un cas de conscience. Je suis reparti de suite pour qu’il ne reste pas seul à la maison après ce que sa mère m’avait révélé. Je ne voulais pas qu’il fasse une connerie », confie le père. 

« Un grand moment de solitude »

Le lendemain, les parents sont à nouveau reçus. « Le terme de harcèlement a enfin été posé, alors que nous l’évoquions depuis mars. On nous a expliqué que nous pouvions porter plainte contre les élèves concernés. Mais ce n’était pas l’idée. Nous voulions que l’établissement ait une discussion avec. On nous a promis une intervention en vie de classe et une convocation de la personne à l’origine de ce harcèlement le 25 mai.» Pendant une semaine, il est convenu d’Hugo reste à la maison. Le père, lui, se met en arrêt maladie pour rester à ses côtés, explique-t-il. 

Le 30 mai, un nouveau rendez-vous est fixé, avec les parents mais aussi avec Hugo pour faire le point sur ce qui a été fait, mais aussi pour le réintégrer au mieux. « Ca a été un grand moment de solitude. Personne ne semblait être au courant du rendez-vous. La directrice adjointe l’avait oublié, et le CPE avait changé entre-temps. Hugo a du tout réexpliqué depuis le début, et rien n’a été fait. Ni une intervention, ni une convocation de la jeune fille.» Le jeune homme ressort du rendez-vous. « Il a dégoupillé… il a menacé de se jeter sous une voiture s’il devait revenir dans ce collège.» 

Sans solution pour faire stopper le harcèlement, la seule option envisagée a été de le protéger en le gardant à la maison. « Hugo, c’était pas l’urgence. Moi j’avais un gosse qui me parlait de suicide. Tout va bien.» Sollicitée, la direction de l’établissement n’a pas souhaité nous répondre. Elle nous a redirigés vers le rectorat conformément au protocole qu’elle nous a indiqué. 

Plainte à l'étude

Mercredi 14 juin, Hugo est retourné dans l’établissement pour passer l’oral du brevet. « J’étais stressé d’y retourner. Je ne supporte plus l’endroit. Je n’ai pas envie de parler de phobie…Enfin, c’est dur à admettre. » Il marque un temps d’arrêt. Pour les épreuves écrites du brevet, les parents d’Hugo ont demandé à ce qu’il puisse passer le brevet dans un autre établissement. Une requête restée sans réponse. 

Vendredi 2 juin, aidé par un avocat, la famille a fait partir une lettre recommandée pour que la direction trouve une solution. Dans cette lettre que Le Trois a pu consulter, l’avocat, Me Richard Belin, demande à la direction de réagir sous peine d’un dépôt de plainte du chef de non-assitance à personne en péril. « Face à l’incapacité du corps enseignant de votre établissement à assurer une protection morale à Hugo, il n’existe absolument aucune autre alternative que de lui permettre d’achever son année scolaire à distance », précise Me Belin. « J’attends de votre part des solutions claires et protectrices de la santé morale de Hugo (prénom d’emprunt) afin de permettre à cet élève brillant et sans histoires de terminer sereinement et dignement ses années collège.» La lettre somme une réponse impérative sous 8 jours. Au 15 juin, aucune réponse n’a encore été apportée à l’avocat, confirme-t-il. 

« S’il n’y a pas d’aménagement fait, il est clair que nous porterons plainte après les épreuves. J’ai peur pour mon fils, j’ai peur qu’il pète une pile le jour du brevet. Nous avons besoin que ce soit pris au sérieux. Aujourd’hui, le harcèlement est presque anecdotique par rapport aux lacunes de l’administration », rapporte le père ce jeudi 15 juin. 

L’inspection académique réagit

Pour le directeur académique des services de l’Éducation nationale (Dasen) de la Haute-Saône, Philippe Destable, contacté par téléphone mercredi 14 juin, le sujet est « grave » autant pour l’élève que pour les parents qui sont eux aussi des « victimes ». Le réflexe de retirer Hugo de l’école a été le bon, selon lui.  « Il fallait le mettre à l’abri, même s’il s’agissait de la solution la plus radicale. Elle n’est pas satisfaisante, mais elle garantit sa protection.»

« Il  faut accompagner tout le monde. La relation est très abîmée entre l’élève et l’auteur, les parents et l’établissement. Il faut réparer cela. Mais en attendant, cela peut donner l’impression que le traitement n’est pas convenable, alors que le collège a réagi très vite.» Il assure qu’une équipe de suivi a été mise en place et que la classe a été vue. Il explique qu’un appel a aussi eu lieu avec une médecin de l’inspection académique, référente départementale harcèlement.

Quant au sentiment d’abandon de l’établissement par la famille, il évoque le rendez-vous raté qui a eu lieu alors qu’Hugo devait reprendre les cours. « Ce sont des choses qui arrivent mais dans ce contexte, cela prend beaucoup d’ampleur. Aujourd’hui, les parents comme l’adolescent sont dans la douleur.» 

Il confirme qu’une enquête est en cours « pour trouver les sanctions appropriées. Le terme de harcèlement a été posé il y a seulement quelques semaines. Il faut que nous posions des axes éducatifs. » L’inspecteur le confirme : « Même s’il y a un changement d’établissement avec le passage aux lycées, il y aura une réparation d’organisée. » Cela passe par des lettres d’excuses, des entretiens. Parfois, des sanctions sont aussi enclenchées, notamment éducatives. « Symboliquement, c’est important de marquer les choses. Certaines décisions peuvent aller jusqu’à l’exclusion.»

« J’ai du mal à me dire que j’ai été victime de harcèlement »

Quant au passage du brevet dans un autre établissement, il affirme que rien ne peut être fait car « l’organisation d’un examen est très complexe », mais que des réflexions sur les flux et les salles étaient en cours pour protéger la victime. « Il doit être préservé des personnes toxiques. »  Le père, recontacté par téléphone après cet échange, redouble de colère. « Ce n’est pas [l’ado harceleur] qui doit être sanctionnée. [Il] doit finalement aussi avoir des problèmes pour agir ainsi. C’est plutôt l’établissement pour sa non-action. »

Hugo marque un blanc quand il entend, par téléphone, qu’il devra se rendre dans l’établissement pour le brevet. « Je redoute les pauses, où je vais être obligé de me retrouver au milieu de tout ça. Maintenant, la cour, je la vois comme une prison. » De la colère, de l’énervement, de la culpabilité de ne plus aller en cours, c’est un mélange de cela qui envahit le jeune homme. « Je ne me suis jamais plaint de rien à l’école. C’était la première fois. Et je me suis pas senti compris.» Il n’a qu’une envie, réussir, et avoir une mention, pour tourner la page et retrouver ses anciens amis dans le lycée auquel il a postulé, à Belfort. « Je viens de perdre une année. Je n’ai qu’une envie, ne plus recroiser les personnes. » Loin des volontés de réparation proposée par l’inspection académique. 

« À l’administration, je voudrais leur dire qu’il faut faire attention à tous les élèves et pas seulement à ceux qui viennent se plaindre. Même si je sais que c’est compliqué… J’ai été au plus bas, j’ai du mal à me regarder dans le miroir et à me dire que j’ai été victime de harcèlement encore aujourd’hui. » La reconstruction sera longue, il le sait. Sa maturité le montre. Il rêve d’intégrer la classe européenne anglais de sa future école. « Je veux me reconstruire et oublier », souffle-t-il.

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