Handi’évasion, c’est la promesse d’une évasion en forêt, pour tous, valides ou non valides et à un prix accessible. Mais c’est aussi une leçon de vie. Celle de Lionel Gaudron, 55 ans. Son destin a basculé le 19 juillet 2019. Un accident de la vie, comme on dit, l’a laissé paraplégique. « Je ne sens plus mes jambes », décrit-il, en servant le café depuis son fauteuil, dans sa maison située dans une zone pavillonnaire, non loin de la Maison pour tous de Bavans.
Lionel passera plus de deux ans en centre hospitalier et en centre de rééducation. D’abord, pour se remettre de son accident. Ensuite, pour soigner une escarre. Le handicap est une chose, mais les turpitudes quotidiennes liées à ce handicap en sont une autre. Et elles sont parfois bien plus difficiles à vivre et minent le moral.
Cet accident ne démonte pas pour autant ce solide gaillard au verbe haut, au ton moqueur et à l’esprit jovial. Il rit. Il blague. Il chambre. Et cultive un sens de l’auto-dérision certain. « Il y a plus grave dans la vie [que d’être paraplégique] », balance-t-il dans la discussion, sur un ton sérieux. Un propos qui a de quoi décontenancer, mais qui fait sens à bien le regarder. Lors de son séjour au centre de rééducation de Bretegnier, à Héricourt, il découvre le Quadrix. « Avant mon accident, je faisais énormément de VTT, de courses, des trails », se souvient Lionel Gaudron.
« Ça me change la vie »
Sortir est pour lui vital. Surtout qu’il ne peut pas retravailler. Il suit la piste de ce fauteuil tout terrain (FTT), ingénieux mix entre un fauteuil roulant et un quad, boosté par deux batteries de 800 watts. L’engin est français et fabriqué à Annecy, en Savoie. La prise en main est facile. Et les sensations garanties.
Les sentiers défilent à près de 25 km/h et la tenue de route est solide. « C’est un VTT 4-roues », résume Lionel, qui découvre alors un véhicule lui redonnant « une autonomie énorme ». S’il ne peut pas sortir seul, en cas de chute, il peut à nouveau suivre ses potes sur les pistes de VTT. Et sentir la brise de la vitesse fouetter ses joues. Ajoutez-y une pincée de boue, et le plaisir est complet ! « Ça me change la vie. Je m’évade. Je passe dans des sentiers où je passais à VTT. »
Pour acquérir la bête, il faut débourser plus de 13 000 euros. Il pousse alors les portes de la Maison pour tous. On organise une soirée pour l’aider à financer l’achat. « C’était une manière, surtout, de sensibiliser la population au handicap », dévoile Nevin Aydin, la directrice de cette structure.
Au guidon, le handicap s’efface
Rapidement, un engouement se tisse. De fil en aiguille, une idée émerge entre les deux, qui façonnent une complicité certaine. Si Lionel a pu acheter le Quadrix, il se met à la place de ceux qui ne le peuvent pas. Ainsi naît Handi’évasion. Les deux acolytes veulent redonner la possibilité de « sortir et retourner en forêt ». « J’ai pris conscience du coût d’être en situation de handicap. Cela coûte cher », avoue Nevin.
L’association obtient 45 000 euros d’aides auprès de la caisse d’allocation familiale du Doubs, le conseil départemental du Doubs ou encore le Crédit Agricole. La Maison pour tous se mobilise aux Eurockéennes pour tenir la sandwicherie solidaire Cora et récupérer les bénéfices de la vente. Avec cette somme, l’association achète trois Quadrix, pour permettre à des personnes non valides de s’évader en forêt.
Prochainement, un Quadrix sans guidon, mais équipé d’un joystick, permettra de proposer des sorties aux personnes tétraplégiques. « Pendant quelques heures, elles ne le seront plus », se réjouit ainsi Lionel, formulant ainsi une belle promesse. Au guidon du Quadrix, le handicap s’efface. Et le sens du pilotage prend le dessus.
Handi’évasion envisage aussi d’acquérir deux VTT à assistance électrique pour permettre à des valides d’accompagner la sortie. Une sortie ouverte à tous. Solliciter une sortie en étant valides, c’est aussi assurer des revenus à l’association pour pérenniser l’équipement, l’entretenir, financer le stockage ou encore l’assurance.
Lionel accompagne toujours la sortie. Il connaît la forêt. Maîtrise l’équipement. « Cela demande beaucoup de rigueur », insiste-t-il. Surtout, il s’adapte à l’usager pour choisir le sentier ou la piste à suivre et mesure la vitesse pour rouler. Pour que chacun y trouve son plaisir. Et recouvre un sentiment de liberté. « Handi’évasion veut redonner de l’autonomie et de l’évasion aux personnes en situation de handicap », résume Nevin Aydin. Une belle promesse.
HANDI’ÉVASION : 41, Grande-Rue, à Bavans. Tél. : 03 81 92 64 25. 30 euros la sortie de trois heures
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