Il est 9 h passées de quelques minutes, le lundi 2 juin, quand les premiers cafés sont commandés et que les viennoiseries arrivent sur la table. Autour, une dizaine de femmes, souriantes et complices, prennent place. Courtière, coachs, graphistes, métapédagogue, designers, formatrices, psycho-nutritionniste, chroniqueuse, créatrice de jardins, ou encore cheffe de projet en santé publique : elles ne viennent pas du même monde professionnel, mais partagent un socle commun. Celui d’avoir osé créer leur propre activité.
Alors, chaque mois, elles se retrouvent pour souffler, discuter, partager. « Comment ça va, le business ? » lance l’une d’elles en guise de tour de table. Et parfois, le ton se veut plus franc : « Il faut qu’on te mette un coup de pied aux fesses ? » Ce matin, toutes sortent d’un mois de mai en dents de scie. « C’était plus un gruyère qu’autre chose », plaisante une participante. Rires autour de la table. L’ambiance est légère.
Loin des réseaux business classiques
À ses débuts, le réseau s’appelait « Mam’preneurs ». Mais très vite, les fondatrices ont souhaité dépasser ce cadre. « Toutes les entrepreneuses ne sont pas mères, et nous voulions dépasser cette étiquette », explique Julie Pichon, présidente de Francomt’Elles. Le manque de soutien du réseau national a aussi précipité le changement. En 2023, elles repartent de zéro. Nouveau nom, nouvelle ambition : celle de créer un espace bienveillant, où chacune peut s’exprimer sans crainte. « Ici, on se sent en sécurité émotionnelle », affirme Julie. Et toutes opinent.
Ce n’est pas un club business, affirment-elles d’une même voix. « Il n’y a pas d’esprit de concurrence. On ne vient pas vendre un produit, mais partager autour de nos visions de l’entreprenariat. » Dans ce cadre, les liens se tissent vite. Certaines se connaissent depuis deux ans. D’autres arrivent pour la première fois, un peu en retrait, observatrices.
Ateliers, entraide et cerceaux
Chaque rencontre a un thème. Ce matin-là, il est question d’équilibre entre vie pro et vie perso. À la manœuvre : Isabelle Debever, coach et métapédagogue. Ancienne responsable marketing dans l’industrie pharmaceutique, elle a changé de vie après la naissance de ses enfants. Aujourd’hui, elle aide d’autres personnes à retrouver une forme d’alignement dans leur quotidien.
Avec quelques cerceaux, un tableau et des post-it, elle fait bouger le groupe. En duo: l’une des participantes a les yeux bandés, l’autre doit la guider sans mots. Lâcher-prise, confiance, acceptation de ne pas tout maîtriser : pour certaines, l’exercice est naturel. Pour d’autres, c’est plus difficile. Mais toutes jouent le jeu. Puis vient un exercice qui doit leur permettre de prioriser certaines tâches : qu’est-ce qui est vraiment important ? Qu’est-ce qui est juste urgent ? Et si ce n’est ni l’un ni l’autre, pourquoi le faire illico ?
« C’est ce type d’outils qui m’aide à poser un cadre », glisse l’une des membres. Car derrière la charge de l’entreprise, il y a parfois des charges mentales invisibles. La vie de famille, omniprésente dans les discussions, continue d’avoir un certain poids dans les agendas professionnels. « Quand on est une femme, ce n’est jamais vraiment séparé », admet une participante. D’autres acquiescent.
C’est aussi pour cela qu’il s’agit d’un club pour les femmes. « On ne dit pas que les hommes n’ont pas de difficultés. Mais nos problématiques personnelles et sociétales sont différentes que celles des hommes. Notamment sur les questions de charge mentale. » En étant entre femmes, « l’énergie est différente, on sent que l’on peut s’exprimer et on se confie plus facilement. Il y a une sorte de sororité », explique simplement la présidente.
Redonner du sens
Au fil des échanges, les récits personnels se mêlent aux expériences professionnelles. Certaines sont à leur compte depuis quinze ans, d’autres viennent tout juste de se lancer. Une membre évoque sa maladie chronique et ce que l’entrepreneuriat lui a permis : adapter ses rendez-vous médicaux, ne plus avoir à se justifier. Une autre se souvient d’une remarque désobligeante : « Ah, mais vous faites un métier d’adulte en fait ? » Une troisième soupire : « On m’a dit que mon travail était une lubie. »
Ici, ces remarques n’ont pas leur place. L’objectif est ailleurs. Certaines portent des projets pour aider d’autres femmes à s’émanciper, à reprendre la main sur leur budget, leur avenir, à l’image de Julie Pichon qui souhaite monter une association en ce sens. D’autres cherchent simplement du soutien. Et toutes sont prêtes à tendre la main, racontent-elles, ce lundi 2 juin. C’est là, sans doute, que réside la force de Francomt’Elles. Dans cette capacité à créer une bulle de confiance. Où l’on parle autant de paperasses, de fiscalité, que de fatigue mentale. Et où, en sortant, « on se sent un peu plus forte qu’en arrivant », résume l’une d’elles.
Pour les contacter : 06 47 22 57 10 ou francomtelles@gmail.com