« Nous ne savons pas encore combien cela va nous coûter », s’inquiète Jean-Paul Roland, directeur du festival des Eurockéennes de Belfort. Lundi 20 novembre, le tribunal administratif de Besançon et la cour administrative d’appel de Nancy ont présenté lors d’une conférence de presse les grands dossiers qui ont animé l’année. Parmi ceux-ci, on découvre une décision relative aux Eurockéennes, datée du 10 octobre 2023.
En 2019, l’association Territoire de musiques, qui organise les Eurockéennes de Belfort, a saisi le tribunal administratif de Besançon car il leur était demandé de rembourser des coûts pour la prestation de service d’ordre assurée par la gendarmerie lors de l’édition 2019. En l’absence d’une convention entre les deux parties, le tribunal administratif avait été dans le sens des Eurockéennes et avait fait annuler le remboursement. Depuis, une convention mise en place entre les forces de l’ordre et le festival a permis de trouver un terrain d’entente.
Le hic : l’Etat avait déjà fait appel de la première décision. Le dossier est donc repassé devant la cour administrative d’appel de Nancy. Le 10 octobre 2023, elle a statué dans le sens de l’Etat, en expliquant que lorsqu’un festival est « à but lucratif », les coûts d’intervention des forces de gendarmerie ou de police « doivent être facturés aux organisateurs » dans le cas où le propre service d’ordre du festival « est dépassé » par le nombre de personnes présentes.
« Amer »
« La circulaire Collomb avait déjà fait passer le montant de l’enveloppe pour les forces de l’ordre de 30 à 60 000 euros. À la base, l’on nous demandait même plus de 250 000 euros (en 2019, NDLR)”, replace Jean-Paul Roland. Mais après négociations, “nous étions retombés sur quelque chose de plus correct », ajoute-t-il.
En 2018, l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Colomb, a fixé dans une circulaire des règles d’indemnisation lorsque les policiers ou les gendarmes nationaux assurent les tâches de services d’ordre dans des manifestations. Il a estimé que lorsqu’un événement était « à but lucratif », c’était à l’organisateur de payer. Déjà à ce moment, cela avait fait couler beaucoup d’encre, car la qualification, ou non, du terme « lucratif », était peu encadrée. Le 24 janvier 2019, le sénateur Les Républicains du Territoire de Belfort, Cédric Perrin, était d’ailleurs monté au créneau en expliquant que les Eurockéennes de Belfort allaient pâtir fortement de cette mesure car la préfète de l’époque avait décidé, après la publication de cette circulaire, que l’événement était devenu « un festival à but lucratif comme par enchantement après 29 ans », dénonçait-il.
La circulaire a été abrogée, à l’occasion de la publication de la circulaire Darmanin du 8 avril 2022. Rien de spécifique ne change dans son contenu. Pour autant, « cela a joué dans la décision [en faveur de l’État] et sur les questions de rétroactivité », estime Jean-Paul Roland. Cela le laisse « amer », car si depuis 2019, les Eurockéennes ont une convention avec l’Etat qui permet de travailler ensemble « dans de bonnes conditions », il ne sait pas dans quelle mesure cette décision en appel pourrait jouer sur l’actuel accord. Et sur le niveau du montant à payer.