Entretien avec le colonel Stéphane Helleu, directeur du service départemental d’incendie et de secours du Territoire de Belfort (Sdis 90), pour appréhender les modifications du travail des pompiers pendant la pandémie.
La pandémie du coronavirus Covid-19 a un impact certain sur notre quotidien. Il en est de même pour les pompiers. Le confinement de la population modifie fortement leurs interventions. Des opérations de plus en plus liées à la pandémie. Comme de nombreux Français, ils témoignent aussi de leur solidarité. Entretien avec le colonel Stéphane Helleu, directeur du service départemental d’incendie et de secours du Territoire de Belfort (Sdis 90).
Observez-vous des répercussions sur l’activité opérationnelle des pompiers belfortains depuis la mise en place du confinement ?
Oui, bien évidemment. De 15 jours, jusqu’il y a 4-5 jours, nous avons vu une baisse générale de notre activité, liée à la baisse des activités ; c’est l’activité humaine qui génère des risques. Nous avons très clairement une baisse des accidents de circulation, même si je m’attends à faire plus d’accidents de bricolage. Mais ce n’est pas encore le cas aujourd’hui. Nous n’avons quasiment plus d’accidents de sport, d’accidents du travail ou de chutes sur la voie publique.
Qu’en est-il du risque incendie ?
Il n’y a aucune raison de croire que ce risque baisse. La part la plus importante des incendies sont les incendies domestiques, donc rien ne justifie que nous baissions la garde. Notre dimensionnement ne bouge pas, car il est calculé pour couvrir le risque incendie. Et avec, nous couvrons les autres risques, notamment le secours à personne. L’épidémie ne réduit pas le risque incendie, le cœur de notre métier.
Observez-vous une évolution dans vos interventions de secours à personne ?
Nous observons une baisse liée aux activités courantes, mais pas ce qui est lié, par exemple, à l’autonomie des personnes âgées. Nous avons une hausse d’activités de deux types, en lien direct avec l’épidémie. La première est notre engagement, avec ou sans le Smur, en première ligne, dans le cadre d’urgences vitales, pour des détresses respiratoires. Les probabilités sont alors fortes que nous soyons face à une personne touchée par le Covid-19. Nous traitons avec les mêmes précautions que le secteur hospitalier. Nous limitons les contacts des agents. Et un seul agent est au contact de la victime. Depuis jeudi dernier, nous en faisons 5 à 10 par jour. La seconde hausse d’activité est liée aux carences des ambulances privées, en lien avec le Covid-19. Elles peuvent être engagées par le Samu ou un médecin, sur prescription médicale, pour des cas moins graves. Mais si les transports sanitaires ne répondent pas (car ils n’ont plus de disponibilités à ce moment, NDLR), nous sommes engagés. Mais nous n’avons pas à suppléer de manière excessive. Les transports sanitaires sont très actifs dans leur activité liée à l’épidémie. Eux aussi, leur activité a été réorientée.
Ce contexte modifie-t-il vos protocoles d’intervention ?
Lorsque nous partons pour une probabilité forte de patient souffrant de Covid-19, l’agent qui intervient le fait avec une combinaison complète, avec notamment un masque, des gants et des lunettes. Mais dès que nous partons pour une intervention de secours à personne, nous partons du principe que tout le monde peut avoir le Covid-19, même asymptomatique. Nous mettons un minimum de protection, notamment le masque, pour protéger les personnes et nos pompiers, même s’il n’y a pas de suspicions. À l’initiative du Samu, nous transportons dorénavant les urgences de petites traumatologie vers la clinique de la Miotte, qui a ouvert un accès, pour désengorger le service des urgences de l’hôpital.
Avez-vous des pompiers touchés par le Covid-19 ?
Nous avons une trentaine de pompiers qui présentent des symptômes qui laissent à penser au Covid-19 (sur un corps départemental de 552 sapeurs-pompiers, professionnels et volontaires, NDLR) ; ils sont actuellement en quatorzaine. Aucun pompier n’est hospitalité. Même si nous avons plus de disponibilités de pompiers volontaires, du fait du confinement, nous avons donc aussi de l’absentéisme. Nous avons mis en place un plan de continuité. Nous avons un suivi de la part de notre service de santé.
Les valeurs de solidarité du corps des sapeurs-pompiers sont une nouvelle fois mises à l’honneur. Des pompiers volontaires interviennent notamment à l’hôpital. Quel est ce dispositif ?
Depuis le début de la crise, nous sommes en relations très étroites avec nos partenaires : agence régionale de santé ; hôpital Nord-Franche-Comté ; Samu… Nous travaillons toute l’année ensemble, mais encore plus en temps de crise. J’ai demandé à l’hôpital s’il avait des besoins ; si nous pouvions y répondre, nous le ferions. Compte tenu du confinement, j’ai de la disponibilité de sapeurs-pompiers volontaires. De son côté, l’hôpital anticipe le pic.
Pour soulager les équipes hospitalières, nous avons mis en place un dispositif de renforcement de l’équipe de sécurité incendie de l’hôpital, avec six pompiers volontaires et un chef d’équipe. Ils interviennent aussi dans l’orientation des usagers sur les différents points d’entrée de l’hôpital. Les pompiers le font sur la base du volontariat. Une dizaine s’est déclarée disponible (l’hôpital sollicite aussi les pompiers pour avoir des brancardiers, dès jeudi, et des associations de sécurité civile viendront les épauler à partir de samedi, NDLR).
Le gouvernement vient de déployer une réserve citoyenne. Les pompiers ont-ils besoin de citoyens ?
Nous avons réduit nos activités non-opérationnelles au minimum. Pour l’heure, nous n’avons pas de besoins de citoyens volontaires. Si tel est le cas, nous pourrions faire appel à nos réservistes, qui sont une quinzaine. Je pense qu’il faut donc les orienter vers d’autres secteurs que celui des pompiers.