« Que fait-on des bases ? » Au cœur de la manifestation interprofessionnelle au centre-ville, et devant le lycée professionnel Diderot, à Belfort, ce mardi 18 octobre, ce sont, de nombreux professionnels du corps enseignant qui manifestent contre la réforme du lycée professionnel. Une réforme qui repose sur l’augmentation du nombre de semaines en milieu professionnel, via le biais d’une augmentation des périodes de stage de 50%. Pour un lycéen en bac professionnel, la réforme fera passer « de 22 à 33 le nombre de semaines en entreprise », calculent les syndicats présents sur place (Snuep,FSU, Voix pro). C’est beaucoup trop, selon eux. « Que fait-on des bases ? Du français ? De l’histoire-géo ? Tout ce temps en entreprise, c’est du temps où les jeunes n’apprennent pas les fondamentaux ! »
Ce qui dérange, fondamentalement dans cette réforme, c’est cette notion « d’apprendre sur le tas ». « Les élèves n’auront quasiment plus d’heures d’ateliers, puisque l’entreprise aura la charge de les former », détaillent les syndicats. « Qui peut croire qu’apprendre sur le tas des gestes professionnels constitue une formation sérieuse à un métier ? », poursuivent-ils. Pour les syndicats, l’entreprise formatrice est un leurre. D’autant plus qu’à côté de ça, la baisse du temps en cours compromettra « la réussite des élèves à l’examen et les poursuites d’études seront sérieusement compromises.»
Une réforme de trop
L’appel à la grève a eu une ampleur nationale, et regroupe la quasi-totalité des organisations syndicales du secteur. Pour les syndicats, la réforme nivelle par le bas les exigences. Même si elle avait pour but d’améliorer une filière où deux ans après l’obtention des diplômes, seuls 41% des titulaires d’un CAP et 51% des bacheliers professionnels ont un emploi (voir l’article du Monde).
« Aucun bilan n’est tiré de tout ça », déplore une syndicaliste, sur place. Et aucun recul n’est pris, selon elle. Les syndicats regrettent que cette réforme de plus soit là pour « instrumentaliser la formation professionnelle des jeunes » pour remplir certains secteurs d’activités « désertés par les actifs ». D’autant plus que cette réforme propose de régionaliser l’offre de formation des lycées professionnels en fonction des besoins locaux des entreprises en emploi. De quoi faire bondir les syndicats.
Ils s’alarment, aussi, sur la continuité des postes pour les professeurs de lycées professionnels. « Avec l’augmentation de la durée des stages, de nombreux.ses professeurs de lycées professionnels perdront leur poste. Où iront-ils enseigner ? »
« Retour au 18ème siècle »
Avant même les lycées, c’est aussi certains enseignants du collège qui se mettent en grève, rapporte Benoît Guyon, représentant syndical de FSU. « On nous demande, dans les collèges, de présenter les métiers dès la 5ème, d’organiser de l’éducation financière en 4ème, de leur apprendre ce qu’est un taux d’intérêt, des créances. Retour au siècle dernier et à l’éducation de la ménagère », s’énerve-t-il.
« L’éducation à l’école ne doit être influencée ni par l’industrie, ni par les patrons. Tout cela : ce sont des entraves à la neutralité », explique-t-il. « Et ce, en plus, une demi-journée par semaine sur le temps scolaire. Au détriment d’autres enseignements, encore une fois. » Ce qui pousse, selon le syndicaliste, les jeunes à se diriger de plus en plus vers la voie professionnelle. Avec la promesse, pas très loin, d’un salaire. « Un vrai piège », relève Benoît Guyon, qui se dirige vers l’entrée de la préfecture. Les syndicats enseignants y sont reçus, pour un dialogue avec le préfet d’environ une heure.