Distribution de lettres aux élus du Smiba. Rendez-vous avec leur avocat. Décision de déposer un recours de référé-liberté… La journée du 19 décembre a été encore une étape pour les gérants de La Cabane, boutique de location de matériel de skis sur le domaine de la Gentiane, au Ballon d’Alsace.
Depuis quelques semaines, la presse relate une décision prise par le Smiba (syndicat mixte interdépartemental du Ballon d’Alsace), qui gère et exploite le site du massif sous-vosgien, de l’ouverture d’un local de location de skis en son nom propre dans les locaux du Smiba à côté des caisses de vente de forfait. Juste en face de l’actuel boutique La Cabane. Un choix que le syndicat mixte justifie par le manque d’offre sur la station, une carence, qui a causé selon eux, l’an passé, le remboursement des forfaits de plusieurs skieurs. Le Smiba, par cette installation, va proposer des services équivalents à ceux que La Cabane, à quelques mètres d’intervalle.
Par téléphone, les gérants, Patricia Liblin et Yves Schmaltz, se sentent trahis. « Oui, il y a eu un afflux de monde l’année dernière. Comme dans toutes les stations. Cela a été d’autant plus vrai chez nous que plusieurs stations ont fermées dans les alentours. » Ils affirment que malgré cet afflux, le Smiba a continué à vendre des forfaits. « Les autres stations de skis vosgiennes, ferment, elles, l’accès aux forfaits passé un certain nombre », déplorent-ils. « Et personne n’est jamais venu nous voir, alors qu’ils sont en face, pour nous dire que quelque chose n’allait pas.»
Aussi, pour répondre à cette nouvelle clientèle, les gérants ont investi 60 000 euros pour l’agrandissement de leur local « dès la fin de la saison dernière, preuve comptable à l’appui ». Le nombre de postes de réglage des skis est alors passé de 3 à 5 et l’offre de matériels a été renforcé de 100 paires de skis et chaussures supplémentaires, portant l’offre à 500 kits.
« Aucune base légale »
Mardi 19 décembre, le Smiba a fait voter la délibération pour la création d’un service de location de skis concurrentiel. Les gérants se sont tenus à l’entrée pour distribuer une missive aux élus avant le vote. Dans cette lettre, ils exposent avec découvert « par hasard, fin novembre » le projet porté par le Smiba. « Refusez ce projet criminel qui nous tuera dès la première saison », implorent-ils. Cela n’a pas eu d’effet. La délibération est passée. Avec 2 abstentions.
Mais pour leur avocat, l’ensemble des délibérations sont attaquables. Un référé-liberté (qui permet de saisir en urgence le tribunal lorsqu’une décision administrative porte une atteinte grave et illégale à une liberté fondamentale, ici celle d’entreprendre) sera introduit au tribunal de commerce de Besançon en fin de semaine, précise Bruno Kern. « Pour commencer, l’annonce publique de la création d’un local de skis dans les locaux du Smiba ne repose sur aucune base légale puisque la délibération n’était pas passée. »
Lors de l’annonce dans la presse, les gérants avaient déjà cherché à se procurer la délibération d’ouverture. Pour tenter de récupérer ce document, avant de savoir qu’il n’existait pas encore, l’avocat a fait intervenir un huissier. Deux délibérations ont été « découvertes » : une de mai, décidant de l’achat de skis pour 28 000 euros. Ainsi qu’une du 6 novembre, qui fixe les tarifs. « Tout a été fait à l’envers », explique-t-il.
« Une collectivité territoriale ou un syndicat mixte ne peut pas intervenir dans le domaine concurrentiel avec des deniers publics », martèle l’avocat des gérants, Bruno Kern. « Par principe, il ne peut pas. Cela est strictement encadré. Sauf s’il est admis de possibles carences ou une insuffisance privée. Or ici, ce n’est pas le cas. La boutique existante a comblé la demande nécessaire, preuve comptable à l’appui. »
« Offre complémentaire »
Bruno Kern, après dépôt du référé-liberté, devrait être convoqué par le tribunal administratif qui statuera sur la suspension ou non des trois délibérations qui vont être attaquées. Les gérants, eux, espèrent que cela se fera. « Sinon, ils vont complètement nous assécher », détaillent-ils.
Fabienne Thouvenin, directrice du Smiba, tempère par téléphone : « Nous répondons à un besoin temporaire avec une offre complémentaire pour les périodes de fortes affluences.» Pour la directrice, il n’est pas question de faire concurrence mais d’apporter un renfort sur les périodes de vacances scolaires notamment.
« Nous allons diriger en priorité vers La Cabane. Nous viendrons en complément. Au Lac Blanc, il y a bien 4 loueurs de skis et personne n’a de problème. » Elle expose, aussi, que le Smiba proposera seulement des skis et non des raquettes ou des snowboards, comme le fait La Cabane. Ouverte les mercredis et week-end hors vacances scolaires et ouverte tous les jours pendant les vacances, la boutique du Smiba verra le jour dès le retour de la neige cette saison.