En avril 2022, le Chilien Nicolas Zepeda avait été condamné à 28 ans de réclusion pour l’assassinat de son ex-petite amie. Son corps n’a jamais été retrouvé. Alors en appel, Humberto Zepeda, 60 ans, livre toutes ses forces pour innocenter son fils, après avoir repris tous les points de l’enquête pendant trois ans et rédigé un argumentaire d’une centaine de pages. Pour se consacrer à cette tâche, qui a englouti toutes ses économies, cet ancien cadre du secteur des télécommunications, à la valeur travail chevillée au corps, à mis fin prématurément à sa carrière.
Avez-vous déjà pensé que votre fils était coupable ?
Oui, et pas qu’une seule fois, trois fois. La première, c’est quand j’ai commencé à lire le dossier, qui était particulièrement dur. Ensuite, quand j’ai découvert les motivations de la décision d’extradition (du Chili vers la France en 2020), autour de la géolocalisation du téléphone de Nicolas. Et enfin, au premier procès, quand je vois le procureur bomber le torse et dire : +Voici une vidéo d’un rôdeur+, à partir d’une caméra qui montre une personne cagoulée, qui ressemblait à Nicolas.
Mais vous avez déclaré devant la cour, en appel, que vous étiez à présent convaincu de son innocence…
Je fais des recherches depuis trois ans. Dans la décision d’extradition, l’une des choses les plus importantes que retient le juge est la géolocalisation de Nicolas, qui cesse de fonctionner pendant une heure (moment où, selon l’accusation, il s’est débarrassé du corps). Mais les données n’étaient pas satisfaisantes. Pour géolocaliser Nicolas, il y avait trois moyens: son téléphone, le GPS de la voiture de location, et la carte SIM de la voiture. C’est la géolocalisation de son téléphone SFR qui a été retenue. Bizarrement, les données GPS du véhicule ont été effacées.
Les données de la carte SIM de la voiture, du réseau Orange, ont été demandées par Jacqueline Laffont (avocate de Nicolas Zepeda en première instance, NDLR), et lui ont été remises dans les derniers jours du premier procès. Pendant cette période (sans données téléphoniques), la carte SIM de la voiture, elle, a borné plusieurs antennes: en fait, la voiture a continué à rouler ! Des erreurs comme celle-ci, je me suis dit qu’il devait y en avoir d’autres.
Les enquêteurs n’ont rien trouvé dans la chambre (de Narumi), rien dans le véhicule, rien là où le corps aurait été abandonné. Selon les premières investigations, le corps avait été brûlé et enterré dans la forêt. Mais dans la forêt, ils n’ont rien trouvé. Quelle option restait à l’accusation ? Dire que le corps avait été jeté dans la rivière, même s’il y avait trois barrages et que les plongeurs n’ont rien retrouvé non plus.
Quand vous apprenez la disparition de Narumi Kurosaki, lui demandez-vous s’il est impliqué ?
Peu avant Noël, je l’apprends par la presse, pas par Nicolas. Je l’appelle immédiatement: – « Nico, tu savais ?» – « On m’a parlé de cette histoire qui est sortie dans la presse », me dit-il. Je décide de me rendre à Santiago (pour lui parler en personne). Je craignais que Nicolas soit impliqué. J’ai parcouru 500 kilomètres en pleurant et en priant. Mais il m’a tout expliqué, je me suis calmé. « Narumi va réapparaître, ne t’inquiète pas », me dit-il. « Elle a déjà disparu lorsqu’elle était avec moi.»
Que direz-vous si votre fils est condamné en appel ?
Le monde verra qu’ils ont condamné quelqu’un à l’issue d’une enquête mal faite. Si j’avais le moindre doute sur la culpabilité de mon fils, je ne serais pas là, je n’aurais pas fait 14.000 kilomètres pour défendre l’indéfendable.
Et si Nicolas avoue, comment réagirez-vous ?
Je ne pourrais pas le croire, je penserais que c’est une stratégie avec les avocats pour réduire la peine. Et si ce n’est pas une stratégie, je dirais à Nicolas: « Tu restes mon fils, parlons, explique-moi ce qui est arrivé, comment c’est arrivé. Je t’aime, et tu seras toujours mon fils.»