AFP – Par Simon VALMARY avec Robin GREMMEL
Encore inconnu il y a deux ans, Kiptum avait fait une irruption fracassante sur la planète marathon en s’emparant à son troisième essai seulement du record du monde, en 2 heures 00 minutes et 35 secondes à Chicago, plus rapide que son compatriote Eliud Kipchoge, légende de l’athlétisme.
Le décès de Kiptum à 24 ans, alors que la gloire lui semblait promise cette année, est aussi brutal que l’avait été son ascension. Kiptum avait prévenu qu’il essaierait d’être le premier homme à courir un marathon officiel en moins de deux heures à Rotterdam le 14 avril. Il était également l’immense favori du marathon des Jeux olympiques de Paris (26 juillet – 11 août).
Héritier de Kipchoge
L’image restera celle d’un athlète élancé (1,78 m, 59 kg), volant d’une foulée puissante sur le bitume de Chicago en octobre dernier, accélérant même en deuxième partie de course, là où la plupart des marathoniens de tout niveau fléchissent. Le tout lui permettant de battre le record du monde (alors 2h01:09 par Kipchoge), moins d’un an après son premier essai sur la distance à Valence (Espagne, 2h01:53 en décembre 2022).
Entre-temps, Kiptum avait confirmé son talent hors norme en écrasant le vénérable marathon de Londres en avril 2023 en 2 h 01 min 25, alors le deuxième meilleur chrono de l’histoire. Sa trajectoire, folle, s’opposait à celle du plus grand coureur de l’histoire, Eliud Kipchoge, contre qui il n’aura jamais couru. Kipchoge, âgé de 39 ans, double champion olympique et désormais ancien recordman du monde, avait lui triomphé après une carrière construite par étape, d’abord sur la piste jusqu’à ses 27 ans. Il vise un troisième titre olympique à Paris cet été.
Kelvin Kiptum s’entraînait près de son village d’origine, Chepkorio (ouest), à une quarantaine de kilomètres d’Eldoret, haut lieu de la course à pied kényane. Il était guidé notamment par le Rwandais Gervais Hakizimana, résident français, coureur de niveau national qui avait rencontré Kiptum pendant ses séjours d’entraînement au Kenya, qui a lui aussi trouvé la mort dimanche dans l’accident de la route. Un troisième occupant, blessé, a été hospitalisé. La police kényane n’a pas indiqué son identité.
"Courir, manger, dormir"
“Quand on faisait des séances de côtes dans la forêt près de chez lui, il était petit mais nous suivait, pieds nus, après avoir gardé les chèvres et les moutons. C’était en 2013, il n’avait pas encore vraiment commencé la course à pied”, racontait Gervais Hakizimana à l’AFP en octobre. Kiptum avait commencé à courir régulièrement en 2016. En 2019, il avait réussi deux semi-marathons très rapides en deux semaines (60:48 à Copenhague puis 59:53 à Belfort, France), lorsque Gervais Hakizimana lui avait proposé de le coacher pour le marathon, leur collaboration décollant pendant la pandémie de Covid-19 en 2020.
Forçat de l’entraînement, Kiptum courait régulièrement plus de 250 kilomètres par semaine, et parfois plus de 300, des chiffres rares même au très haut niveau, assurait son entraîneur, qui échangeait avec son coureur en swahili et en anglais. “A Chepkorio on habite ensemble. Il me loue une chambre. C’est tout prêt de chez lui mais il vaut mieux qu’il ne rentre pas, il faut qu’il se concentre, il y a la famille, des enfants… Il faut se fermer. Il ne fait que courir, manger, dormir”, ajoutait le coach, à propos de son athlète, entièrement dédié à sa quête. “Kelvin est un garçon qui aime communiquer, qui écoute beaucoup”, appréciait M. Hakizimana. Le Rwandais avait posé, plein d’admiration, avec son athlète, pancarte “record du monde” en main à Chicago en octobre dernier.