C’est un procès que le tribunal de Montbéliard n’a jamais connu depuis des décennies, annonce Paul-Édouard Lallois, procureur de la République de Montbéliard, en présence de son substitut, Frédéric Muyle. Du 7 au 18 juillet, quatorze membres d’un « clan » familial, selon les mots du procureur, vont comparaître pour proxénétisme aggravé, trafic de stupéfiants, association de malfaiteurs et détention d’armes. Il s’agit d’un des « clans » les plus importants de Montbéliard. Actuellement, neuf d’entre eux sont en détention, cinq sous contrôle judiciaire. Tous encourent au moins dix ans de prison, voire vingt pour récidive.
Face à l’ampleur de l’affaire, le procès est labellisé « de sécurité à enjeu majeur ». Deux salles d’audience seront ouvertes, l’une retransmettant les débats en direct pour le public ; près de 10 000 euros ont été investis pour cette installation, à l’occasion du procès. Un dispositif policier renforcé est prévu, avec une trentaine d’agents mobilisés pour l’extraction des détenus. La configuration des lieux a été adaptée : trois quarts de la salle principale seront occupés par les professionnels. Le public, lui, sera limité à 90 personnes.
10 000 pages d’instruction
Les chefs d’accusation reposent sur une enquête fleuve. Plus de 9 100 pages de procédures et 10 000 pages d’analyse des personnalités des prévenus ont été compilées. L’affaire commence en 2022, quand une enquête ouvre pour proxénétisme. Très vite, les investigations révèlent un réseau structuré opérant dans le quartier de la Petite-Hollande.
Le clan, essentiellement composé de membres d’une même famille, se faisait appeler le “clan Pigalle”, un clin d’œil explicite à ses activités. Au moins trois jeunes filles mineures, âgées de 15 à 18 ans, ont été formellement identifiées. En réalité, entre 7 et 10 mineures auraient été exploitées. Toutes présentaient des profils précaires : placées, issues de familles démissionnaires, en rupture sociale.
Les jeunes filles étaient présentes sur Snapchat ou la plateforme désormais fermée Coco. Elles se déclaraient comme indépendantes et majeures. Les clients prenaient rendez-vous dans des voitures, des appartements ou des Airbnb. Le mode opératoire était bien rodé. Les filles partageaient moitié-moitié les revenus avec leurs proxénètes. Aucune ne s’est portée partie civile. Selon le procureur Paul-Édouard Lallois, elles étaient « en errance, cherchant à survivre en vivant au crochet de ces hommes-là ».
Drogue, séquestration et train de vie luxueux
En suivant la piste du proxénétisme, les enquêteurs découvrent que les mêmes individus sont aussi impliqués dans un trafic de drogue à grande échelle. Cannabis, cocaïne, ecstasy, héroïne… Dès le premier semestre 2023, une enquête est ouverte pour stupéfiants.
Le point de bascule ? Deux membres du clan sont séquestrés, après avoir volé plus d’une demi-tonne de résine de cannabis à un clan concurrent. Des armes à feu sont saisies durant l’enquête.
Ce qui frappe aussi les enquêteurs, c’est le train de vie des mis en cause. Officiellement, presque tous sont bénéficiaires du RSA ou inscrits à France Travail. Dans les faits, ils s’offrent des villas pour 20 personnes sur la Côte d’Azur, des séjours à Nice ou Cannes, en Italie, et louent des Lamborghini pour 5 000 € le week-end, le tout payé en espèces.
« Ils ont brassé énormément de cash », commente le procureur. À l’issue du procès, un volet CAF et France Travail pourrait s’ouvrir pour fraude aux prestations sociales et remboursement du trop-perçu.
Les principaux mis en cause ont gardé le silence ou nié les faits durant toute l’instruction. Le procès devra faire la lumière sur les responsabilités de chacun. Tout cela, avec une « armée de 18 avocats ». Le parquet s’attend à une forte présence des proches du « clan », venus les soutenir. Pour éviter tout incident, un dispositif de sécurité spécifique a été mis en place, bien que « sans crainte particulière de débordement », selon Paul-Édouard Lallois.