L’air est encore frais ce jeudi 6 avril à Belfort. Les manifestants, encore peu nombreux, arrivent tranquillement devant la Maison du peuple à Belfort, comme à leur habitude. Ils s’apprêtent à fouler le pavé pour la onzième journée de manifestation organisée contre la réforme des retraites. Les visages sont devenus familiers. Tout le monde se salue. L’intersyndicale est là, les lycéens, les Rosies, désormais incontournables. La musique pulse en attendant les retardataires. Dans la foule, les discussions vont bon train. Ils sont nombreux à discuter d’une possible invalidation du Conseil constitutionnel au sujet de la réforme. Certains haussent les épaules. « Nous ? Fatigué de manifester ? On a juste fait la fête hier soir », taquine un membre du syndicat Force ouvrière,le visage cerné. La bonne ambiance est toujours là, la même atmosphère bon enfant depuis plusieurs mois désormais. Mais ils sont plusieurs à l’affirmer : « Il faut que l’on durcisse le ton.»
Un cercle se forme. Au centre de la place, plusieurs manifestants sont à genoux, les mains derrière la tête, pour dénoncer les violences policières dans les manifestations les dernières semaines. Quelques minutes plus tard, deux cortèges s’élancent et se scindent pour se retrouver à la gare. La police estime à 2 100 le nombre de participants. L’intersyndicale, elle, estime à 4 000. Devant la gare, les cheminots remercient les manifestants de ne pas lâcher, malgré le vote gouvernemental en faveur de la réforme des retraites. Ils appellent : « Ne lâchons rien ! On doit y croire encore et durcir s’il le faut. Mais nous devons à tout prix poursuivre la mobilisation.»
Un cortège scindé
Une partie des manifestants, un peu en marge, souffle. « Pas question de s’arrêter là », peste l’un d’eux. Alors que le cortège réuni se dirige vers la place Carnot, l’Atria, puis vers la permanence de Cédric Perrin, sénateur Les Républicains du Territoire de Belfort, où doit se terminer la manifestation, environ 200 à 300 personnes en décident autrement. Ils s’engouffrent rue Georges-Koechlin. «Nous ne sommes pas des moutons ! Venez.» Ils scandent, poings levés : « Résistance ! »
Direction le faubourg de Montbéliard, jusqu’au niveau du Burger King, rue de Besançon. L’idée est de se diriger vers l’autoroute, « mais surtout de montrer que la rue est à nous », scandent les manifestants. 300 mètres plus loin, les forces de l’ordre sont déployés pour empêcher l’accès. Il est 11h45 et manifestants et forces de l’ordre se toisent, face à face, plusieurs minutes. « On a faim ! La vie est trop chère », tempêtent les contestataires de la réforme . Les manifestants avancent de quelques mètres et les premières grenades lacrymogènes sont envoyées.
Très vite, le cortège change de stratégie, direction les ronds-points de l’avenue de Gaulle et le Leclerc. Ils s’amusent, évitent l’affrontement dans un jeu de chat et de la souris. Certains veulent remonter l’avenue d’Altkirch pour aller jusqu’à l’autoroute, mais un cordon formé par les forces de l’ordre patiente quelques centaines de mètres plus haut. Ils rebroussent chemin.
« L’intersyndicale ne fait pas assez fort. Il faut étendre les manifestations, bloquer. Là, ce qu’ils font ne sert plus à rien. C’est beaucoup trop amical », explique en marge une manifestante. C’est la troisième fois qu’elle quitte le cortège principal pour tenter de bloquer Belfort et « de montrer vraiment son mécontentement.» À mesure que le groupe se redirige vers la permanence de Cédric Perrin, vers 13h, l’on constate de nombreuses inscriptions à la craie sur le sol : « Non, c’est non », est-il inscrit faubourg des Ancêtres. Le cortège principal est déjà reparti et doit décider rapidement des prochaines actions à venir. Quant à Montbéliard, la mobilisation s’est maintenue : 2 500 personnes étaient présentes selon les syndicats, 200 de moins selon les forces de l’ordre.