Dans les pages du Figaro, dimanche 22 janvier, Marie-Noëlle Biguinet, maire Les Républicains (LR) de Montbéliard, s’étend longuement sur la situation de sa ville. Elle y dépeint l’insécurité qui y règne, selon elle, et qui la plonge dans une lutte où elle se sent « désarmée ».
« La délinquance gangrène ces immenses tours de béton », écrit Le Figaro qui dépeint une municipalité face « à une bataille du quotidien », qui se retrouve à faire « le boulot de l’État ». Rodéos urbains, trafics de drogue, excès de vitesse et hausse des infractions et délits: les faits d’insécurité sont dénoncés par la maire tout au long de l’article. Elle relate, aussi, des faits datant du 1er juillet dernier, où une soixantaine de jeunes a foncé vers la cité judiciaire pour brûler le bâtiment. Elle décrit une scène où les policiers municipaux sont dépêchés, se prennent « des jets de pierres » et « réussissent à éviter l’incendie ».
Dans un entretien totalement dévoué à sa cause, un reproche ressort constamment : la municipalité fait, selon la maire, le travail de l’État et de la police nationale. « Ses équipes prêtent de plus en plus main-forte à la police nationale qui manque de bras sur le territoire. Quitte à parfois endosser le rôle de leurs collègues », lit-on dans les colonnes du quotidien. Marie-Noëlle Biguinet va plus loin en évoquant aussi les points de deals : « On connaît […] parfaitement les points de deals », commente-t-elle. Le journal d’ajouter que « sa police municipale ne détient pas le pouvoir de l’enquête. » Nouveau tacle pour la police nationale.
Une conférence de presse de la police nationale
Par un heureux hasard, ce lundi 22 janvier, au lendemain de la parution de l’article, la police nationale a organisé une conférence de presse dans ses bureaux montbéliardais. L’occasion, pour la première fois à cette échelle, de parler des chiffres de la sécurité dans cette zone.
Yves Cellier, directeur interdépartemental de la police nationale, basé à Besançon, pose le contexte. La circonscription dont s’occupent les policiers nationaux compte neuf communes, dont Héricourt. Mais Montbéliard concentre un large pan de l’activité : 40 %. Dans l’ensemble, la circonscription rencontre un phénomène croisé entre une baisse de la délinquance, de l’ordre de 5,9% entre 2022 et 2023 à la même date, et une augmentation du taux d’élucidation des dossiers. Là où, en 2021, le taux d’élucidation des affaires était d’environ « une sur deux », aujourd’hui, ce sont deux tiers des affaires qui sont élucidées, indique le directeur
Les exemples s’enchaînent pour illustrer la baisse de la délinquance. La délinquance sur la voie publique pour des cas de violence, véhicule, cambriolage, « la plus marquante pour la population », est en baisse de 12,1 % à Montbéliard. En tout, ce type de délinquance représente 28 % de la délinquance générale. Alors qu’il y a une tendance nationale autour de 30 à 35 %. Et que des villes équivalentes à Montbéliard, comme en Seine-Saint-Denis, à Stains, « enregistrent des taux autour de 50% ».
L’autre baisse importante : celle des violences urbaines. « C’est l’une des signatures fortes depuis 2021. Bien sûr, on se rappelle tous de cet homme qui avait utilisé un engin de chantier pour détruire les caméras de sécurité, cela avait créé de la sidération. Mais dans l’ensemble, il y a une vraie baisse. » -36 % à Montbéliard, -35 % à la Petite-Hollande entre 2022 et 2023. À la Petite-Hollande encore, les cas recensés sont passés de 84 en 2021 à 45 en 2023.
À ce jour, une seule donnée est en forte hausse, comme dans le Territoire de Belfort : le nombre de violences intrafamiliales. « Les données sont terrifiantes », commente le directeur interdépartemental.
Démenti sur le 1er juillet
« Cette baisse montre qu’il y a un écosystème qui lutte contre la délinquance et que les efforts portent leurs fruits. » Pas de commentaires directs sur la maire de Montbéliard et ses propos, mais un discours qui veut démentir les faits rapportés dans le quotidien national.
Des points de deal à gogo à Montbéliard, comme le relate la maire ? « Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un seul point de deal répertorié à la Petite-Hollande », coupe le directeur interdépartemental. Il recense plusieurs opérations marquantes qui ont eu lieu cette année, dont les opérations “place nette” de démantèlement de drogue. « Nous sommes une des premières villes de France à l’avoir fait.» Démantèlement au Petit-Chênois d’un trafic de drogue, 878 munitions saisies sur une autre affaire, saisie de plusieurs dizaines de kilos de drogues en tous genres, démantèlement d’un réseau de vol de voitures…
« Effectivement, on peut dire qu’il n’y a pas de zone de non-droit », expose Yves Cellier, le sourire en coin, non sans faire écho aux propos de Marie-Noëlle Biguinet dans l’article. Et que l’État « intervient bien », notamment sur le dossier des violences urbaines au début de l’été 2022, au palais judiciaire, où la police nationale est mise en cause… « Ce sont bien les policiers nationaux qui ont empêché le feu. Le palais judiciaire doit son salut à la police nationale. La police municipale n’était pas sur les lieux. Nous avons été rejoints par huit militaires de la gendarmerie qui ont été pris sous une pluie de projectiles », recadre l’officier. Il expose d’ailleurs avoir fait plusieurs demandes de décorations pour actes de bravoure auprès du préfet du Doubs. Il en profite, aussi, pour saluer l’engagement au « quotidien des policiers, y compris de la police municipale ».
Les chiffres s’enchaînent. À la Petite-Hollande, on recense -16 % de délinquance sur la voie publique. Les cas de rodéos sont aussi de moins en moins recensés, même « s’il en reste et que c’est un point d’inquiétude pour les habitants ». Et « quatre personnes, seulement quatre, sont venues porter plainte pour des cas de violences crapuleuses (ayant pour but le vol ou la dépouille). Ce sont peut-être quatre de trop, mais tout de même », commente-t-il.
Le but de cette conférence, un poil chargée en termes de chiffres : rendre « à nos hommes ce qui est à eux, le fruit de leur travail ». Et faire part du travail mené depuis son arrivée, en 2021, sur la délinquance. Contrebalancer, donner le change, aussi.