Le socialiste Éric Lançon a annoncé sa candidature aux élections municipales de 2020, à Montbéliard. Depuis 2014, il est devenu l’opposant numéro un à Marie-Noëlle Biguinet. Son discours se veut tourner vers l’avenir.
Le socialiste Éric Lançon a annoncé sa candidature aux élections municipales de 2020, à Montbéliard. Depuis 2014, il est devenu l’opposant numéro un à Marie-Noëlle Biguinet. Son discours est tourné vers l’avenir. Un manque de vision qu’il reproche à l’actuelle majorité. Il se positionne sur la réflexion autour d’une commune nouvelle, sur la place de la ville centre dans l’agglomération, sur le rôle du Pôle métropolitain et sur les défis touristiques. Entretien.
Vous êtes candidat aux élections municipales de Montbéliard en 2020, sous l’étiquette du Parti socialiste…
Je suis au Parti socialiste, je ne vais pas m’en cacher, mais je vais conduire une liste ouverte, avec évidemment des personnalités ayant une sensibilité de gauche, humaniste, mais surtout avec des gens qui ont envie de s’investir pour que Montbéliard bouge et entre dans la modernité ; la Ville ne doit pas se couper des grands enjeux nationaux et régionaux.
Profil
- 60 ans
- Professeur d’éducation physique et sportive, agrégé
- Responsable du site de l’établissement supérieur du professorat et de l’éducation (Espe), à Belfort
- Conseiller municipal d’opposition à Montbéliard
- Conseiller communautaire
- Vice-président de la Région Bourgogne-Franche-Comté.
Vous êtes devenu la figure de l’opposition à Marie-Noëlle Biguinet. Pourquoi doit-on contredire sa politique ?
Nous devons la contredire, mais ce n’est pas suffisant ; nous devons mettre en place un projet suffisamment crédible et réaliste pour répondre à des grands enjeux, ne serait-ce que sur l’écologie (Éric Lançon précise à cet égard que citer ce sujet en premier n’a rien à voir avec une quelconque hiérarchie des thématiques, NDLR). Madame Biguinet aurait pu faire des choses très simples ; Montbéliard va, par exemple, avoir encore plus chaud devant le parvis de la gare. Il faut aussi répondre aux enjeux économiques, d’attractivité et de maîtrise du foncier. La Ville n’a, par exemple, aucune cellule commerciale. Cela permet pourtant d’accueillir des commerces, de les encourager et donc de réguler le marché. Je trouve que le privé est trop important dans la ville. Le quartier de l’hôpital est totalement laissé au privé. Madame Biguinet aurait dû investir là-bas pour justement réguler le marché et mettre en œuvre un projet. Nous voyons actuellement des kinésithérapeutes s’y installer. Ils ont quitté le centre-ville. On y voit des associations, qui ont quitté la Petite-Hollande. Elles achètent dans ce quartier car les conditions offertes par le privé sont intéressantes. Mais cela produit obligatoirement une dérégulation d’une ville qui doit se développer de manière harmonieuse.
Marie-Noëlle Biguinet reproche à ses prédécesseurs une mauvaise gestion des finances et de mauvais projets, comme le parking des Blancheries. On parle de verrues. On risque de vous attaquer sur l’héritage de Jacques Hélias…
Je ne vais pas me départir du fait que tout était mieux sous Jacques Hélias. On a commis – j’étais dans l’équipe même si je n’ai jamais été adjoint – des erreurs. Nous les avons payées car nous n’avons eu que 28 % des suffrages lors des municipales (La liste a recueilli 24,4 % des suffrages exprimés au 1er tour et 27,7 % au second tour, NDLR) ; nous n’avons pas réussi à convaincre la population. Concernant cette fameuse verrue, l’année dernière, elle a rapporté 400 000 euros à la Ville. Ce parking, avec le développement du conservatoire, va bientôt être suffisamment dimensionné. Au centre-ville, l’installation de la Biocoop, de l’hôtel Ibis et des Bains-Douches ont permis d’amener au moins 30 emplois, qui répondent à un besoin et ont créé une chaine d’économies. Traditionnellement, dans l’opposition, vous mettez en avant ce qui n’a pas marché et puis vous taisez les réalisations. De mon côté, l’école de madame Biguinet, je n’ai jamais été contre. Je ne vais pas rentrer dans une critique systématique. Ma principale critique concerne la place du privé et la seconde est le manque de vision à long terme. Prenons l’exemple du transport à haut niveau de service (evolitY, NDLR). Comme il a été redimensionné, il n’apporte rien de plus à la ville centre.
L’enchevêtrement du pays de Montbéliard est compliqué. On perçoit beaucoup de concurrence entre les communes. Quelle vision avez-vous de Montbéliard au sein de l’agglomération ?
Il faut déjà qu’elle prenne plus d’importance. Il faut réfléchir à l’association avec d’autres communes. Il y en a qui sont très proches. Dans certaines rues, d’un côté c’est Montbéliard, de l’autre c’est Sainte-Suzanne. La population montbéliardaise, c’est 17 % de la population de l’agglomération (18 %, en prenant les chiffres Insee de la population légale, au 1er janvier 2019, avec plus de 25 000 habitants à Montbéliard sur près de 140 000 dans l’agglo, NDLR). C’est exceptionnel en France. Il faut aussi que le président de l’agglomération et le maire de Montbéliard soient en phase. Montbéliard a souffert de ces affrontements, que ce soit sur le conservatoire ou sur la clinique privée. La Ville a payé de manière éhontée des financements que l’agglomération aurait dû porter, pour des guerres intestines. On pénalise la ville centre, alors qu’elle doit rayonner.
Marie-Noëlle Biguinet s’érige contre ces rapprochements entre communes, invoquant la fiscalité…
Parce que l’entrée de madame Biguinet est exclusivement financière. C’est un élément à prendre en compte, mais on ne peut pas résonner uniquement sur du financier. Aucune étude sérieuse n’a été faite pour savoir si d’autres communes venant, on allait alourdir les impôts locaux ou pas. Ce ne sont que des arguments péremptoires. La vision, c’est de dire : pour que Montbéliard soit plus importante, il faut que l’on réfléchisse pour que tout le monde soit gagnant ou que personne ne perde.
Une autre formation politique a le vent en poupe, La République en marche(1). Il y aura sûrement un candidat en 2020. Comment se positionne un mouvement de gauche, pluriel, vis-à-vis de cette recomposition ?
D’un point de vue très pragmatique, je suis depuis une dizaine d’années dans la vie politique montbéliardaise, dans la majorité ou dans l’opposition. Il me semblait plus que légitime de me présenter et de mettre en place un projet et une équipe. J’imagine qu’il y aura un candidat LREM, un parti qui préempte cette étiquette de nouveau monde. Mais je reste persuadé que cela devient un parti comme un autre et que la modernité et la prise en compte de la vie d’aujourd’hui n’appartiennent pas qu’à la République en marche. Notre équipe peut être porteuse d’un projet aussi ambitieux
Montbéliard a plusieurs joyaux : son château, ses musées, son marché de Noël… Pourtant, on ne perçoit pas une vraie attractivité touristique…
Historiquement, la Ville de Montbéliard n’a jamais considéré que le tourisme pouvait être un facteur d’attractivité. Madame Biguinet a le projet de refaire le port : deux pontons et des douches. Je dis que c’est bien, mais il faut réfléchir à un projet plus global. Il y a 70 000 cyclistes qui passent sur l’Eurovélo 6 chaque année. Quand ils arrivent à Montbéliard, ils demandent des campings. Entre Mulhouse et Besançon, Montbéliard est la seule ville. Quand quelqu’un s’arrête, c’est un panier moyen de 70 euros. Il faut donc un camping, sinon les cyclistes doivent aller à Mandeure ou à Belfort. Ensuite, il faut développer une halte pour les camping-cars, quelque chose de sérieux, et développer un accès bien identifié entre le port – le lieu de convergence – et le centre-ville. C’est un tourisme de passage. Les voyageurs veulent des services suffisants pour se restaurer, dormir et reprendre leur chemin le lendemain. Même chose pour les bateaux. La Région va par exemple aider, dans le cadre du contrat métropolitain, Mandeure. En face, il faut que la Ville et l’agglomération se mettent d’accord. Au niveau régional, le tourisme, c’est 7 % de PIB, avec des emplois non délocalisables. On va revenir à du tourisme local. Il faut pouvoir accueillir et séduire. C’est maintenant que cela se prépare.
Quel vision avez-vous du nord Franche-Comté ?
À plus ou moins long terme, il faut que le Pôle métropolitain se mette plus en avant. Pour l’instant, nous sommes toujours sur l’affrontement Belfort-Montbéliard, avec Héricourt en arbitre. Chacun essaie de tirer la couverture à lui. Pourtant, à l’extérieur, ce territoire c’est une entité en elle-même, identifiée comme une région industrielle où les problématiques sont similaires. Il n’y a pas encore une identité suffisamment aboutie pour avoir des projets communs. On a peur que la scène nationale, ce soit Montbéliard qui la prenne. Que l’hôpital, ça soit Belfort qui le prenne… Tant que nous serons sur un déséquilibre comme celui-là, ce sera très difficile de le surmonter.
Peut-on rééquilibrer la balance ?
En passant, déjà, par la voie administrative. Aujourd’hui, il n’y a pas de réelle identité administrative, sur la répartition des impôts par exemple. C’est seulement l’agrégat de cinq communautés de communes.
Le tourisme pourrait-il être pensé à l’échelle de ce territoire ?
Qu’il y ait un seul office de tourisme, ce serait plutôt logique.
- (1) La République en Marche a recueilli 21,31 % des suffrages exprimés à l’occasion des élections européennes du 26 mai 2019. Elle enregistre 1 250 voix, contre 1 292 pour le Rassemblement national.