« Dis-moi tes dangers, je te dirai ton armée.» Sous un soleil éclatant, Sébastien Lecornu, ministre des Armées, s’est rendu au premier régiment d’infanterie de Bourogne, dans le Territoire de Belfort. Il est venu, ce jeudi 20 avril, pour détailler la loi de programmation militaire 2024-2030. Plus exactement, pour lui donner une consistance au niveau local. Tout est millimétré. La cérémonie démarre par le son des cuivres, qui entonnent la mélodie de la Marseillaise. Très vite, le ministre des Armées prend la parole pour détailler ce plan qui porte l’ambition de rénover le modèle des armées. « Je suis venu pour vous parler de l’avenir du régiment », explique-t-il.
600 millions pour le successeur du lance roquette unitaire
« En regardant le passé, nous retenons que la seule boussole à avoir, c’est la réalité des menaces », pointe Sébastien Lecornu. Il faut prendre de l’avance. Ou ne pas prendre de retard, car les technologies changent vite. Les armements et moyens de défense doivent constamment être revus, alors que dans l’armée de terre, plusieurs menaces ont fait irruption au fil des années : cyber, guerre électronique, information. Au niveau local, le lance roquette unitaire (LRU), dont dispose le 1er RA (il est d’ailleurs le seul en France ; lire notre article), est un outil primordial dans la « défense du territoire ». Ils servent notamment en ce moment en Ukraine, et en Roumanie, pour la mission Aigle.
« Pour autant, nous devons déjà préparer la nouvelle génération des LRU », explique le ministre des Armées. Pour cela, il annonce un investissement massif : 600 millions d’euros. Équipements américains ou français, la décision n’est pas prise. « Nous aurons un choix important à faire pour notre avenir. Nous attendons les propositions des ingénieurs. Jusqu’à présent, nous n’avions pas de solution franco-française. Désormais, les propositions évoluent. Je me dois de les étudier.» Les échéances ne sont toutefois pas encore connues.
Plus d’hommes et des rénovations nécessaires
À Bourogne, 70 millions d’euros seront investis sur site sur les sept prochaines années. Une partie sera utilisée pour construire et rénover une vingtaine de logements. « Ça ne fera peut-être pas la une de vos journaux, mais c’est important. Il va y avoir une réfection complète de certains bâtiments, la construction d’une nouvelle chaudière, également.» Il complète, sourire en coin : « Vous savez, la caserne est une vieille dame.» Le chantier qui sera amorcé très prochainement sera le premier grand chantier de l’armée de terre, explique le ministre.
Dans la foulée, il a annoncé la livraison de cinq véhicules militaires, nommés Griffons, utiles notamment sur les cibles longue distance en phase de combat. Mais aussi l’arrivée de 80 artilleurs et réservistes sur site. Un nombre important et nécessaire, rappelle Cédric Perrin, sénateur du Territoire de Belfort et vice-président de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées au Sénat, « car en 2015, le 1er RA a été le dernier à perdre des batteries de militaires.»
Un plan famille pour mieux s’adapter au déplacement
Dernier point important de son intervention, le plan famille 2. 2,5 millions d’euros vont être débloqués dans le Territoire de Belfort pour mieux prendre en compte les mobilités des familles. Pour permettre aux familles de trouver des logements plus facilement, permettre la reconversion professionnelle des anciens et anciennes, permettre l’embauche de conjoints dans des structures… « On peut disposer facilement d’un militaire, mais les enjeux derrière sont nombreux : trouver une crèche, une école, un emploi pour le ou la conjointe, il nous faut mieux nous coordonner.»
Interrogé sur les trois annonces et présent lors de la visite qu’il avait d’ailleurs initié et réclamé au ministre des Armées, Cédric Perrin expose : « Les annonces sont intéressantes. C’est ce que je veux retenir. Mais cela n’empêchera pas des débats dans les mois à venir.» Il complète : « Ce que l’on nous annonce, c’est en fait 69 milliards d’euros par an. Il faut en prendre la mesure, ne pas êtrêe naïf. Il faut mettre en perspective que nos matériels ont vieilli. Que les grands programmes doivent être rénovés, et que cela n’a pas été fait depuis 30 ans.» Il compte bien pousser « plus loin les débats » et faire en sorte que les choses « se fassent rapidement.»
Un tour de France prévu pour « décloisonner le ministère des Armées »
Le ministre des Armées a prévu de faire une tournée nationale pour expliquer le plan aux différents régiments. « On se doit d’expliquer le plan. Sinon, on distend les liens.» Présent non-loin de la caserne, plusieurs manifestants s’étaient réunis contre la réforme des retraites. « Il est légitime que les syndicats organisent des choses. Les sommes peuvent paraître importantes pour certains. D’autres pensent au contraire que ce n’est pas assez. Mais ce qu’il faut retenir, c’est que les milliards engrangés ne sont pas le prix de la guerre, mais le prix de la paix.»