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Morvillars : l’opposition s’organise contre le projet de centrale d’enrobé

Centrale d'enrobé mobile d'Eurovia pour rénover l'autoroute A89, près de Mussidan (Dordogne)
La société Trabet prévoit d'installer son usine mobile d'enrobé sur la zone industrielle de Bourogne. | ©CC BY-SA 4.0
Analyse

Les habitants de Bourogne et de Morvillars s’opposent à l’implantation d’une usine mobile d’enrobé de la société Trabet, dans la zone industrielle que partagent les deux communes. L’usine doit occuper un terrain juste en face de VMC Rapala France. Nuisances, pollutions et risques d’accident motivent leur position.

Loéva Claverie

Au téléphone, l’inquiétude de Jean-Christophe Poinas, conseiller municipal de Morvillars, est perceptible. La société alsacienne Trabet, spécialisée dans la fabrication d’enrobé, est en train de s’installer sur la zone industrielle de Bourogne, en vue des travaux de rénovation de l’A36 pour le compte d’APRR. Bien que temporaire, cette installation suscite craintes et réticences parmi les habitants des communes limitrophes. Morvillars, Bourogne, Méziré et Allenjoie ne sont en effet situées qu’à quelques centaines de mètres de la zone.

Tous les documents du dossier donné par Trabet à la préfecture ont été mis à disposition des habitants et des élus dans le cadre d’une enquête publique, ouverte jusqu’au 16 juin. Documents dans lesquels les conseils municipaux de Morvillars et Bourogne ont trouvé suffisamment de raisons pour s’opposer au projet. À la fin de la consultation, le commissaire-enquêteur émet un avis, qui n’a qu’une valeur consultative. L’installation de l’usine mobile d’enrobé sera autorisée, in fine, par la préfecture, au travers d’un arrêté d’enregistrement.

« Un camion toutes les cinq minutes »

Pour le conseiller municipal Jean-Christophe Poinas, délégué au suivi des sites industriels à risques (ICPE/SEVESO), « il ne faut pas confondre réglementation conforme et absence de nuisances ». Selon lui, les nuisances seront inévitables pour le chantier de rénovation de 20 km d’autoroute, sur toutes les voies et dans les deux sens entre Bessoncourt et Voujeaucourt. « L’entreprise va tourner entre 15h et 5h du matin. On parle donc d’environ 120 camions par nuit, soit un camion toutes les cinq minutes », détaille Jean-Christophe Poinas. Baptiste Guardia, maire de Bourogne, se pose aussi la question de l’état des routes, pas forcément prévues pour supporter tous ces passages de camions, qui de surcroît seront remplis.

S’ajoutent à cela « des nuisances lumineuses et sonores », dont ces dernières, générées par des groupes électrogènes qui alimenteront l’usine en énergie, sont « prévues entre 60 et 80 décibels, ce qui correspond à un aspirateur qui fonctionne en permanence à quelques mètres de vous », précise le conseiller de Morvillars.

L’entreprise Trabet garantit que la réglementation est très stricte en la matière. « L’arrêté préfectoral impose et borne rigoureusement le niveau sonore maximal, écrit l’entreprise dans un mail adressé à la rédaction. Des mesures indépendantes sont exécutées les premiers jours d’exploitation, et transmises à la DREAL, l’ARS et aux communes voisines. En cas de dépassement, Trabet s’expose à des sanctions drastiques, voire l’arrêt complet et immédiat du site d’exploitation. »

Quant à l’éclairage, Trabet le justifie pour « sécuriser le plus possible les exploitants et salariés ». Elle garantit que « toutes les dispositions sont prises pour concentrer l’éclairage uniquement sur les zones d’exploitation de la centrale et la zone travaux/axe routier. Aucun spot ou éclairage n’expose les zones périphériques ».

Quel chantier pour Trabet ?

La société Trabet donne des précisions sur les modalités de son chantier d’usine modile d’enrobé :

  • L’opération est en deux phases, à la demande d’APRR, l’exploitant de l’A36 : 10 semaines en 2025 de mi-juin à mi-septembre (avec un arrêt de 15 jours en août). Ce sera la même période en 2026.
  • L’activité mobilisera près de 120 personnes, salarié(e)s et sous-traitant(e)s.
  • L’opération de Bourogne prévoit jusqu’à 60 allers-retours par jour.
  • Du lundi au vendredi, la production de la centrale sera effective du 18h à 4h du matin et la zone travaux, sur le tronçon routier, de 21h à 6h du matin. L’exploitation se réaliser sur ces horaires afin d’éviter toute congestion diurne. La densité du trafic rend impossible toute intervention de 6h à 8h30 et de 16h30 à 19h30, chaque jour.

Un condensé de pollutions

Mais ce que les élus et habitants redoutent surtout, ce sont les rejets atmosphériques qui sortiront des cheminées culminant à dix-sept mètres de haut. S’appuyant sur un article de Ici Occitanie écrit à l’occasion de l’installation d’usines d’enrobés près de Toulouse pour le projet de l’A69, les élus craignent particulièrement les rejets de hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Ces polluants organiques persistants, reconnus cancérigènes, se trouvent notamment dans le bitume servant à fabriquer l’enrobé. « On a beau nous garantir tous les filtres possibles et inimaginables, la pollution on l’aura malgré ça, assure Baptiste Guardia. Ça va redescendre tout autour. Les premiers champs agricoles sont à 200 mètres. L’entreprise a annoncé que les odeurs de goudron chaud et autres seront perceptibles vraiment autour de la centrale, mais il n’y a aucun périmètre défini. »

La période des travaux, à partir de juin, ne va pas aider les communes à supporter les nuisances olfactives et auditives, estime Jean-Christophe Poinas. « Ce sera en plein été, à une période où on ouvre les fenêtres pour aérer les locaux ou dormir au frais. Le collège et les deux écoles situées à proximité seront aussi impactés par ces nuisances, surtout pour les activités extérieures. »

Les deux élus s’alarment également des conséquences sur la faune et la flore, avec notamment la présence de sites classés Natura 2000, dont les plus proches sont à 200 mètres. Dans le dossier soumis à la préfecture, Trabet a considéré que les espèces animales « pourront aisément se reporter sur les milieux naturels adjacents, tout à fait comparables et non limitants pour l’alimentation de la faune ».

Le devant de l'espace dans la zone industrielle de Bourogne où l'entreprise Trabet doit s'implanter.
Le devant de l'espace dans la zone industrielle de Bourogne où l'entreprise Trabet doit s'implanter.

Un site qui concentre les risques

La zone industrielle de Bourogne, où Trabet a prévu de s’installer, abrite le seul site SEVESO du Territoire de Belfort, l’usine de traitement des déchets Sertrid, ainsi que deux autres installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Un argument d’opposition en plus pour les communes, qui craignent que la présence de Trabet n’ajoute du risque aux risques déjà présents. « Dix tonnes de GPL et neuf mètres cubes de GNR vont être stockés sur le site. Avec les deux départs de feu en douze mois dans l’usine Pietra, il y a un risque important de suraccident », met en garde Jean-Christophe Poinas. D’autant plus que, « la zone industrielle n’a jamais été aux normes », replace Baptiste Guardia. « Il manque une sortie. »

Pour l’édile de Bourogne, « le but est que l’usine de Trabet ne tourne pas ». « On a tellement entendu que l’usine était conforme que je n’y crois plus. Et les normes d’hier ne sont plus les mêmes aujourd’hui. »

De son côté, l’entreprise précise que « vingt sites ont été explorés préalablement entre Belfort et Montbéliard. Le site industriel de Bourogne répond à des critères très strictes ». Trabet justifie que le site accueille d’autres activités industrielles et explique son choix de lieu par la superficie qu’offre le terrain, 15 000 m2, « nécessaires à l’installation de la centrale mobile d’enrobage » et par « la proximité des zones d’approvisionnement en matériaux et de l’axe routier concerné, et surtout par l’éloignement le plus extrême des premières habitations », situées à 300 mètres. L’entreprise rappelle que la norme nationale n’impose une distance réglementaire que de 100 mètres.

L'opposition s'organise

« Pour ce type d’ouvrage, il est naturel que la population s’interroge », reconnaît Trabet. Elle invite ainsi la population à participer à la consultation publique pour « lever toutes les interrogations préalables et y répondre sereinement ». « Plus de contributions sont publiées, plus Trabet peut répondre aux préoccupations des résidents », ajoute-elle. 

Du côté de l’opposition, les élus des communes ont interpellé les parlementaires locaux pour obtenir du soutien. Ils appellent également les associations, les chambres agricoles et les exploitations qui vont être touchées à les rejoindre. Réunis à Bourogne lundi 2 juin, les habitants ont lancé le collectif Ecovigie 2, en référence au premier collectif Ecovigie, actif de 2002 à 2015 pour surveiller les pollutions potentielles de la société Sertrid. 

Les personnes présentes ont également préparé la suite de leur mobilisation. Une manifestation devant la zone industrielle est en cours de programmation et une autre réunion publique est prévue ce jeudi 5 juin à 20h, à la mairie de Morvillars. La société Trabet a annoncé qu’elle ne pourrait pas y être présente. 

En revanche, il est possible qu’elle soit présente lors de la réunion suivante à la mi-juin, qui est en train de se prévoir. La Dreal (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) a déjà décliné l’invitation. La réponse de l’Agence régionale de santé (ARS) est encore attendue.

Cette centrale condamne-t-elle un projet éducatif et écologique ?

Jean-Christophe Poinas, conseiller municipal de Morvillars, révèle que la commune a comme projet d’aménager une aire terrestre éducative : une zone qui serait dédiée à la découverte de la biodiversité à proximité de l’école. Il craint cependant que l’installation de Trabet, même temporaire, ne vienne remettre en cause la crédibilité du projet. « Ce serait un projet novateur, en étant le premier dans le Territoire de Belfort. Mais est-ce que ce n’est pas contradictoire si on laisse s’installer une entreprise comme Trabet à quelques centaines de mètres ? » L’usine d’enrobé est située à un kilomètre, à vol d’oiseau, de l’école primaire de Morvillars. 

  • Article mis à jour ce mercredi midi avec les éléments de réponse de la société Trabet.

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