Le graphique présenté par la direction départementale des territoires du Territoire de Belfort est saisissant. Lorsque l’on observe le débit moyen annuel de la Savoureuse sur les dernières décennies, on voit bien qu’il se réduit considérablement. Globalement, les débits moyens enregistrés sur les dix à quinze derrières années sont les plus bas enregistrés, sauf exception, depuis 1965. Sur les cinq dernières années, quatre ont été des années sèches. La tendance à la sécheresse est « assez significative », souligne Raphaël Sodini, préfet du Territoire de Belfort. C’est l’un des effets du dérèglement climatique. Et le changement est brutal. Et la sécheresse devient « structurelle », observe-t-il.
Ce mois de février 2023 est, qui plus est, particulièrement sec. Anormalement sec. Et le débit de la Savoureuse s’en ressent. Il est plus faible qu’en 2022. Si la situation est inquiétante, elle n’est pas non plus catastrophique. Malgré cette inflection forte du débit de la Savoureuse, « nous sommes loin du niveau de vigilance », nuance le préfet. Les prévisions météorologiques annoncent, qui plus est, des précipitations, qui doivent permettre de compenser la situation. Le bassin de l’Allan (Territoire de Belfort, est de la Haute-Saône et pays de Montbéliard) est en tête de bassin. De fait, il est très sensible à la variation de la situation et notamment de la pluviométrie relève Benoît Fabbri, directeur départemental des territoires.
Surtout que le début de la période de recharge des nappes, de septembre à décembre, a été plutôt conforme à la normale. On devrait retrouver une situation comparable à celle de 2022, avec des nappes déficitaires de 20 à 40 % ; aucune restriction à l’usage de l’eau n’est envisagé dans les prochaines semaines, alors que c’est déjà le cas ailleurs en France. Pars contre, le « faible manteau neigeux », complète Simon Bellec, responsable de l’unité santé environnement de l’agence régionale de santé (ARS) Nord Franche-Comté, n’apportera pas une ressource supplémentaire au printemps avec le retour du printemps.
En termes d’humidité des sols, autre indice important pour déterminer la sécheresse, le constat est similaire. Délicat, mais catastrophique. Et à l’échelle du pays, la situation est réellement meilleure ici. L’indice d’humidité des sols est compris entre 70 et 100 % selon les zones du département indique la préfecture. La situation est comparable à celle de 2022. Même situation qu’en mars 2022.
Quelques gestes pour réduire sa consommation de 30%
Cette situation délicate qui s’installe impose de s’adapter. De prévoir. Surtout que ce territoire de 300 000 habitants est particulièrement dépendant d’un point de captage : celui de Mathay, sur le Doubs. Pendant six mois, il assure même l’alimentation en eau potable de 220 000 habitants indique l’ARS. Et ce point de captage est « superficiel », rappelle Benoît Fabbri, et non pas dans une nappe phréatique. Il est donc plus vulnérable vis-à-vis des accidents, d’une pollution par exemple. Si une pollution du Doubs était constatée l’été, quand le territoire est le plus dépendant de Mathay, et la situation serait particulièrement difficile.
Une étude a donc été lancée à l’échelle du nord Franche-Comté, portée par le pôle métropolitain, pour réfléchir aux investissement nécessaires à la sécurisation de la ressource en eau, à l’horizon 2050, sur ce territoire. Cet été, le prestataire sera déterminé pour porter les études. Elle visera à repérer les interconnexions possible entre les territoires et à lancer des prospections pour trouver de nouvelles ressources, comme des forages à plusieurs centaines de mètres de profondeur.
Pour mieux gérer la situation, tous les gestionnaires de l’eau de ce territoire ont dû définir un plan de gestion de crise pour définir les modalités d’actions en fonction des situations. Ce sont des réflexes à adopter alors que le dérèglement climatique implique une multiplication des crises souligne la préfecture. L’arrêté qui encadre les mesures liées à la sécheresse sera également commun à l’ensemble du bassin de l’Allan, qui rayonne sur le Doubs, le Territoire de Belfort et la Haute-Saône, pour avoir une meilleure cohérence. Sur les restrictions aux usages de l’eau, les services de l’État seront attentifs au fait que les collectivités et les particuliers qui récupèrent l’eau de pluie puissent l’utiliser pour les potagers, les massifs fleuris et espaces verts . « C’est vertueux », valide le préfet, qui souligne que des remarques avaient été formulées contre cette impossibilité l’été dernier. Côté administratif, le schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (Sage) pourrait mener à la création d’un établissement d’aménagement et de gestion de l’eau (Epage), qui permettrait une meilleure coordination des acteurs, sous la conduite de l’État.
La situation n’est pas catastrophique. Mais elle indique surtout que « l’eau potable est une ressource rare », souligne Simon Bellec. L’idée d’une eau qui coule à flot au robinet est terminée. Il faut prendre soin de cette ressource et adapter nos comportements. Avec quelques gestes, on peut réduire notre consommation de 30 %. « N’attendons pas une crise pour agir », invite la préfecture.