La sécheresse estivale et les déficits pluviométriques fragilisent les capacités d’alimentation en eau potable. Les crises se multiplient. Les restrictions s’intensifient. La situation est grave. Alors que des investissements sont menés, notamment pour construire de nouveaux forages, une réflexion s’engage à l’échelle de neuf collectivités du nord Franche-Comté pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable.
La sécheresse estivale et les déficits pluviométriques fragilisent les capacités d’alimentation en eau potable. Les crises se multiplient. Les restrictions s’intensifient. La situation est grave. Alors que des investissements sont menés, notamment pour construire de nouveaux forages, une réflexion s’engage à l’échelle de neuf collectivités du nord Franche-Comté pour sécuriser l’approvisionnement en eau potable.
La scène est saisissante. À un jet de pierre de la zone de captage en eau potable de Sermamagny, le lit de la Savoureuse est totalement à sec. Aucune marre ne subsiste. Même si les derniers jours la pluie est tombée, « la situation reste sérieuse », observe le préfet du Territoire de Belfort, Raphaël Sodini, en visite de la zone de captage. Dans une des trois nourrices du puits Schneider – une infrastructure en pierres antérieure à 1870 cachée sous un monticule de terre – on voit bien le déficit d’eau. On voit le fonds de cet espace de stockage et le niveau de l’eau n’est pas très haut. Les sécheresses sont plus fréquentes. Et le phénomène « s’accélère et s’accentue », valide le préfet.
Le niveau crise de la sécheresse est activé depuis début août dans le Territoire de Belfort, mais aussi dans le Doubs et en Haute-Saône. Et depuis 2015, les alertes sécheresse sont déclenchées tous les étés, avec une accentuation des niveaux d’alerte. 2022 est le 2e été le plus chaud depuis 1959 (après 2003), d’après Météo France ; avant il n’y avait pas ces mesures. Selon la préfecture, « le déficit pluviométrique agrégé est équivalent à 2 mois et demi de précipitation ». Et l’indice d’humidité des sols est extrêmement faible.
30 % des besoins du Grand Belfort sont achetés
La zone de captage de Sermamagny, qui s’étend sur 80 ha, assure 70 % en eau de la population du Grand Belfort (64% en 2018), fournissant 4,3 millions de m3 d’eau sur les 6,2 millions de m3 nécessaires par an ; en 2018, le Grand Belfort enregistrait un besoin de 6,4 millions de m3. Le tiers des besoins restants est acheté, dont 1,4 m3 (sur 1,9 m3 d’achat) à l’usine de Mathay, qui prélève dans le Doubs, construite en 1955. Actuellement le Grand Belfort achète quotidiennement 8 500 m3 à l’usine de Mathay. Le Grand Belfort est autonome en eau pendant six mois, d’octobre à mars.
Ces dernières années, le Grand Belfort a investi sur la qualité du réseau, limitant les fuites en passant d’un rendement de 64 à près de 85 % des canalisations, permettant d’économiser quotidiennement 3 à 4000 m3 par jour. Un système de 700 détecteurs de fuites est installé le long des 719 km du réseau d’eau et les compteurs intelligents installés dans les bâtiments permettent de repérer chez les particuliers toutes anomalies. Et les données sont collectées lors du passage des camions de ramassage des ordures ménagères. Les équipes du Grand Belfort confirme une légère tendance baissière de la consommation en eau, ces dernières années, d’une poignée de pourcents.
Le Grand Belfort réfléchit à une campagne pour encourager la récupération des eaux de pluies, mais aussi pour distribuer des kits hydro-économes. Quelques travaux sont envisagés à Sermamagny pour « optimiser les prélèvements », relève aussi Damien Meslot. Encourager la récupération est une excellente idée, mais elle n’est pas sans conséquence pour la collectivité. Récupérer permet de moins consommer d’eau. Mais si on consomme moins, le Grand Belfort perd de la ressource et donc de la capacité d’investissement, nécessaire pour faire des économies. L’équilibre est complexe.
Une étude stratégique à l’échelle d’un grand nord Franche-Comté
Compte tenu de la situation, les restrictions sont maintenues. Et la règle, « c’est l’interdiction », confirme le préfet. On estime que les mesures d’économie de l’eau permettent d’économiser de 15 à 20 % du volume d’eau prélevé ; les mesures sont d’autant mieux appliquées que l’écho est national. Les restrictions visent à éviter les ruptures en eau potable, qui seraient une catastrophe en termes sanitaires et de maintenance des équipements, qui pourraient cédés lors de la remise en eau.
Des études sont en cours pour diversifier les ressources en eau du Grand Belfort. Des forages sont envisagés à Morvillars, prélevant à plus centaine de mètres. Sur ce dossier, Damien Meslot, président Les Républicains du Grand Belfort, demande de l’aide à l’État pour « accélérer les choses » et « préparer l’avenir ». Et le préfet de rappeler les trois dynamiques de cette crise. La première, c’est de faire face à la situation immédiate. Ensuite, il faut penser à l’approvisionnement en eau de demain. « C’est la résilience », glisse-t-il. C’est l’objectif des futurs forages pour lesquels il reste un an d’étude. Enfin, « il faut raisonner à l’échelle de l’aire urbaine », convient le préfet, par ailleurs coordonnateur du schéma d’aménagement et de gestion (SAGE) du bassin de l’Allan. Il pilote les démarches de sécurisation de l’approvisionnement en eau potable.
Le territoire du nord Franche-Comté « souffre de fragilités quantitatives et qualitatives croissante en matière d’approvisionnement en eau destiné à la consommation humaine », valide la préfecture dans un dossier de presse. On parle même de « vulnérabilité ». En 2023, une étude stratégique de sécurisation en eau à l’échelle du nord Franche-Comté sera lancée. Sa vision : 2050. Elle est pilotée par le pôle métropolitain. Mais elle dépasse son périmètre, en intégrant 9 communautés de communes : celles du pôle métropolitain (Grand Belfort, Pays de Montbéliard Agglomération ; Vosges du Sud, Sud Territoire ; et Pays d’Héricourt), mais aussi celle de Rahin et Chérimont (Ronchamp et Champagney), la communauté de communes des Deux Vallées vertes (L’Isle-sur-le-Doubs), communauté de communes du pays de Sancey-Belleherbe, et la communauté de communes du pays de Maîche. « Il s’agit d’une étude innovante, sans exemple connu à ce jour », soulève la préfecture. Cette étude a été approuvée par les élus du pôle métropolitain, le 12 juillet. Le coût de l’étude préalable est estimé à 50 000 euros, selon la délibération du pole métropolitain, financée par la Banque des Territoires. Les services de l’État identifient également « les solutions techniques mobilisables en urgence dans l’hypothèse où la sécheresse actuelle perdure à l’automne, voire en hiver, conduisant à une situation de crise aggravée ».
On regarde notamment les interfaces techniques entre les collectivités. L’enjeu ? Garantir de l’eau à 350 000 habitants.