AFP par Damien Stroka
Ciel clair, mercure frôlant le zéro mais un paysage d’herbe et de sapins où l’on cherche désespérément du blanc : en cette matinée de la fin février, en pleines vacances scolaires, point de neige dans cette station de moyenne montagne (ses 40 km de pistes s’étirent de 900 à 1.400 mètres) du Haut-Doubs, à un jet de pierre de la Suisse. Les derniers flocons remontent à la mi-février. Au bas de la station, les reliquats de neige ont été savamment conservés pour former une piste bordée de verdure sur laquelle s’essaient des enfants et des adolescents débutants. “On jongle avec les aléas météo (…) tout en maintenant du ski jusqu’à maintenant”, explique le directeur Sylvain Philippe. Une situation tout sauf inédite pour la plus grande station du massif qui, comme toutes ses homologues de moyenne montagne, Vosges ou Massif Central, subit de plein fouet le réchauffement climatique.
"Deuil" et "renoncement"
Dans un récent rapport, la Cour des comptes a épinglé le modèle économique global du ski français, peu préparé à affronter le défi climatique. Un document fraîchement accueilli par beaucoup de stations mais qui délivre un satisfecit à Métabief pour sa démarche “assez avancée” sur la transition. Une prise de conscience qui remonte à 2016, lorsqu’un investissement de 24 millions d’euros du conseil départemental, destiné notamment à la restructuration des remontées mécaniques, apparaît, à la lumière des dernières données climatologiques, impossible à amortir, explique Philippe Alpy, président du Syndicat mixte du Mont d’Or (SMMO), qui gère Métabief.
L’élu se souvient d’une réunion la même année à Mouthe (Doubs), l’un des villages les plus froids de France : un météorologue avait expliqué aux élus locaux “qu’en 2050”, leur territoire serait “à la latitude de Montpellier…” Une étude “ClimSnow” estime quant à elle la viabilité du ski alpin à Métabief en 2050 “à zéro”. En 2020, le SMMO acte la fin du ski alpin à l’horizon 2030-2035. Une onde de choc dans un territoire biberonné depuis des décennies à la neige et au ski : en haute saison, Métabief emploie environ 130 personnes, sans compter les activités annexes (restauration, logement…)
“Il a fallu préparer un terrain au renoncement” et au “deuil”, résume M. Alpy. Les investissements sont alors réduits au strict nécessaire, la station opte pour des solutions alternatives d’entretien des remontées mécaniques. En parallèle, Métabief, qui entend poursuivre l’activité ski tant qu’elle sera possible, s’oriente vers le “quatre saisons” et réalise des investissements ciblés pour des activités à l’année, comme une luge sur rail. “Chaque investissement, chaque orientation est pesée”, insiste Sylvain Philippe.
"Master Plan"
Cheffe de projet “Transition touristique” pour le Haut-Doubs, Claire Leboisselier met depuis deux ans en musique la réflexion autour de la mue de Métabief en aidant les acteurs locaux – élus, privés, associatifs… – “à coopérer” et “à imaginer quelles pourraient être les solutions de demain sur ce territoire” pour “y maintenir le tourisme”, économiquement vital pour le Haut-Doubs, une fois que le ski sera fini. L’objectif, c’est de transformer une station de ski en “station de montagne”, prolonge M. Alpy. Métabief a longtemps “fait le territoire”, désormais “c’est le territoire qui doit faire la station”.
Une réflexion au long cours qui va déboucher au premier semestre 2024 sur un “Master Plan” proposant des solutions et des orientations pour les années à venir : “des activités qu’on va particulièrement appuyer, aider”, d’autres auxquelles il faudra renoncer, explique Mme Leboisselier.
Alors, Métabief, modèle pour les autres stations ? “Beaucoup de territoires nous sollicitent”, reconnaît Philippe Alpy. Pour autant, la station n’a pas “la prétention d’avoir une solution concrète, à la limite peut-être une méthode de co-construction, de dynamique de territoire”, estime Sylvain Philippe.
“On a été les premiers” à dire les choses “publiquement”, “on est un peu présentés comme pionniers”, analyse-t-il. Mais les solutions applicables à Métabief ne pourront “en aucun cas” être plaquées “à une autre station (…) Chaque territoire aura sa propre démarche à faire”.