Les nombreux baigneurs du Malsaucy ont déserté. Les activités nautiques ont cessé. Le 21 août, le couperet est tombé : la base nautique ne rouvrira pas avant l’année prochaine. Depuis le 29 juillet 2023, l’accès à l’étang du Malsaucy est interdit en raison de la prolifération de cyanobactéries ; des êtres vivants qui se nourrissent de phosphore et d’azote, des nutriments présents dans l’eau.
« La quantité de phosphore détermine beaucoup de choses dans la formation de cyanobactéries », explique Simon Bellec, responsable de l’unité santé environnement de l’agence régionale de santé (ARS) Nord Franche-Comté. Dans le Malsaucy, il y en a beaucoup, à cause de la matière organique présente autour (feuilles, branchages), mais aussi à cause des bassins versants qui alimentent l’étang.
À cela, s’ajoutent des facteurs climatiques qui favorisent la naissance de bactéries : des eaux plus chaudes, des niveaux d’eaux plus bas, avec moins de précipitations et un ensoleillement de plus en plus important.« Plus il y a de lumière, plus les cyanobactéries se développent grâce à la photosynthèse », détaille le spécialiste.
Une seule solution pour limiter, selon lui, la prolifération : la vidange de l’étang, chaque année. « Ainsi, le phosphore, lorsqu’il y a de nouveau de l’eau, se concentre sur l’alimentation des plantes et de la matière organique. C’est la clef. » Mais la solution se heurte aux conditions climatiques. Les arrêtés sécheresse pris par la préfecture encadrent les vidanges des plans d’eau, rapporte Stéphanie Vernier, directrice patrimoine naturel et développement durable au conseil départemental du Territoire de Belfort. Face à cette contrainte, il a été décidé de vidanger seulement tous les trois ans.
« De toute manière, ce n’est pas la solution miracle », tempère-t-elle. L’étang a été vidangé à l’automne 2022 et cela n’a pas empêché la prolifération des bactéries cet été. Et d’autres problèmes se heurtent à la vidange : le manque de précipitations cet hiver et l’absence complète de pluie au mois de février a empêché la reconstitution de la ressource en eau. « L’étang a eu beaucoup de mal à remonter. Au Malsaucy, le réchauffement climatique pose de vrais problèmes pour l’avenir. C’est un sujet qu’on a en tête. »
Réfléxion sur la création d'un bassin traité
Les cyanobactéries sont prises au sérieux depuis cinq, six années seulement, note Stéphanie Vernier. C’est pour cela que la base est plus souvent fermée depuis. Elle évoque notamment les deux dernières années. L’an dernier, la base a dû fermer une dizaine de jours. Cela a aussi été le cas à d’autres points d’eau comme aux Ballastières, à Champagney en Haute-Saône, note l’ARS. Cette année, le problème se répète à l’étang des Forges, ce qui a contraint aussi à l’arrêt des activités nautiques. « Il ne faut pas prendre cela à la légère. On relève un taux de mortalité important en France, notamment chez les chiens, qui meurent à cause des neurotoxines contenues dans les cyanobactéries », interpelle Simon Bellec. Chez les humains, ces bactéries peuvent causer des problèmes digestifs loin d’être anodins.
Le responsable de l’unité santé environnement de l’ARS s’inquiète pour la suite. « Il s’agit de l’une des plus grosses zones de baignade du nord Franche-Comté. Avec les canicules qui se succèdent, les gens ont besoin de se rafraîchir. C’est un lieu social. » Le Département réfléchit à comment gérer le problème. Si la solution n’est pas la vidange, elle n’est pas non plus dans les nouvelles technologiques, comme cette solution à base d’ultra-sons, « qui nous laissent circonspects pour le moment », explique Stéphanie Vernier.
Le Département réfléchit à l’implantation d’une « sorte de piscine naturelle » au Malsaucy qui pourrait être traitée et qui permettrait de conserver un lieu de baignade. Mais Stéphanie Vernier se montre très prudente. « Il y a énormément de normes environnementales à respecter pour cela. On ne peut pas faire ce qu’on veut. » Selon elle, si le phénomène se reproduit les prochaines années, la seule solution sera l’interdiction de baignade au Malsaucy, comme cela s’est fait la moitié de l’été et près de dix jours l’année passée. Le nord Franche-Comté référence trois sites naturels de baignade, suivis par les autorités : l’étang du Malsaucy, dans le Territoire de Belfort, la base de loisirs de Brognard dans le pays de Montbéliard et le site des Ballastières à Champagney.
Pas de conséquences sur l’emploi à la base nautique
Les saisonniers ont pu continuer à travailler sur site, assure le Département. « L’accueil collectif de mineurs qui emploie les saisonniers a modifié ses activités et les a orientées vers des domaines terrestres plutôt que nautiques. » Les agents, eux, ont été libérés le week-end et ont procédé à des opérations de maintenance sur le matériel, mais aussi des tâches administratives.