Tribune de Jordan Lahmar-Martins, auteur du blog « Usine à histoires »
Dans les années 1930, l’équipe remporte deux championnats et une coupe de France. Au même moment, la crise de 1931 détruit l’économie, une crise politique majeure transperce la IIIe République. Plus tard, la désindustrialisation chamboule la fin des années 70. Les fermetures d’usine se succèdent dans l’Aire Urbaine. La génération dorée arrive deuxième de la saison 1979-1980 puis l’année suivante va en demi-finale de coupe d’Europe. Ce sont ces moments qui ont façonné une mémoire collective.
Les Lionceaux sont parvenus à assembler des mondes qui cohabitent. Ce sont les descendants des paysans du plateau horlogers, les héritiers des artisans protestants de Montbéliard, les fils des immigrés maghrébins, etc. Tant de personnes venus d’horizons différents mais qui trouvent en cette équipe un espace en commun. C’est en ce sens que le football parvient, parfois, à rassembler. Le FCSM a forgé une identité bien au-delà des seuls ouvriers de la « Peug ». C’est le symbole du plus grand bassin industriel de France.
Dans une récente interview, le grand historien du sport Paul Dietschy rappelait les deux destins possibles pour le FCSM : Mourir à petit feu comme le CS Sedan ou tenter de recréer un projet comme le RC Strasbourg. Et encore, Sedan est repris en main et va repartir sur des bases saines. Le club ardennais a connu une gestion très chaotique ces dix dernières années. La situation de ces équipes renvoie à la déchéance des clubs de l’Est de la France. Aujourd’hui, nos régions ne comptent que cinq équipes dans le monde professionnel. Il y vingt ans, c’était neuf. L’effacement de l’Est de la France dans le ballon rond traduit une réalité plus profonde encore : le déclin économique de ces régions. En l’absence de capitaux financiers et humains suffisant, l’Est du football meurt. Sochaux en est l’illustration ; le pays de Montbéliard a perdu en cinquante ans près de 15% de sa population et sa croissance économique est atone depuis la crise de 2008.
Pourtant, certains exemples montrent que rien n’est irrémédiable. Le Nord du football en est une illustration. Depuis trente ans, cette région garde le même nombre de clubs dans les divisions professionnelles. Dans le même temps, la région a connu une profonde transformation économique. Après un long déclin, l’industrie du Nord parvient à recréer de nouveaux emplois. Porter par de récents investisseurs, Lens et Lille trustent les hautes places du classement de football en France. L’industrie ne fait pas toute l’économie et encore moins l’économie du football mais comparer ces vecteurs permet de saisir des évolutions similaires. Sochaux vivra à ce choc comme elle a survécu à d’autres chocs : la Seconde Guerre mondiale, les relégations, les changements de propriétaire. Sochaux vivra.