La rédaction (Eva, Thibault, Pierre-Yves, avec le concours de Charlotte, la collègue d’Alexis)
Il est des textes que l’on aimerait ne pas écrire. Celui-ci en est un. La mauvaise nouvelle, tant redoutée depuis lundi, est tombée ce matin : le corps sans vie d’Alexis a été retrouvé ce matin. Immense tristesse.
Alexis, ce sont des souvenirs de la rédaction du Pays, journal aujourd’hui disparu. Il y était rentré vers 2006 par la porte du service des sports, et bien vite ses compétences rédactionnelles en avaient fait aussi un des pigistes contributeurs au service Région. Il faut dire qu’il venait du Nord et avait fait ses premières armes à La Voix du Nord. Alexis, c’était la compétence mêlée de gentillesse. Un sujet émergeait en conférence de rédaction : et si on le proposait à Alexis ? Un coup de fil, une discussion sur l’angle et le lignage et c’était parti. L’après-midi même en cas d’urgence, le lendemain si le papier était moins urgent, l’article était livré en temps et en heure, la commande respectée au signe près, les bonnes sources contactées. Toujours très pro, mais toujours une pointe d’inquiétude de sa part, ou plutôt une conscience professionnelle permanente : « Ça te va ? » Oui, ça nous allait dans 99,9% des cas. Le tout avec gentillesse, écoute, esprit confraternel.
Alexis, après l’absorption du Pays par L’Est Républicain, avait dû réorienter sa carrière professionnelle. Il a alors été recruté au service communication de Pays de Montbéliard Agglomération comme journaliste de la collectivité. Les souvenirs, ce sont alors des déjeuners improvisés au gré de nos rencontres ou après un coup de fil impromptu : « Tu fais quoi à midi ? » L’occasion d’échanger de tout et de rien, de refaire le monde, d’imaginer le journal idéal.
Alexis, c’est aussi un soutien moral du Trois, dont il aimait la philosophie du projet. A l’occasion, il a été un des contributeurs de notre dispositif de crowdfunding. Et lorsque nous avons organisé une rencontre des contributeurs, au printemps dernier à la Chambre de Commerce et d’Industrie du Territoire de Belfort, il était là, le regard toujours franc et pétillant. Souriant, enjoué. Il croyait au Trois, nous lisait, nous relayait, parlait de nous.
Alexis, c’était aussi un interlocuteur de la rédaction. Il était devenu responsable du pôle information de Pays de Montbéliard Agglomération. Avec les journalistes, il était dévoué et faisait tout pour que tout se passe bien. Il connaissait les rouages. Un coup de téléphone, il répondait à la seconde. Pour une information, un conseil, une photo, une mise en relation. Sur les différents événements où on le retrouvait, il arborait toujours son appareil photo autour du cou. Et une petite casquette qu’il replaçait sur le devant de son front, les jours de canicule. Il avait souvent les sourcils froncés, l’air observateur, concentré. Puis, quand il reconnaissait quelqu’un (donc très souvent : il connaissait à peu près tout le monde), il avait toujours ce petit sourire malicieux, une petite blague finement glissée, une attention, un jeu de mot farfelu. Il se rappelait de ce qu’on lui racontait et savait relancer pour prendre des nouvelles. Il était attentionné. Pendant les conseils communautaires, il prenait soin que les journalistes aient eu leur plateau repas ; c’est lui qui avait instauré cette tradition soucieux de nos conditions de travail compte tenu des durées souvent interminables de débats entre élus et de l’heure tardive de la fin de journée de travail.
Il connaissait les personnes avec qui il travaillait, il faisait avec leurs particularités. Un de ses pigistes, photographe, glisse un mot à son égard : « Il ne m’envoyait pas sur n’importe quel sujet. Il connaissait très bien les photographes avec qui il travaillait. Il m’envoyait toujours sur mes sujets de prédilection, en faisant attention à ce que ça me plaise à chaque fois.»
Charlotte, une de ses collègues à PMA nous a gentiment envoyé ce petit texte :
« Alexis c’est le mec qui, quand tu le rencontres pour la première fois, te dit « Bonjour moi c’est Alex’ je suis nordiste et journaliste ». Après avoir crié ça haut et fort et avec l’accent du nord ou l’accent belge (ça dépend de son humeur), il ajoute spontanément qu’il est aussi le responsable du pôle information. Alexis c’est lui qui rédige le « MONAgglo », le magazine de Pays de Montbéliard Agglomération, mais il ne fait pas que ça ! Il s’occupe aussi de l’audiovisuel : les photos, les vidéos… donc il était souvent avec un appareil photo à la main, ça lui changeait de son agenda papier et de son mini crayon de papier qu’il voulait user jusqu’au bout. Car, oui, Alexis c’était le mec qui écrivait tout à la main dans ses carnets. Alexis Beuscart, c’était aussi mon chef. Il surveillait de loin pour savoir si je n’écrivais pas de bêtises sur réseaux sociaux de PMA ou aux journalistes. Il a été mon premier supérieur hiérarchique et je ne vous cache pas que de commencer sa carrière professionnelle avec un spécimen comme lui, c’est quelque chose ! Je vais me souvenir de lui toute ma vie. Alexis c’est le mec qui a une pipe en bois, un bonnet de Noël, un ballon de volley et une chope de bière dans son bureau de fonctionnaire. Le mélange est improbable ? Oui, mais ça lui correspond ! La pipe en bois reflète son côté énigmatique et évidemment son humour des plus fins… Le bonnet de Noël c’est son côté « foufou » qui ressortait comme un gamin qui est excité d’ouvrir ses cadeaux : il ne tenait pas en place. Le ballon de volley, c’est pour ses performances d’athlète (enfin de journaliste sportif plutôt). Et la chope de bière, je crois que je n’ai pas besoin de vous faire un dessin. Il était nordiste (et surtout un bon vivant). Sa personnalité déjantée et son humour décalé, c’est ça qui rythmait mon quotidien avec Alexis. Je n’ai pas eu besoin de me faire « beuscariser », car on avait le même humour ! En tout cas, si vous avez rencontré Alexis dans votre vie, il vous a sûrement un peu « beuscarisé » ou du moins il vous a sûrement marqué l’esprit. On se souviendra d’Alexis Beuscart jusqu’au bout. »
Oui, Alexis, c’était tout cela, et bien d’autres choses que l’on ne peut exprimer par des mots couchés sur le papier.
A tous ceux qui l’ont aimé, et surtout à ses deux petites filles, nous adressons nos condoléances.