Une figure médicale de l’AHBFC condamnée en appel pour recel d’abus de faiblesse

L'association hospitalière de Bourgogne-Franche-Comté est présente dans le pays de Montbéliard, en Haute-Saône et dans le Territoire de Belfort. | ©Le Trois - E.C.
L'association hospitalière de Bourgogne-Franche-Comté est présente dans le pays de Montbéliard, en Haute-Saône et dans le Territoire de Belfort. | ©Le Trois - E.C.
Enquête

La présidente de la commission médicale d’établissement de l’Association hospitalière de Bourgogne-Franche-Comté (AHBFC), également élue à l’Ordre des médecins et psychiatre de métier, a été reconnue coupable en appel de recel d’abus de faiblesse dans une affaire tentaculaire liée à sa vie personnelle. Elle s’est pourvue en cassation. Une procédure qui suscite des interrogations au sein de l’institution sur la compatibilité entre ses fonctions médicales et cette condamnation, non définitive.

Le 3 octobre, la cour d’appel de Colmar a reconnu Julia Hickel, cheffe de service à l’AHBFC et présidente de la Commission médicale d’établissement (CME), coupable de recel d’abus de faiblesse (lire ici). Les faits s’inscrivent dans une vaste affaire d’emprise psychologique et financière autour de Cléophée Herrmann, héritière de la famille Schlumpf, petite-fille de l’industriel Fritz Schlumpf, célèbre pour sa collection automobile à Mulhouse. Selon la justice, une relation d’influence aurait conduit à la captation progressive d’un patrimoine évalué à plus de 11 millions d’euros.

Tout commence au début des années 2000. Enfant, Cléophée Herrmann perd sa mère à l’âge de dix ans. À Wintzenheim, près de Colmar, elle se lie d’amitié avec une camarade de classe, fille de Josiane Seiler. Cette dernière s’impose peu à peu comme une confidente, presque une seconde mère. Sous couvert d’un accompagnement spirituel et affectif, elle aurait instauré une emprise psychologique, convainquant la jeune héritière de financer des rituels et des « missions divines » censés lui permettre de communiquer avec sa mère défunte.

Pendant près de dix ans, plusieurs millions d’euros s’évaporent. Selon une enquête du Monde, les séances de spiritisme facturées au départ 1 000 euros atteignent progressivement 10 000, puis 50 000 euros. Josiane Seiler aurait ensuite demandé un prêt sans intérêt de 600 000 euros au profit de ses filles. Ruinée, Cléophée Herrmann dépose plainte en octobre 2017. Dans cette même enquête, elle témoigne : « Josiane et ses filles m’ont tuée, elles m’ont ruinée mentalement, elles m’ont tout pris… »

Les filles, bénéficiaires indirectes selon la justice

Dans l’ombre de Josiane Seiler, ses deux filles : Julia et Mathilde Hickel. D’après les juges, elles ont bénéficié directement ou indirectement des sommes versées par Cléophée Herrmann, via des voyages, des biens immobiliers et un certain confort matériel. Les magistrats ont estimé qu’elles ne pouvaient ignorer l’origine frauduleuse de ces fonds.

En première instance, les trois femmes avaient été condamnées. En octobre 2024, Josiane Seiler écopait alors de trente mois de prison pour « abus de faiblesse et blanchiment d’abus de faiblesse » entre 2008 et 2017. Incarcérée, elle n’avait pas fait appel.

Ses deux filles, en revanche, avaient contesté la décision. Assurant devant les policiers avoir été sous l’emprise de leur mère. « Elle était très autoritaire, elle me mettait une pression qui me faisait comprendre qu’il ne fallait pas la contredire et qu’il fallait que je ne me mêle de rien de ce qu’elle faisait », explique Mathilde, l’ancienne amie de Cléophée, citée dans un passage de l’article du Monde. 

 La cour d’appel de Colmar a pourtant confirmé le 3 octobre 2025 le jugement. La cour a alourdi les dommages et intérêts dus par les deux sœurs, désormais tenues de verser solidairement avec leur mère 5,5 millions d’euros, contre 320 000 euros initialement, ainsi que 70 000 euros au titre du préjudice moral. Julia et Mathilde Hickel ont également été condamnées à un an de prison avec sursis. En début de semaine, les deux sœurs ont indiqué se pourvoir en cassation. Leurs condamnations ne sont donc pas définitives. 

Julia Hickel, une cheffe de service psychiatrique

Cette décision, plus sévère que la précédente, résonne particulièrement dans le contexte professionnel de Julia Hickel. Psychiatre, cheffe de service de l’intersecteur de psychiatrie du sujet âgé de l’aire urbaine à l’AHBFC, elle préside aussi la Commission médicale d’établissement, instance garante du respect de la déontologie et de la bientraitance des patients.

Elle détient également un mandat de suppléante au sein du conseil de l’Ordre des médecins du Territoire de Belfort. Depuis plus d’un an, plusieurs professionnels de l’AHBFC alertent régulièrement la rédaction sur l’absence de réaction de la direction face à cette procédure judiciaire. Certains s’interrogent sur le maintien de la praticienne à son poste. « Pour être embauché, il faut un casier vierge », replacent ces interlocuteurs ayant contacté Le Trois. Ces personnes plaident donc pour que les casiers judiciaires soient vérifiés régulièrement, et non uniquement lors de l’embauche. « Comme une sorte de contrôle technique », imagent-ils. D’autres salariés, contactés par la rédaction cette semaine, disent leur inquiétude à l’idée qu’une cheffe de service condamnée — même non définitivement — exerce toujours ses fonctions. Ils se disent « choqués » et relèvent un paradoxe : comment peut-on être condamné pour recel d’abus de faiblesse et être responsable d’un service psychiatrique ? 

Interrogée avant le dépôt du pourvoi en cassation sur le maintien à son poste de Julia Hickel, la direction de l’AHBFC a estimé que l’affaire était « d’ordre personnel » : « Elle concerne une professionnelle employée par l’AHBFC, cependant elle n’a aucun lien avec notre institution, indique la direction. Si toutefois, en tant qu’employeur, nous devions appliquer une décision de justice, nous le ferions, mais nous n’avons été saisis officiellement par aucune autorité à ce titre. »

Quid de l'Ordre des médecins ?

Sur le plan pénal, Julia Hickel n’a pas été condamnée à cesser son activité professionnelle. Sur le plan disciplinaire, l’Ordre des médecins peut  toutefois décider d’engager une procédure indépendante du jugement pénal s’il estime que les faits sont incompatibles avec l’exercice médical. Les sanctions peuvent aller de l’avertissement à la radiation du tableau de l’Ordre, en passant par une interdiction temporaire d’exercer. En pratique, si le Conseil de l’Ordre décide de ne pas réagir, le médecin peut légalement poursuivre son activité.

Selon une source connaissant bien les mécanismes de l’institution, une condamnation pour abus ou recel d’abus de faiblesse « conduit fréquemment à une suspension ou une radiation, tant elle ébranle la relation de confiance entre le praticien et ses patients ».

Élue suppléante au sein du conseil de l’Ordre, Julia Hickel pourrait aussi voir sa situation réévaluée. Contactée à ce sujet, la présidente du conseil de l’Ordre des médecins du Territoire de Belfort n’a pas souhaité commenter « pour le moment ».

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