La filière automobile compte plus de 350 établissements en Bourgogne-Franche-Comté et près de 45 000 salariés, hors intérim, soit 5,1 % de l’emploi salarié régional et près du tiers de l’emploi industriel (lire notre article). Une décision du donneur d’ordre Stellantis a forcément des conséquences sur le reste de la filière. L’arrêt de l’équipe de nuit, au mois d’avril, ne fait pas exception.
Une dynamique que l’on avait par exemple observé à l’automne 2021, lorsque l’équipe de nuit avait été suspendue dans le cadre de la crise sanitaire, pendant trois mois ; 700 intérimaires n’avaient pas été renouvelés. Selon une étude de Prism’emploi, syndicat unitaire du travail temporaire en Bourgogne-Franche-Comté, l’emploi intérimaire chutait plus dans le nord Franche-Comté qu’ailleurs.
Le 1er février, la direction de l’usine a annoncé la suppression de l’équipe de nuit pour s’adapter au « programme de production ». Une baisse de commandes importante est attendue (lire notre article). 750 personnes sont concernées par cet arrêt. Les salariés seront recasés. Les intérimaires iront au bout de leur contrat, indiquait la porte-parole de l’usine, mais la majorité ne sera pas reconduite.
De 300 à 3 000 emplois concernés selon les estimations
Jérôme Boussard, délégué syndical de la CGT chez Stellantis, s’inquiétait notamment pour les sous-traitants, expliquant qu’« un emploi perdu chez PSA (sic), ce sont trois emplois perdus chez les sous-traitants ». Une information que confirment plusieurs connaisseurs du tissu industriel local. Ils estiment entre 2 et 3 000 le nombre d’emplois menacés chez les sous-traitants de Stellantis, avec le ralentissement de la production à l’usine. Stellantis Sochaux produira à partir du printemps 800 véhicules par jour en moyenne, contre 1 200 actuellement. En prenant le Doubs, le Territoire de Belfort, la Haute-Saône et le sud Alsace, on estime à une trentaine le nombre de sous-traitants de proximité, apprend-t-on auprès de l’usine.
Les élus sont moins alarmistes sur les effets de ce ralentissement de la production. « Les entreprises sous-traitantes sont en difficulté. Mais depuis quelques années, le groupe a demandé aux sous-traitants d’avoir d’autres débouchés, relève Didier Klein, vice-président de Pays de Montbéliard Agglomération, en charge du développement économique. C’est le cas actuellement. La plupart des sous-traitants expédient des pièces dans toute l’Europe. » Il estime entre 3 à 400 postes le nombre d’intérimaires menacés. « Avant la diversification, nous aurions plutôt été autour de 800 à 1 000 », ajoute-t-il.
Même son de cloche du côté d’Éric Oternaud, conseiller régional en charge de l’économie sociale et solidaire et qui suit de près la question automobile. Il estime de son côté à 500 le nombre d’intérimaires sous-traitants de Stellantis concernés par des non-renouvellements de contrat. « Les équipementiers les plus concernées sont ceux qui fournissent des composants spécifiques. Comme SMRC à Rougegoutte, qui fournit les planches de bords des 3008 et 5008. »
Des répercussions automatiques
Contactée, Géraldine Faudot, représentante syndicale Force Ouvrière de l’entreprise SMRC est très inquiète. Elle attend mardi 21 février avec impatience, car un conseil social et économique (CSE) doit se tenir pour annoncer les mesures prises. Pour ce type de sous-traitants, une baisse de régime chez Stellantis peut avoir des conséquences « délétères ». « Quand ils descendent, nous aussi. Stellantis, c’est la tête de l’araignée. Et nous, nous sommes le corps.» Elle rappelle que toute l’activité de SMRC est dédiée à Stellantis Sochaux.
D’autres, comme l’explique Didier Klein, ont effectivement moins de difficultés. C’est le cas à Faurecia Clean Mobility à Allenjoie, qui fournit des systèmes d’échappement à Stellantis. L’activité est en train de muter, pour fournir des réservoirs à hydrogène d’ici 2025. « Il n’y aura quasiment aucun impact sur les intérimaires du fait du besoin croissant sur l’hydrogène », explique par SMS Pascal Vadam, secrétaire CGT du comité social et économique. Par téléphone quelques jours plus tôt, le 2 février, il expliquait appréhender la suite. Car même si les impacts sont limités, le milieu de l’automobile emploie dans des conditions de plus en plus mauvaises. « Les phases difficiles pour les intérimaires ont toujours été. Mais depuis trois ans, c’est de pire en pire. L’emploi dans l’automobile, en règle générale, se détériore. Nous ne savons pas où nous allons. »
Il y a aussi ceux pour qui les conséquences restent quand même importantes, malgré la diversification. Hamed Sed-Salim, délégué syndical de la CGT pour l’équipementier Faurecia Siedoubs, qui fournit les sièges à Stellantis, affirme que cette décision aura des effets directs sur le site de Montbéliard. « Notre équipe de nuit sera aussi supprimée », explique-t-il.
Pour le moment, il estime à 70 le nombre d’intérimaires qui ne seront pas reconduits. Des conséquences « limitées », car Faurecia Siedoubs fournit aussi l’usine de Mulhouse. Pour autant, il sait que cette dynamique s’inscrit dans un cycle de vie d’un véhicule. L’actuelle version de la Peugeot 3008 arrive au bout et il n’est pas inquiet pour décrocher un contrat pour le futur modèle de la 3008 qui sera produit à Sochaux, avec toutes les motorisations. « Le remplacement est déjà à l’étude chez nous », confirme-t-il.
Quant à l’équipementier Flex’n’Gate, à Audincourt, Christian Gaillard, délégué central CGT, valide les répercussions « automatiques » pour son entreprise des décisions de Stellantis. « De nombreuses questions vont être posées pour bien appréhender les répercussions », promet-il.
Pour le moment, il ne sait pas quel sera le nombre d’intérimaires non renouvelés, mais « il y en aura forcément ». Un CSE doit se tenir jeudi 16 février pour aborder la question. Pour lui, il est évident « que ce sont les intérimaires qui vont trinquer ». La situation est d’autant plus délétère que les démissions sont de plus en plus nombreuses (lire notre article). « C’est la catastrophe de ce côté-là, témoigne-t-il avant de poursuivre : L’industrie automobile va mal. Elle dégoûte le personnel, c’est une honte. » Elle fonctionne à flux tendu. Et érige la flexibilité en règle de conduite.