Les travailleurs frontaliers représentent une charge importante pour l’assurance chômage française en raison d’un mécanisme européen complexe. Bien qu’ils cotisent dans leur pays d’emploi, comme la Suisse, ils sont indemnisés en cas de chômage par leur pays de résidence, soit la France. En principe, un système de compensation financière par les États dans lesquels les travailleurs frontaliers ont cotisé est prévu par la réglementation européenne. Mais selon les gestionnaires du régime, les dépenses à la charge de l’Unedic (qui gère de façon paritaire le régime) sont très supérieures aux remboursements. En 2023, l’Unédic annonce avoir déboursé environ un milliard d’euros pour indemniser 77 000 chômeurs frontaliers, mais n’a récupéré que 200 millions d’euros auprès des pays d’emploi via des compensations financières. Soit un surcoût pour l’Unedic de 800 millions d’euros.
Une réforme, proposée par le gouvernement, propose d’introduire un coefficient pour réduire le montant des allocations des chômeurs frontaliers, ce qui pourrait entraîner une baisse allant jusqu’à 48 % pour ceux ayant travaillé en Suisse. Ce système s’appuierait sur les disparités salariales entre les pays d’emploi et de résidence, les salaires suisses étant en moyenne beaucoup plus élevés que ceux français. Les syndicats, notamment la CGT et des associations frontalières, dénoncent une mesure jugée discriminatoire et menacent de saisir la justice. Ils pointent également l’absence de précisions sur les modalités d’application de la réforme : concerne-t-elle uniquement les futurs chômeurs ou inclut-elle ceux déjà indemnisés ? Par ailleurs, de nombreux travailleurs frontaliers envisagent de s’installer dans leur pays d’emploi pour éviter ces pénalités.
Appel à des négociations bilatérales
Dans un communiqué parvenu à notre rédaction ce mercredi 27 novembre, Cédric Perrin, sénateur LR du Territoire de Belfort, reconnaît le poids financier de ce système. « Le coût d’indemnisation du chômage des travailleurs frontaliers par la France est effectivement très élevé puisqu’il se chiffre depuis 2011 à 11,2 milliards d’euros. » Pour autant, il rejette l’idée de réduire les droits des frontaliers, qu’il considère comme injuste : « Les travailleurs frontaliers cotisent comme n’importe quel travailleur. Il n’est donc pas juste qu’ils fassent l’objet d’un traitement différent alors même qu’ils ne sont aucunement responsables des modalités de rétrocession déséquilibrées entre la Suisse et la France », affirme-t-il.
En Bourgogne-Franche-Comté, en juin 2024, on dénombre 47 917 travailleurs frontaliers en Suisse. Plus de 7 travailleurs frontaliers sur 10 résident dans le département du Doubs, près de 2 sur 10 dans le Jura et 1 sur 10 dans le Territoire de Belfort, expose l’Insee. « La réduction de leurs indemnités de chômage engendrerait de lourdes difficultés économiques et sociales pour ces travailleurs et leurs familles mais aussi d’importantes retombées négatives pour notre territoire qui en compte en grand nombre », alerte Cédric Perrin.
Pour le sénateur, la solution réside dans des discussions bilatérales avec la Suisse. Il demande à la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, d’engager des négociations pour obtenir un remboursement davantage aligné sur les durées d’indemnisation. Cette approche, selon lui, permettrait de préserver les droits des frontaliers tout en allégeant le fardeau financier de la France. « Une solution plus juste peut être trouvée, en accord avec le nécessaire redressement de nos finances publiques et avec les droits de nos travailleurs frontaliers », conclut-il.