Près de 221 milliards d’euros. C’est le montant de l’encours d’épargne salariale et de retraite d’entreprise, au 30 juin 2025 ; à titre de comparaison, l’encours du livret A atteignait 432 milliards d’euros fin 2024. C’est le plus haut historique pour l’épargne salariale (que l’on peut retirer au bout de 5 ans) et de retraite (déblocable à la retraite) ; il représente près de deux fois le budget annuel de l’Éducation nationale, l’enseignement supérieur et la recherche (115 milliards d’euros).
Utiliser positivement cet argent, voici le défi que s’est lancé le collectif Reconstruire. Créé en 2021, à Belfort (nos articles), il rassemble d’anciens salariés d’anciens grandes groupes industriels français (Alstom, Alcatel, Technip), des représentants des salariés, des experts en intelligence économique, des chercheurs, des chefs d’entreprise, des économistes, des fiscalistes ou encore des lanceurs d’alertes liste l’association. Son projet : reconstruire une industrie française manufacturière, qui est passée de 16 % du PIB en 1990 à moins de 10 % fin 2024.
Lutter contre le problème de financement
« Très rapidement, s’est posée la question du financement de la réindustrialisation », explique Philippe Petitcolin, secrétaire du collectif Reconstruire. Quand il s’aperçoit des sommes disponibles avec l’épargne salariale, il flaire le bon filon. « Nous nous sommes inspirés de l’économie sociale et solidaire », convient-il. Surtout, les montants disponibles aujourd’hui avec l’épargne salariale et de retraite finance « tout sauf de l’industrie ». Et pas toujours des projets en France. « Alors, montrons l’exemple », invite-t-il. Le dispositif sera présenté ce vendredi 7 novembre, au Salon du Made in France, à Paris.
Le collectif se rapproche d’opérateurs de fonds d’investissement. Et c’est avec Natixis Interépargne que le courant passe. Après deux ans de travail, l’idée devient concrète. Ce fonds commun de placement d’entreprise (FCPE), construit avec Vega Investiment Solutions (Vega IS), permettra d’investir dans les entreprises du secteur de l’industrie manufacturière en France, qui représente 7,6 millions d’emplois. Il a été validé par l’autorité des marchés financiers. « C’est de la finance qui a du sens », insiste Philippe Petitcolin, qui rappelle l’indicateur clé qui guide et valide les investissements : la création d’emplois dans les territoires. « Nous proposons un fonds qui n’existe pas pour l’industrie, avec un indicateur simple et novateur : la dynamique d’emploi dans un territoire. »
C’est un critère dynamique insiste encore Philippe Petitcolin. Si le fonds investit dans une entreprise qui ferme une usine et délocalise, le fonds retirera ses participations. À l’inverse, si une entreprise crée de l’emploi et ouvre des usines, le fonds pourra renforcer sa participation. Les investissements seront principalement en France, mais aussi en Europe. « Cette nouvelle stratégie vient soutenir notre ambition d’être un leader de l’épargne d’entreprise responsable, en fléchant l’épargne des Français vers des projets qui contribuent à la dynamisation du tissu industriel français et soutiennent l’emploi, permettant ainsi de renforcer notre souveraineté nationale », commente Dominique Dorchie, directrice générale déléguée de Natixis Interépargne, citée dans un communiqué de presse.
Lobbying auprès des entreprises
90 à 95 % du fonds seront fléchés vers les entreprises cotées en bourse, explique Philippe Petitcolin, conformément à la réglementation. Et 5 à 10 % vers les entreprises non-cotées. De fait, plus le fonds sera doté, plus il y aura ds fonds disponibles pour les TPE et les PME. Les investissements des plus grandes entreprises doit aussi contribuer à tirer l’ensemble de la chaine de valeur d’une filière. Les investissements des uns doivent bénéficier aux autres.
Le fonds est aujourd’hui éligible aux épargnes salariales et de retraite. Charge, à présent, au collectif Reconstruire, de convaincre dirigeants d’entreprise et les comités sociaux et économiques (CSE) d’orienter l’épargne salariale de leur entité vers ce fonds. « Notre ambition est que le fonds atteignent plusieurs centaines de millions d’euros. » Le collectif sera à la gouvernance du fonds pour garantir la philosophie du projet.

