Ce mardi, plusieurs centaines de personnes ont crié leur désespoir sur l’absence de moyens des hôpitaux, que la crise sanitaire a, de manière dramatique, mis en avant. Sur le parvis de l’hôpital Nord-Franche-Comté, dans une opération escargot ou sur la toile, le personnel hospitalier attend revalorisation salariale, des moyens pour travailler et de la reconnaissance.
Ce mardi, plusieurs centaines de personnes ont crié leur désespoir sur l’absence de moyens des hôpitaux, que la crise sanitaire a, de manière dramatique, mis en avant. Sur le parvis de l’hôpital Nord-Franche-Comté, dans une opération escargot ou sur la toile, le personnel hospitalier attend revalorisation salariale, des moyens pour travailler et de la reconnaissance.
« Il nous faut des moyens ! » Le message de Bruno Lemière, délégué du personnel CGT à l’hôpital Nord-Franche-Comté (HNFC), est sans équivoque. Et marqué par la colère. Mardi, avec ses acolytes, il a organisé une opération escargot de Belfort à Trévenans, en passant par l’antenne de l’agence régionale de santé (ARS), épaulé par des militants du pays de Montbéliard. Ils sont ensuite revenus place Corbis, à Belfort. 350 voitures, une trentaine de motards et une douzaine de vélos, selon le syndicaliste, faisaient partie du convoi. Sur le parvis de l’hôpital, le syndicat de la coordination nationale infirmière (CNI) de l’hôpital Nord-Franche-Comté a organisé pour sa part un pique-nique. Une banderole, éphémère, a été déployée sur la façade de l’établissement hospitalier en début d’après-midi. On pouvait y lire : « Hôpital urgence vitale ! » Une nouvelle fois, le message est clair. Le constat est unanime : « Cela fait un moment que l’on tire sur la corde », souffle un agent. La CFDT, pour sa part, a mené une mobilisation virtuelle. « Nous pensons qu’il est prématuré de manifester ou de rassembler personnels et usagers même dans le respect des gestes barrières », expliquait la section de l’hôpital Nord-Franche-Comté dans un communiqué de presse. À Paris, un cortège a rassemblé 18 000 personnes.
« Les salaires sont congelés »
Le mouvement de ce mardi 16 juin vise à « faire pression » sur le Segur de la Santé, une grande concertation des professionnels de santé qui vise à engager un « plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières », comme le promettait le président de la République, à Mulhouse, le 25 mars. Aujourd’hui, ça patine se désespère Bruno Lemière. « C’est loin d’être clair », valide Nathalie Depoire, présidente du syndicat CNI de l’hôpital Nord-Franche-Comté. « Nous demandons 300 euros d’augmentation net par mois pour tous les salariés, confie le délégué CGT, avant d’ironiser : On parle de gel des salaires. Mais depuis le temps, les salaires sont congelés. »
Le syndicat CNI demande la même augmentation, mais aussi des revalorisation des primes du dimanche et de nuit. La CFDT notait la même chose dans son communiqué. Aujourd’hui, selon Nathalie Depoire, la prime liée à un travail de nuit n’excède pas dix euros. Et celle du dimanche représente une cinquantaine d’euros. « Nous ne trouvons pas de moyen de garde, embraie la présidente du CNI. Si nous sommes un parent isolé, on perd de l’argent en venant travailler. On ne trouve plus de volontaires. » Donc aujourd’hui, les équipes se répartissent les jours et les nuits, sans réel rythme. Ce qui favorise « l’épuisement », souffle Nathalie Depoire.
Plus de personnels
Dans les revendications de tous les syndicats, on attend aussi « plus de personnels » et « plus de lits », insiste Bruno Lemière. « Des gens ont attendu 52 heures aux urgences à Trévenans avant d’avoir un lit dans un service, dénonce-t-il : 100 000 lits ont été fermés dans le pays en 20 ans. » Pourtant, la population vieillie observe-t-il. Nathalie Depoire s’arrête pour sa part sur les mutations provoquées par la hausse des prises en charge ambulatoire. « Les prises en charge dans les services conventionnels sont de plus en plus lourdes », note-t-elle. Avec des personnes moins autonomes. On a donc besoin de plus d’infirmiers, plus d’aides-soignants. Cette modification des pratiques n’a pas été suivie « en conséquence. »
Dans la continuité, le syndicat CNI attend, localement (retrouvez les revendications dans le document ci-dessus), l’ouverture de recrutement « au regard des départs enregistrés », dans les services et dans le pool de remplacement. Il attend également que l’on enregistre les heures supplémentaires réalisées pendant la crise sanitaire, « afin que les agents qui le souhaitent puissent faire valoir leur droit à paiement dès parution des textes annoncés de majoration à 50 % ». Dans son communiqué de presse, la CFDT demande de son côté « une reconnaissance automatique en maladie professionnelle pour tous les agents exposés sur leur lieu de travail ».
« Nous ne sommes ni des héros, ni des soldats. Nous sommes des professionnels. »
Sur le parvis de l’hôpital, « des collègues ont jeté leur blouse dans un geste symbolique », raconte Nathalie Depoire. Un geste fort qui évoque celui des avocats en début d’année. Selon la représentante syndicale, ils sont nombreux à vouloir quitter l’univers hospitalier. Mal payé. Avec peu de perspective de carrière. « Nous sommes des professionnels avec des compétences et des responsabilités. Nous méritons une revalorisation. Nous avons la vie des gens entre nos mains », insiste Nathalie Depoire. Puis d’insister :« Nous ne sommes ni des héros, ni des soldats. Nous sommes des professionnels. »
Elle regrette que chaque année le budget dédié aux hôpitaux augmente moins vite que les charges des établissements. Avec une conséquence. « Il y a toujours des économies budgétaires », souffle-t-elle. Et quand, dans l’équilibre budgétaire, 70 % des dépenses sont liés aux salaires des agents, c’est ici que se trouvent les coupes budgétaires. « Le covid-19 a démontré que nous manquons de tout : des lits, du personnel, du matériel. Nous avons été obligés de transférer des patients à l’autre bout de la France », regrette Bruno Lemière. « On a bien vu ce que cela donne de tout mettre en flux tendu, approuve Nathalie Depoire, qui poursuit : Et nous manquons toujours de matériel : masques, sur-blouses, gants. »
« Macron veut remettre des médailles. Ce n’est pas ce qu’on veut. On veut des moyens », tance Bruno Lemière. Nathalie Depoire d’embrayer : « Les blablas, ça va. Les actes sont pour quand. On en a besoin maintenant des moyens ! » Depuis des mois, les agents hospitaliers tirent la sonnette d’alarme. Ils crient leur désespoir. Pendant la crise, ils ont répondu présent. Mais ils ne veulent pas être oubliés. « Le personnel des hôpitaux a le virus de la rage, conclut Bruno Lemière. On ne va rien lâcher jusqu’à temps que l’on obtienne ce que l’on veut. »