« Je suis allée voir le film Demain avec des apriori. J’en suis ressorti avec une immense énergie », confie Émilie Chambrelent, bénévole de l’association La Pive. C’était en 2016. Une « immense énergie », car le documentaire de Cyril Dion met en lumière plusieurs initiatives clef pour la transition écologique, dont la mise en circulation des monnaies locales. Suite à son visionnage, Émilie se renseigne et découvre l’existence de réunions préparatoires, à Belfort, pour créer une monnaie locale en Franche-Comté.
Cette monnaie, c’est la pive, dont le nom a été choisi par un groupe de bénévoles bisontins, qui ont dès 2014 souhaité se réapproprier les enjeux économiques.
Belfort, Besançon, les deux fiefs se lient et diffusent la monnaie, fraîchement imprimée en 2017 par des graphistes bisontins. Comme une monnaie classique, la pive a ses caractéristiques propres. Couleur, symbole en transparence, les billets sont presque impossibles à imiter. Son but : circuler uniquement en Franche-Comté, de manière complémentaire à l’euro, pour permettre d’irriguer l’économie locale.
Une monnaie facile à utiliser
Un euro. Une pive. Pas de complications ou de possible spéculation. Il existe aujourd’hui des billets de 1,2,5,10 et 20 pives. En tout, ce sont aujourd’hui 120 000 pives en circulation. Et un millier de personnes qui l’utilisent pour le moment dans les 300 commerces qui l’acceptent.
« On peut dire que nous sommes dans ses vraies premières années. Après son impression, les années Covid et le fait d’avoir été incité à ne plus utiliser de billet a tout fait retomber », explique Émilie Chambrelent. Depuis un an, une reprise marquée se dessine. Et elle s’accompagne d’une nouveauté pour étoffer l’offre : une application mobile. L’app’Pive permet désormais à tous les utilisateurs de transformer leurs euros en pives et de payer en pive via leur téléphone portable, en sélectionnant dans la liste le commerçant qu’il souhaite régler.
Jusqu’à aujourd’hui, pour utiliser des pives, il fallait se rendre dans un comptoir d’échanges, muni d’espèces ou d’un chèque, pour convertir les euros en pives. Avec pour seule condition : adhérer à l’association. Cela sera toujours possible de cette manière. Mais pour ceux qui préfèrent, l’application permettra de changer ses euros en pives directement depuis un téléphone. Cela sera aussi plus simple pour générer des échanges entre professionnels, qui se font souvent via des sommes plus importantes.
Sur l’application, il leur sera aussi possible d’envoyer de l’argent aux autres usagers de la pive. Et de géolocaliser les commerçants et structures qui acceptent la pive. Dans le Territoire de Belfort, ils sont déjà une trentaine.
Une monnaie qui se veut éthique
Émilie Chambrelent rassure sur le but de l’application : tout comme les billets papier, les pives numériques ne passent pas par une banque classique. Pourquoi ? « Parce que 97% de notre argent en banque sert à de la spéculation. Et l’argent est réinjecté dans des projets parfois très polluants.» Cela n’avait « aucun sens » alors que le projet est de promouvoir une économie locale, en circuit court, avec une monnaie re-injectée uniquement dans les commerces de proximité. Alors, l’association a choisi de placer l’argent dans une banque appelée la Nef. A chaque euro déposé sur le fonds de garantie détenu à la Nef, via un changement euro/pive, la banque double cet euro pour investir dans des projets dits « éthique » sur le territoire franc-comtois.
Pourquoi l’utiliser plutôt que l’euro ? « Parce que payer en pive, c’est garantir que notre argent reste en Franche-Comté. C’est favoriser les emplois et les échanges entre les acteurs du coin », expose Émilie Chambrelent. En somme, la pive peut être utilisée pour payer au marché, à la brasserie, au restaurant, dans un magasin de jeu, chez le boucher, le boulanger, le caviste, le fleuriste, ou encore pour payer des cours de yoga à Belfort (voir liste ci-dessous).. Ensuite, les commerçants peuvent utiliser les pives pour payer leur fournisseur, s’il est du coin et s’il adhère aussi à la pive. Les commerçants peuvent aussi, sur la base du volontariat des salariés, reverser une partie des salaires en pives. Enfin, s’il n’arrive pas à l’écouler, il est possible de contacter la trésorerie de l’association pour le reconvertir en euros. En dernier recours. Actuellement, 6 salariés travaillent au sein de l’association pour réussir à combler les trous qui empêchent de former des boucles vertueuses.
En Franche-Comté, de nombreuses zones y ont déjà adhéré : Vesoul, Rioz, Dole, Gray, Val de Pesmes, Lons-le-Saunier, Belfort, Grand Besançon, Pontarlier, Haut-Jura, Sainte Risoux Mont d’Or, Vosges Saônoises. Le seul endroit manquant : la zone Montbéliard-Héricourt. « Il suffirait que quelques bénévoles motivés, 3,4, s’y mettent, pour que cela prenne », encourage Émilie Chambrelent, qui espère que l’application, toute neuve, va donner un essor important au développement de cette monnaie locale ; sélectionnée par six autres pour être accompagnée par le mouvement SOL (fédération des monnaies locales complémentaires) pour bénéficier d’un accompagnement pour changer d’échelle.
Les commerçants participants dans le nord Franche-Comté
Possibilité de convertir les euros en pive tous les 4èmes samedis du mois sur le marché Fréry. Pour plus d’informations, voir ici.