Le magasin semble vidé de son âme. Mercredi 23 avril, à Valentigney, quelques curieux franchissent encore la porte d’Envie, l’enseigne de réemploi d’électroménager. Sur la vitre, un écriteau jaune annonce en lettres nettes : « Changement d’activité ». À l’intérieur, les murs verts et le carrelage apparaissent nus, presque trop présents. Seuls quelques appareils électroménagers patientent encore avant d’être acquis, derniers témoins d’une histoire qui s’achève.
« C’est une page qui se tourne », souffle Mehdi Manna, directeur général de l’ensemblier Défi. Après plus de vingt ans d’existence, Envie Valentigney (et aussi Envie Besançon), membre de l’ensemblier, spécialisé dans la réinsertion par le travail, met fin à son activité de collecte, rénovation et revente d’équipements électriques et électroniques. Des appareils remis en état, garantis deux ans, proposés entre 30 et 60% moins cher que du neuf : tel était le modèle qui faisait vivre la structure, tout en offrant des opportunités professionnelles à des personnes en parcours d’insertion.
Un modèle en crise
« Le contexte est complexe », résume sobrement Mehdi Manna. Depuis un an, la concurrence s’est intensifiée, y compris sur le secteur du réemploi, autrefois réservé aux structures d’insertion. Les grandes enseignes se sont mises à proposer des appareils reconditionnés. « C’était nouveau pour nous tous », confie le directeur. L’explosion des ventes de produits électroménagers neufs à bas prix, durant et après la pandémie de Covid-19, a également modifié durablement le marché. Les produits neufs se sont vendus à des prix si bas que réparer devenait souvent moins rentable que remplacer. « Cela a fait beaucoup de mal », déplore Mehdi Manna.
La qualité des appareils collectés a elle aussi décliné. Moins de dons de qualité, plus d’épaves irréparables. Le gisement local — déjà modeste dans un bassin de 300 000 habitants — s’est tari. En parallèle, des problèmes internes d’organisation ont fragilisé davantage la structure, avoue le directeur de l’ensemblier.
Envie 2E, la branche de Mandeure, poursuivra néanmoins une partie de l’activité, centrée désormais sur le traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques. Le réemploi, lui, est abandonné, faute de viabilité économique. « Nous n’arrivons plus à équilibrer », constate Mehdi Manna. « Pas assez de ventes, pas assez de marges. » L’esemblier Défi, déjà sollicité pour soutenir Envie Valentigney financièrement, ne peut plus se permettre de continuer. « Tout l’ensemblier est fragilisé. »
Depuis la fin de l’année 2023, les comptes étaient dans le rouge. Les tentatives pour redresser la barre, en valorisant notamment les pièces détachées, n’auront été que des sursis. En novembre 2024, le conseil d’administration prend une décision douloureuse : arrêter l’activité.

Salariés et garanties
Dans les ateliers et la boutique, l’ambiance est morose. Envie employait une dizaine de personnes en parcours d’insertion. « On a laissé personne sans solution », insiste Mehdi Manna. Les personnes en contrat d’insertion ont pu être réorientées. Mais parmi les sept salariés permanents, cinq sont licenciés. Deux ont pu être reclassés au sein du groupe.
Reste aussi une question en suspens : comment assurer la garantie de deux ans promise aux derniers clients ? Défi travaille à une solution avec l’antenne Envie de Mulhouse. « Cela va laisser un vide », admet le directeur. Un vide commercial, mais aussi humain.
Avec ses 2 500 appareils réparés par an et ses 25 salariés en insertion accompagnés chaque année, Envie Valentigney aura marqué son territoire. Mais comme le souligne Mehdi Manna : « Il faut savoir s’arrêter pour ne pas faire tomber l’ensemble. »
Recyclage des batteries lithium
L’ensemblier cherche désormais à rebondir. Le bâtiment de Valentigney ne restera pas longtemps à l’abandon : il sera reconverti pour accueillir du stockage et de la production pour Erige et Idé, des branches de Défi dédiées aux travaux de second œuvre et aux espaces verts.
Et de nouveaux projets se dessinent pour continuer la branche du réemploi, en partenariat avec l’université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM). Défi va se lancer dans un nouveau défi : donner une seconde vie à des batteries lithium, un défi en termes de gestion des déchets dangereux. Un laboratoire sera créé à l’université, ainsi qu’un atelier mobile. « C’est un sujet d’actualité », relève Mehdi Manna, un brin d’enthousiasme dans la voix.
Pour Envie Valentigney, l’heure était au dernier inventaire. Ce 28 avril, tout est définitivement fermé. Un numéro reste disponible pour toutes les questions restantes.
07 84 94 92 43 ou contact@envie-electromenager.fr