La filière hydrogène du nord Franche-Comté s’étoffe depuis plusieurs mois. Les usines sortent de terre et le territoire se positionne comme un producteur d’équipements de la filière : électrolyseurs de moyenne et forte puissance, réservoirs, piles à combustible, groupes électrogène. McPhy, Forvia, Inocel, Gen-hy ou encore H2SYS sont les têtes de pont de cette industrie en devenir.
La singularité de ce territoire repose aussi sur l’accueil d’une structure d’exception, le centre de certification des réservoirs Isthy, prévu à l’Aéroparc de Fontaine. Initialement, le projet devait être lancé en 2023 ; il est né dans le cadre du plan hydrogène de Nicolas Hulot en 2018, porté par le Bourguignon Rougeot Énergie. Le centre sera en capacité, notamment, de tester des réservoirs de 20 kilos d’hydrogène conditionné à 700 bars, les plus gros du marché. Les réservoirs seront soumis à des tests mécaniques (chute, étanchéité), chimiques ou sous pression en chambre robuste (déformation, éclatement, altération…). Ils seront aussi testés à des températures extrêmes (- 40 °C à + 82 °C). Même les risques de perforation seront apprivoisés. Isthy sera un passage incontournable à l’échelle internationale.
Aujourd’hui, le projet Isthy est porté par la société Inthy, qui l’a acquis en 2021. Inthy a été fondée par Dominique Darne, très impliqué dans les investissements liés aux énergies renouvelables ; il accompagne notamment le déploiement de l’écosystème hydrogène de Dijon. Il s’est aussi associé au Suisse Alpiq, en créant HyMove, qui vise à accélérer le déploiement de la mobilité lourde 0 émission dans l’Est de la France, en fournissant de l’hydrogène produit par INEOS Inovyn à Tavaux (Jura). « Isthy intéresse tout le monde, mais il n’est pas facile à bâtir », convenait, à l’automne 2023, Dominique Darne, dans le hors-série « hydrogène » publié par Le Trois (à découvrir ici). Aujourd’hui, le marché « a pris de la maturité », ajoutait-il. Forvia et Plastic Omnium annoncent des carnets de commandes étoffés.
Bureau Veritas, un acteur de référence
Si l’avenir du projet s’éclaircit, c’est aussi grâce à l’arrivée d’un nouveau partenaire: Bureau Veritas rejoint l’aventure. C’est un acteur international incontournable sur les sujets de qualité, hygiène, sécurité et environnement au travail. Il dispose notamment d’une capacité de certification des procédures et des équipements. Il intervient dans le domaine de l’agriculture et de l’agroalimentaire, de l’automobile et du transport, ainsi que dans le pétrole, le gaz et la chimie. C’est l’entité Bureau Veritas exploitation qui rejoint le projet. En 2022, le groupe comptait plus de 82 000 salariés dans le monde, dont près de 8 400 en France. L’annonce officielle sera faite à l’occasion du Salon parisien de l’hydrogène, Hyvolution, le 30 janvier, sur le stand du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté. Les invitations ont été envoyées.
Si le premier calendrier n’a pas été tenu, c’est aussi qu’il est difficile de boucler le financement, estimé encore à 25 millions d’euros à l’automne 2023. Les promoteurs ont notamment sollicité une aide de l’État. Elle est en cours d’instruction. Elle a été, pendant de longs mois, en suspens. Dans les arbitrages, les crédits de France 2030 étaient notamment fléchés vers la décarbonation de l’industrie ; un projet comme celui d’Isthy, lié à la mobilité, n’était pas forcément prioritaire. Les élus du Grand Belfort et du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté et les acteurs locaux de la filière se sont mobilisés auprès des services de l’État pour souligner l’importance de ce dossier, notamment pour les acteurs français du réservoir. Les signes sont aujourd’hui plus positifs sur l’avancée du dossier, mais des doutes subsistent, qu’un remaniement gouvernemental ne dissipe pas forcément. Selon nos informations, on évoque un soutien de l’ordre de 25 %.
Le Grand Belfort fournit à Isthy le terrain, à l’Aéroparc, dont le plateformage a été amorcé il y a quelques années déjà. Selon le calendrier présenté à l’automne 2023, Isthy ambitionnait de recevoir les premières machines fin 2024. Selon nos informations, ce calendrier a pu évoluer ces dernières semaines. La construction du centre et sa capacité de certification vont être phasées pour suivre la montée en puissance d’une industrie qui démarre. Une manière, aussi, de maîtriser le risque financier.
Sollicité, Dominique Darne, d’Inthy, n’a pas souhaité répondre à nos questions.