Dans un écrin industriel de 12 500 m2, reconnaissable à ses deux cheminées en pierre et ses fenêtres voûtées de part et d’autre des bâtisses, l’entreprise Cristel emploie 105 salariés. Elle exporte le quart de sa production dans 40 pays et développe des boutiques et des filiales commerciales aux Etats-Unis, en Indonésie ou encore au Japon. Des données qui font rêver la présidente Bernadette Dodane, car le pari n’était pas gagné d’avance.
C’est en 1983 que l’aventure Cristel démarre. Un groupe d’ouvriers reprend l’ancienne usine de l’empire industriel Japy en pleine faillite, qui fut autrefois l’une des deux plus grandes entreprises françaises du Second Empire. Cristel voit le jour sous la forme d’une société coopérative de production (SCOP). Mais cela ne prend pas et les ventes sont à perte. Bernadette Dodane, experte-comptable est appelée pour apporter son savoir-faire sur la gestion, mais aussi pour trouver un repreneur. Elle doit rendre au préfet de région un rapport sur la viabilité de l’usine. Elle la considère comme nulle. « Il n’y avait pas d’avenir », se remémore-t-elle. « Il y avait eu trois faillites judiciaires en huit ans. »
Seule possibilité pour s’en sortir selon la présidente : monter en gamme « alors que toutes les casseroles se ressemblaient il y a quarante ans ». Elle fait appel à son mari, Paul Dodane. Dessinateur, technicien concepteur chez Peugeot, il a l’idée qui change la donne : la cuisson-service, avec la fabrication d’ustensiles à poignées amovibles pouvant passer de la cuisine au salon avec élégance. Sur ses soirées, il vient bénévolement à l’usine pour trouver le bon prototype. Idée qui permettra, plus tard, de s’immiscer sur les marchés japonais.
Après le succès d’un prototype au salon Bijorhca, les salariés de la société en péril demandent au couple de reprendre la gérance. En 1987, les Dodane acceptent, hypothéquant leur maison à hauteur de 30% pour réussir à sauver Cristel.
Le boom de l’inox
En 2024, Cristel dépasse les 20 millions d’euros de chiffre d’affaires. « Nous étions à 12 millions en 2019 », raconte Damien Dodane, directeur général délégué. Le chiffre d’affaires a explosé pendant la pandémie du Covid-19, et ce malgré le prix de ses produits haut-de-gamme, vendus entre 90 et 160 euros.« Les gens se sont inquiétés, pendant le confinement, du matériel qu’ils avaient pour cuisiner », poursuit-il. Cela a nécessité l’embauche de 24 personnes supplémentaires.
L’essor s’est confirmé, depuis l’adoption en avril à l’Assemblée nationale d’une loi restreignant l’usage des PFAS, confie son directeur général délégué Damien Dodane. Le projet de loi doit être examiné à partir de jeudi au Sénat. Il prévoit d’interdire, à partir du 1er janvier 2026, la fabrication, l’importation et la vente de tout produit cosmétique, de fart (pour les skis) ou d’habillement contenant des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), à l’exception des vêtements de protection pour les professionnels de la sécurité et de la sécurité civile. À la suite d’une intense campagne du groupe SEB, propriétaire des célèbres poêles Téfal, les députés ont renoncé à interdire aussi les revêtements anti-adhésifs dans les batteries de cuisine. Mais le début a suscité « une véritable inquiétude sur le marché du culinaire et la demande a explosé sur l’inox », confie Damien Dodane, dont l’entreprise vend à la fois de l’inox et de l’anti-adhésif. Si les deux matériaux étaient jusqu’à récemment à égalité 50/50 dans les ventes, l’inox représente depuis deux mois 70% du chiffre d’affaires de Cristel.
« On peut tout cuisiner dans de l’inox. Cela demande juste une éducation. » Désormais, Cristel dispense 200 démonstrations culinaires par an chez ses revendeurs. « C’est notre manière de dire que la seule alternative aux polluants éternels, c’est l’inox.»
Quant à ses propres produits contenant des anti-adhérents au polytétrafluoroéthylène (PTFE), Cristel a créé une activité de rechapage : environ un tiers des équipements est renvoyé à l’usine, où une ligne de production permet de refaire le revêtement. Coût pour le client ? 30% du prix d’achat.
