Selon des donnée de France Travail, de février 2024, la Bourgogne-Franche-Comté compte 47 475 travailleurs frontaliers. 70 % résident dans le Doubs, 20 % dans le Jura et 10 % dans le Territoire de Belfort. On compte plus de 2 millions de travailleurs frontaliers en Union européenne, un chiffre qui a triplé depuis 2000. C’est 1 % de la population en emploi. Et la France comptabilise 448 825 travailleurs frontaliers, selon une étude menée par le Mouvement des entreprises de France (Medef), qui a rendu, au mois d’avril, un rapport à ce sujet. Cette mission a été présidée par Emmanuel Viellard, directeur général du groupe Lisi, dont le siège est à Grandvillars.
Près de la moitié des travailleurs frontaliers français travaille en Suisse rappelle ce rapport du Medef. La première motivation : l’attractivité des salaires, convient-elle. « La réglementation européenne en vigueur encadrant la coordination entre la France et ses pays frontaliers sur les dimensions sociales (assurance chômage, assurance maladie, cotisations sociales, ect.) favorise ce déséquilibre au détriment de la France et accentue les effets contreproductifs en matière d’attractivité », écrit le syndicat patronal. Le syndicat alerte sur plusieurs dossiers liés au travail frontalier, alors que les demandes en main d’œuvre de la Suisse vont croître d’ici 2030.
L’État d’emploi est l’État qui verse les prestations
« Nous ne sommes pas contre l’idée d’avoir la liberté de travailler au-delà de la frontière », replace, de suite, le patron de Lisi. Mais il veut « rétablir l’équilibre » et alerter. En citant le premier problème : l’assurance chômage. Quand un travailleur frontalier perd son emploi, il est pris en charge par son pays de résidence. Or, les cotisations ont été perçues par le pays où il travaillait. Pour compenser ce manque de cotisation, les pays remboursent une partie de ces cotisations convient le Medef. Qui annonce ensuite la couleur : trois mois sont remboursés par la Suisse quand le travailleur frontalier a travaillé moins de 12 mois et cinq mois s’il a travaillé plus de 12 mois dans les 24 derniers mois. « Dans les faits, la durée d’indemnisation des frontaliers dépasse en moyenne largement les 5 mois d’indemnisation remboursés par les pays employeurs », s’étonne le Medef, qui a estimé le surcoût. Selon ses calculs, cela s’élève à 775 millions d’euros en 2023, pour 75 000 bénéficiaires, et à 800 millions d’euros, en moyenne, par an, ces dernières années, avec des « pics » observés pendant le covid-19. Ce qui fait dire à Emmanuel Viellard : « Les cotisations versées par les entreprises françaises ne doivent pas servir aux prestations des frontaliers. » D’ajouter, las : « Je me fais « piller » [les talents] et en plus je paie les prestations. »
Le Medef rappelle également que les charges représentent 10 à 15 % du salaire brut, en Suisse, contre 23 % en France. Le syndicat propose un régime dérogatoire, avec un dispositif d’exonération de cotisations sociales patronales, dans certaines zones. Le Medef appelle à la création « de zones franches », explique Emmanuel Viellard, le long de la frontière, afin de permettre aux entreprises de proposer des salaires plus élevés. Ces zones peuvent cibler certaines activités, stratégiques, ou marquées par la concurrence ou par des métiers en tension. « L’État s’octroie des régimes dérogatoires », indique-t-il. Il l’attend aussi pour le privé. Pour financer ces exonérations, le Medef propose de s’appuyer sur les économies réalisées sur les révisions de l’assurance chômage des frontaliers, exposées précédemment.
Haro contre le versement mobilité
Autre cheval de bataille du syndicat, « rééquilibrer » la réglementation de l’assurance maladie. Il veut une « dénoémisation » du dispositif, « afin que les salariés transfrontaliers dont le conjoint a un emploi en France ne bénéficie pas de manière automatique – en leur qualité d’ayant-droit – des contrats d’assurance complémentaire santé (ou mutuelle) de celui-ci, dès lors qu’ils sont susceptibles de bénéficier d’une complémentaires santé qui leur est propre (sous réserve de respecter les accords de branche) », insiste le Medef, rappelant que l’employeur a l’obligation de proposer une mutuelle à ses salariés.
La dernière inquiétude concerne le versement mobilité, payé par toutes les entreprises de plus de 11 salariés, dont le montant est calculé sur la masse salariale. Il est prélevé par les autorités organisatrices de mobilité. Il favorise « indirectement les entreprises étrangères en finançant des infrastructures de transport qui peuvent être utilisées par les salariés transfrontaliers », interpelle le Medef. Localement, on peut évoquer la ligne ferroviaire Belfort-Delle, voire la mise en 2×2 voies envisagée pour la R.D. 1019. La note, nationale, utilise le cas du Territoire de Belfort, pour critiquer le choix des élus d’opter pour des taux plafonds pour ce versement transport. Il invite à étudier de nouvelles manières de financer les infrastructures de transport collectif.
Ce sont autant d’éléments qui fragilisent la compétitivité des entreprises, indique Emmanuel Viellard, voire empêchent de s’aligner sur des salaires plus élevés, proposés de l’autre côté de la frontière. « Arrêtons la gabegie », résume, finalement, Emmanuel Viellard.
Lutter contre la fraude
Le Medef souhaite également mettre l’accent sur la lutte contre la fraude sociale frontalière. « Difficile à mesurer, elle a néanmoins une incidence financière importante pour les finances publiques des régions françaises concernées », écrit-il. Avant de lister les différentes fraudes : fraudes aux allocations chômage (dont la poursuite des allocations alors que le travailleur a retrouvé un emploi de l’autre côté de la frontière) ; fraudes aux déclarations de revenus ; fraude aux remboursements médicaux déjà effectués, fraude au RSA… « Cette fraude est possible, voire facilitée par l’absence ou l’insuffisance des échanges de données entre les pays et les organismes sociaux, même si de nombreux progrès ont été faits », écrit le syndicat.