Les instituts universitaires de technologie (IUT) vivent une révolution à l’occasion de cette rentrée 2021. Exit le DUT, bonjour le BUT, pour bachelor universitaire de tehchnologie, un diplôme obtenu en trois années. Retour sur cette évolution avec David Markezic et Valérie Lepiller, directeur et directrice adjointe de l’IUT Belfort-Montbéliard. Cette réforme a des implication nombreuses, notamment sur le tissu économique. La formation se doit d’être encore plus proche des besoins du territoire.
Les instituts universitaires de technologie (IUT) ont vécu une révolution à l’occasion de cette rentrée 2021. Exit le DUT, bonjour le BUT, pour bachelor universitaire de tehchnologie, un diplôme obtenu en trois années. Retour sur cette réforme avec David Markezic et Valérie Lepiller, directeur et directrice adjointe de l’IUT Belfort-Montbéliard. Cette réforme a des implication nombreuses, notamment sur le tissu économique. La formation se doit d’être encore plus proche des besoins du territoire. Interview.
La rentrée a été marquée par une réforme d’envergure. Vous avez accueilli les premiers étudiants du bachelor universitaire de technologie (BUT). Quelle est cette formation ?
David Markezic – C’est un bac + 3. Nous allons former pendant trois ans des bacheliers, de filière générale ou technologique. La moitié ira en insertion professionnelle. L’autre moitié poursuivra ses études : écoles de commerce ; écoles d’ingénieurs ; masters. Le DUT, né à la fin des années 1960 (en 1966, NDLR), disparait. Nous sommes sur la dernière promotion, cette année.
Qu’implique cette réforme, notamment sur l’organisation de l’enseignement ?
David Markezic – Habituellement, nous rénovons le programme tous les 5 à 8 ans. Avec cette réforme, nous entrons dans une autre logique, avec une approche par compétences, largement développée en Belgique ou au Québec. Même si depuis de nombreuses années, nous sommes dans les IUT dans une approche pratico-pratique avec de la manipulation, des projets tutorés, des stages et de l’alternance, nous allons monter d’un cran. L’étudiant va être mis en situation et nous allons l’amener à toujours être dans la réflexion de ce qu’il découvre, de ce qu’il est en train de faire ou de ce qu’il a fait. Nous allons mettre en place un portfolio. L’étudiant va construire lui-même ses compétences, de manière formalisée avec des éléments à produire et à présenter.
Le diplôme laisse-t-il plus de places à des enseignements extérieurs ?
David Markezic – Aujourd’hui, nous avons 20 % d’intervenants extérieurs. Nous faisons venir le monde de l’entreprise, des administrations et des collectivités territoriales dans l’IUT. Nous avons des salariés et des dirigeants d’entreprise qui viennent avec leurs connaissances et leurs illustrations. C’est un élément important d’ouverture au monde professionnel. Nous pouvons aussi contractualiser avec des entreprises ou des collectivités pour que les étudiants produisent quelque chose, souvent en équipe. Aujourd’hui, nous avons aussi près de 300 alternants, sur les 1 600 étudiants. L’idée est d’aller plus loin sur cette logique. L’étudiant a des temps en entreprise et en formation ; il va se nourrir de ce qu’il voit en entreprise, de ce qu’il fait à l’IUT. Et inversement. Sur ce BUT, il y a un tiers de la formation qui est orientée en logique d’adaptation locale.
L’IUT en pointe sur le BIM
Le building information model (BIM) est un système de maquettage numérique. Aujourd’hui, certains marchés publics obligent les entreprises à maîtriser cette compétence numérique, qui permet de « regrouper » sur une même maquette « toute la vie d’un chantier », explique Valérie Lepiller, directrice adjointe de l’IUT Belfort-Montbéliard, maîtresse de conférence en énergie. On y retrouve les plans de masse, les plans de circulation des fluides. Le BIM est une adaptation locale de l’IUT. Et il sera renforcé dans les parcours des nouveaux BUT. « Le but est d’apporter cette compétences à nos étudiants, qui peuvent ensuite la transporter en stage », précise Valérie Lepiller. Cet outil permet de repérer les défauts, de gagner du temps, de réduire les matériaux utilisés et facilite la maintenance, notamment du parc immobilier de collectivités ou de bailleurs sociaux. Le prochain bâtiment de l’IUT sera fabriqué avec une maquette numérique. « Ce sera une application directe, dans l’IUT », insiste David Markezic. Un tel outil permet de faire les calculs de structure, mais aussi de mesurer les performances énergétiques. L’IUT dispose déjà des logiciels pour former les étudiants à cette compétence. Le BIM est proposé en formation initiale, mais aussi en formation continue.
Nous passons d’un quart à un tiers des enseignements dispensés par des extérieurs de l’IUT…
David Markezic – Nous sommes sur un programme national, mais un tiers va être adapté d’un point de vue local. On n’adapte pas sur les objectifs de compétences clés, mais à des compétences spécifiques, locales, à des besoins sectoriels. Nous avons évoqué le BIM (building information model, NDLR, lire ci-dessus). Nous pouvons évoquer l’hydrogène.
Comment va-t-on justement retrouver l’hydrogène, une filière qui s’installe dans le nord Franche-Comté, à l’IUT Belfort-Montbéliard ?
David Markezic – L’hydrogène fait partie de ces adaptations locales que nous souhaitons transversales. Nous avons dix BUT – donc 10 spécialités – dans le tertiaire, le secondaire et le quaternaire. L’objectif, c’est de viser un ensemble de métiers possibles et de compétences dédiées, qui vont devoir être développées sur les trois années du BUT. Pour certains BUT, ce seront des compétences très ciblées et très techniques. Pour d’autres, ce sera plutôt de l’acculturation. L’idée est de construire le parcours de formation en ayant des connaissances et des compétences sur ce domaine, parce que dans le nord Franche-Comté nous sommes dans une projection forte au niveau économique. Nous souhaitons proposer des opportunités pour nos étudiants, mais aussi pour les entreprises. Elles ont besoin de salariés qualifiés, d’étudiants qui sortent de formation et qui soient les plus aptes à réussir leur insertion professionnelle. Et notre enjeu, c’est de les former à ces métiers.
Quel type de métiers projette-t-on dans l’hydrogène ?
David Markezic – Avec tout l’écosystème, nous pouvons imaginer que les besoins sont très larges. Quand nous formons à bac +3, nous formons notamment des assistants-ingénieurs. Ce sont aussi des entreprises qui ont besoin de métiers dans les fonctions supports : marketing ; commercial ; ressources humaines ; contrôle de gestion. Si nous avons des étudiants qui, à un moment donné dans leur parcours, ont été formés et ont découvert un secteur donné, qui peut être celui de l’hydrogène, nous facilitons leur insertion professionnelle. C’est aussi intéresser les étudiants à ce secteur d’activités, auquel ils ne penseraient pas spontanément. Et dans ce cas, nous aurons des entreprises qui trouveront relativement facilement les personnes qu’il leur faut. Quand une entreprise comme McPhy annonce 400 emplois, il y a une part importante de techniciens, mais il y a aussi des fonctions support. Il faut que l’entreprise qui s’installe puisse disposer des compétences. C’est à nous de les former aujourd’hui, pour que demain ils puissent recruter ces profils.
Vous a-t-on fait une liste des besoins ?
David Markezic – Ce serait bien (rire) ! Mais cela ne fonctionne pas comme cela, d’autant plus que nous sommes sur une filière qui se met en place. Nous avons besoin d’interagir continuellement avec le monde économique pour identifier quels sont leurs besoins d’aujourd’hui. Nous devons aussi anticiper pour voir vers quels types de métiers on s’oriente dans deux ou trois ans et à quels types de compétences nous devons former. C’est un travail que nous menons aujourd’hui, mais que nous menons continuellement, puisque notre tiers de formations en adaptation locale veut dire que continuellement nous devons réfléchir. Nous répondons toujours à des besoins locaux. Et si ce n’est pas le cas, nous les faisons évoluer. Si l’hydrogène demande l’ajout de compétences spécifiques, nous les ajouterons. Nous avons une formation qui devient de plus en plus organique. Nous n’avons pas un programme que l’on applique pendant huit ans. Nous avons un programme avec des compétences-métiers fortes et ensuite nous avons une adaptation continue. Quand nous allons visiter nos étudiants en entreprise, nous écoutons, nous observons, nous interrogeons. Nous nous nourrissons de ce que font les étudiants quand ils sont sur leur poste. Et quand des intervenants professionnels interviennent dans nos formations, nous nous nourrissons de ce qu’ils font et proposent. Ils participent aux conseils de perfectionnement, où ils nous conseillent pour renforcer une compétence, un outil ou les logiciels à utiliser. Nous les écoutons pour rendre la formation la plus adaptée.
Vous avez besoin de l’univers économique pour connaître leurs besoins et former leurs futurs salariés. En même temps, vous avez aussi besoin de plus de professionnels pour animer ces diplômes. Ce recrutement est un sacré défi…
David Markezic – C’est un vrai défi. Si des heures sont assurées par des professionnels, nous devons faire savoir que des salariés ou des chefs d’entreprise peuvent intervenir à l’IUT, pour quelques heures ou plus. On peut intervenir jusqu’à 140 heures (sur l’année).
On pourrait presqu’imaginer un partenariat entre l’IUT et une entreprise – grande ou petite – pour que ce soit inscrit dans la politique de l’entreprise, dans une logique de ressources humaines…
David Markezic – Cela fait partie de nos objectifs. Nous voulons conventionner avec un certain nombre d’acteurs, notamment les PMI, PME et grandes entreprises du nord Franche-Comté pour les amener à faciliter ces interventions de professionnels. Nous avons beaucoup de dirigeants qui peuvent intervenir pour une conférence… Mais ce dont nous avons besoin, c’est qu’ils permettent à leurs salariés de venir pour former leurs futurs collaborateurs. En même temps, ils font découvrir leur entreprise, leur secteur d’activités, la réalité de leur métier. C’est un défi à relever, collectivement. Les entreprises ont besoin de collaborateurs formés. Nous avons besoin d’employeurs et de leurs salariés qui prennent de leur temps pour former les étudiants.
Un autre défi se profile: celui de la formation continue. Que pouvez-vous en dire ?
David Markezic – En général, des formations classiques sont proposées pour partie en formation continue. C’est le cheminement que nous avons. Nous avons trois années pour installer complètement le BUT. Progressivement, nous allons identifier là où nous aurons des opportunités qui peuvent permettre à des entreprises de former leurs salariés, à l’IUT. C’est une question d’offre et de demande. À l’inverse, des besoins spécifiques peuvent être exprimés. Nous pouvons alors construire un projet de formation continue, sur mesure. Nous avons 140 enseignants et enseignants-chercheurs. Nous sommes pluridisciplinaires, nous avons donc des champs de spécialités très variés et nous avons un niveau d’expertise élevé. C’est un vrai enjeu, qui permet de connecter encore un peu plus l’IUT à l’environnement socio-économique.
À quelles formations pensez-vous ?
David Markezic – Prenons l’hydrogène, qui est une adaptation locale transversale à l’ensemble des BUT. Nous avons des compétences très fortes dans ce domaine. À l’IUT, nous avons des enseignants-chercheurs spécialistes de l’hydrogène qui ont réfléchi à une proposition de formation continue. Elle se fait en partenariat avec l’UFR STGI de l’université de Franche-Comté et l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM). C’est l’ensemble des enseignants-chercheurs de ces établissements qui va proposer cette formation continue. Nous sommes sur une offre pour les entreprises, qui va sortir prochainement.
Un renforcement de l’alternance est également envisagé. Comment va-t-il se matérialiser ?
Valérie Lepiller – Nous avons l’objectif d’ouvrir nos 26 parcours à l’alternance.
Mais qui dit alternance, dit : « Un étudiant est égal à un employeur. »
Valérie Lepiller – Exactement. Nous augmentons encore notre réseau. Certes, le BUT naît cette année, mais il ne faut pas oublier les cinquante ans d’expertise du DUT et cinquante ans de carnet d’adresses d’entrepreneurs et de collectivités. L’année prochaine, ce sera un étudiant, un employeur, mais aussi un enseignant. Ce trio va pouvoir faire remonter les besoins du tissu économique local.
Y a-t-il une forte demande sur l’alternance ?
David Markezic – De la part des étudiants, oui. Et de la part des entreprises aussi. Il y a des objectifs gouvernementaux sur l’alternance. Le gouvernement précédent envisageait au moins 500 000 alternants. Et aujourd’hui, nous y arrivons grâce à l’enseignement supérieur. Les universités y sont. Et les IUT ont été précurseurs dans cette dynamique. Il y a une vraie attente, un vrai intérêt et une vraie appétence. Pour les entreprises – alors que les jeunes sont peut-être moins dans la recherche d’un CDI – c’est un moyen de se faire connaître, d’attirer, de former avant la prise de poste et de séduire les meilleurs profils. Notre objectif est d’arriver à 500 alternants.
Les trois années de formation du BUT donnent-elles plus de marges de manœuvre ?
David Marlezic – Cela nous remet dans la formation de 1er cycle LMB (licence-master-doctorat). Au niveau international, cela va nous simplifier la vie. Nous pouvons aussi construire sur trois ans avec les étudiants, ouvrant plus de perspectives. Nous avons plusieurs pistes pour les amener sur une vraie vie étudiante dans le nord Franche-Comté. Notre configuration multi-sites limite les interactions et nous avons aussi beaucoup d’étudiants originaires du nord Franche-Comté, qui retournent chez eux. Nous avons besoin de les projeter dans des projets associatifs et de les accompagner dans ces démarches.